Messages from water

[Histoires d’eau] Comme beaucoup d’artistes, Ichiro Onoe est un observateur attentif du monde qui l’entoure. Il porte sur l’environnement un regard à la fois conscient des grandes difficultés auxquelles la Terre est confrontée, mais aussi humaniste et poétique, ce qui le pousse à traduire tout cela en musique. Natif de Tokyo puis diplômé du Berklee College of Music de Boston (USA), notre batteur compositeur a fait le tour de la Planète bleue, l’occasion de fructueuses collaborations aux côtés de prestigieuses figures du jazz, parmi lesquelles la chanteuse Yasuko Agawa ou encore le pianiste Makoto Ozone. Alors basé en France, il s’est lancé,  il y a presque dix ans, dans l’ambitieux projet « What I am », « Ce que je suis », le situant « au cœur des éléments », avec la sortie du superbe « Wind child », fort bien accueilli, qui révélait déjà la singularité de son écriture, et la richesse de son jeu, ouvert à tous vents. Entouré des excellents Geoffrey Secco (Saxophone ténor), Ludovic Allainmat (Piano) et Matyas Szandai (Contrebasse), une complicité s’est naturellement établie entre ces quatre musiciens, que l’on retrouvera intacte et encore plus forte, lors de la parution quatre ans plus tard de « Miyabi ». Traduisons ce titre par « Raffinement, élégance », des mots tout à fait adaptés à cette nouvelle proposition, dont la pochette rouge feu, et les braises aux intensités variables qu’elle contenait, ravirent une nouvelle fois  les oreilles de la critique.

Avec « Messages from water », ce sont des histoires d’eau que l’on nous conte, en tentant de la personnifier, comme on modèlerait  la chair fluide d’un être liquide vital. On peut alors l’imaginer nous parlant, avec un souffle et un verbe aux intonations variées, en forme de flux sonores  décrivant ses humeurs, des plus paisibles et ondoyantes aux plus impétueuses et inquiètes. A l’écoute de ses neuf thèmes, à l’écriture ciselée, on comprend que cet album est un vrai cri d’alarme, sous la forme d’un subtil pamphlet, qui situe l’Homme dans son contexte, face à ses responsabilités, et peut l’amener à s’adapter et à agir. Sa musique est un engagement spirituel  et militant, la parole de l’Eau, dans le courant d’un jazz agile, moderne et changeant, dont l’âme pure ne fait aucun doute. Nous savourons cela dès le groovy « Diabolus surf » qui révèle déjà les magnifiques lignes de contrebasse de Damien Varaillon, lequel succède à Matyas Szandai, le reste du groupe restant le même. Ses touches boisées s’entremêlent à ravir au brasillement de l’écume colorée de la batterie, et aux torsades ensoleillées du saxophone, suivies d’un piano à l’âme monkienne. Mais voilà qu’une vague taquine aura raison du surfeur qui tombera à l’eau ! Le morceau titre, trépidant et riche de beaux entrelacs rythmiques, augmentés du Fender Rhodes de Ludovic Allainmat, est proposé en deux versions, dont l’une chantée par Thierry Peala, sur des paroles de Gill Gladstone, saisissante supplique que nous adresse l’Eau, pour sa survie, et donc la nôtre ! Dans les flots vifs de ce ruisseau émotionnel, on pourra découvrir d’autres pépites qui nous en apprendront un peu plus de la vie. En ses eaux calmes, ce seront la sérénité, la beauté de la nature, on aimera par exemple la fluidité de « Still Emotion » ou la douceur de  « Ermitage », autre version que celle plus musclée qui figurait sur « Wind Child ». Dans des méandres tumultueux, ce seront plutôt les embruns de « Flap’n flow », ou les engagements pris par « Resistant » ou « Stabiliology ». Enfin, « May green » clôt l’album avec un optimisme rassurant mais fragile. Au final, ce disque nous touche, car il est porté par de remarquables musiciens, en totale communion, dont les parties solistes ou rythmiques, magnifiquement captées, nous entrainent vers plus de clarté. Ils nous invitent peut-être à adapter un célèbre proverbe : « Lorsque le sage montre la mer, l’idiot regarde le doigt ».

Par Dom Imonk

Promise Land/Socadisc

Julien Bassères : Prise de son, mixage et mastering.

Laurence Monot : Photos.

https://www.ichiroonoe.com/

Thierry Peala (Vocal, morceau 2), Geoffrey Secco (Saxophone ténor), Ludovic Allainmat (Piano, Fender Rhodes), Damien Varaillon (Contrebasse), Ichiro Onoe (Batterie, compositions, arrangements) et Gill Gladstone (paroles, morceau 2).