Homeland(s) – Matthieu Marthouret – Lori

En trio, voici notre agence de voyage musicale : Homeland(s)

Home : signifie pour tous le foyer, le domicile mais le trio l’interprète aussi élégamment par ce son [om] que l’on retrouve dans beaucoup de religions. Il a certes comme ils l’indiquent une traduction du sanskrit relative au son primordial : A (la naissance) U (la vie, le rêve) M (le sommeil, la mort). Mais en lien, il est aussi lié à la méditation avec des notions de bienfaits pour le corps et l’esprit. Ainsi ce son peut être prononcé en cours de yoga qui trouve d’ailleurs ses origines dans l’hindouisme. Yoga signifiant d’ailleurs connecté, unir.

Lié, Land nous allie au(x) voyages, terres, pays… Quel programme ! avec en leader le compositeur et pianiste :

  • Matthieu Marthouret : piano

Pianiste, claviériste et compositeur, il est déjà leader de plusieurs formations à travers lesquelles il développe un jazz contemporain chaleureux, énergique, en communion avec ses divers acolytes. L’un de ses premiers projets Organ Quartet permet de le considérer comme un spécialiste de l’orgue Hammond modernisant le son de cet instrument. Bounce Trio, Octopuces, Springbok sont d’autres formations séduisantes marquées par l’alchimie qui règne entre les artistes. Homeland(s) est un projet récent après l’EP en 2023 : Le chemin se poursuit avec LORI toujours en tant que leader.

  • Mosin Kawa : tablas, percussions et chants.

Originaire d’Inde du Nord, il débute son art à l’âge de trois ans avant de devenir aujourd’hui le compère d’un grand nombre d’artistes grâce à ses capacités d’adaptation aux sonorités de tout horizon. Si le tabla est un emblème de la musique indienne, sa morphologie, son jeu et sa composition restent souvent méconnus. Cet artiste instaure un style de musique hindoustanie qui est à l’image de sa région d’origine marquée par un brassage culturelle. Beaucoup connaissent déjà Zakir Hussein, Trilok Gurtu : et bien l’album LORI nous fait découvrir la nouvelle génération.

  • Loïc Réchard : guitare électrique

Je dois dire que c’est avec grand plaisir que je rencontre à nouveau cet artiste connu dans ma jeunesse avec le groupe éthio-jazz Akalé Wubé. Comme tous, son parcours est un chemin de rencontres et d’éventails de styles musicaux allant vers l’afro-groove (avec Anbessa avec M. Dibango), le fusion (avec Barbery), l’électro-jazz (avec Cosmik Connection) et bien d’autres avec B. Trotignon, E.Le Lann… Vous l’aurez compris ce dernier n’a donc pas de limite dans la création. Bien souvent muni de sa Télecaster Nash, il fait le choix avec ce nouveau projet d’ajouter encore plus de couleurs à son style.

L’excursion sonore : LORI

Cette magnifique jaquette créée par Aya Kobayashi ne peut qu’attirer le regard. Sur un fond blanc, ce sont des Loris, oiseaux multicolores qui s’entrelacent ici en guise d’invitation. Il est intéressant de noter que le lori fait parti des perroquets les plus interactifs. Pour ce très bel oiseau, tout est question de jeu et de curiosité attisée d’ailleurs par le style artistique. Le choix est donc parfaitement en symbiose avec l’album.

Lors de la première écoute c’est exactement ceci que nous ressentons. Mais ensuite l’exploration va bien delà et dépasse la simple rencontre : les présentations sont terminées et la collaboration de ce trio nous entraîne vers une véritable évasion éloignant le spectateur de ses soucis, le monde de ces problématiques trop récurrentes.

Voici une présentation rapide de mes titres favoris qui vous donnera sans nul doute l’envie de méditer sur votre propre itinéraire :

Zamin : Les premières notes de l’album à la guitare/tablas sont intrigantes puis nous sommes caressés par les plumes du clavier qui nous orientent librement vers cette guitare au son clair, le tout parsemé de colorant rythmique des frappes délicates qui finissent par sublimer la fin du morceau. L’Inde est devant nous avec Zamin, ainsi débute le voyage avec ce titre qui évoque l’harmonie spirituelle.

Bathi : Le second nous propulse en Éthiopie avec la composition de L. Réchard :une introduction au chant de M. Kawa suivi d’un échange entre le piano et la guitare sur des riffs simples qui s’entremêlent au rythme des tablas se terminant par des bhôls (phrases rythmiques vocalisées correspondant aux frappes du tablâ). Simple mais très efficace, ce titre est un éveil pour l’échange entre chacun.

–  Mos’Blues : Un blues métisse avec ce rythme balancé au tempo lent sans mélancolie mais encore une fois un trio en phase qui  laisse élégamment les percussions s’exprimer à mi-morceau (super solo) pour nous perdre avec une accélération envoûtante avant de terminer le rythme blues instauré.

Hindol : Après une douce intro au piano, voici un raga indien avec ce jeu de question/réponse permettant après une montée dans les aigus un partage de chacune des cultures et styles musicaux de chacun tout en restant en harmonie avec le style. Le solo guitare s’adapte avec des bends délicatement placés puis le piano nous balade au dessus de toutes frontières qui ne sont plus !

Elle Baag en 2 phases : une première aux vocalises hindoustaniennes ensorcelantes et une seconde qui nous invite dans un univers jazzy-métissé très séduisant.

Un jazz métisse qui nous amène à fleur de nuages afin de prendre un instant pour voyager ensemble en Inde et bien au-delà grâce à ces dialogues sonores aux styles et origines. Le groupe EYM nous avait déjà fait goûter à cela avec la chanteuse indienne Varijashree Venugopal (Chronique de Martine Omiécinski). L’éclectique tandem piano/guitare de Homelands épouse ici le sens inné du rythme de Mosin Kawa.

Matthieu Marthouret m’a vraiment emballé avec un projet qui est un véritable partage musical paisible en trio, de nos émotions, de nos idées, dans un respect mutuel.

Par Julien Motard

Label : We See Music

Sortie le 12 Avril 2024

http://www.matthieumarthouret.com

https://weseemusicstore.bandcamp.com/