8-9-10 octobre 2021 

Déambulation en ville

Cette année pour la première fois, le Festival Jazz Pourpre en Périgord a laissé passer le temps des cerises pour se vêtir de la pourpre de la vigne, qui fort heureusement lui va très bien au teint et même, pourrait-on dire, lui colle à la peau.

C’est un festival populaire, on y vient pour sortir, se rencontrer, se restaurer, côtoyer les musiciens à la buvette et aussi danser, en écoutant de la musique, mais pas n’importe laquelle, du jazz !

Située en plein cœur de la ville, la Place Gambetta se métamorphose le temps d’un week-end en « village » avec ses stands d’artisans d’art, ses restaurants, son bar à vin et sa « boîte de jazz », grand chapiteau dans lequel vont se succéder pendant plus de deux jours pas moins de 15 groupes totalisant 120 musiciens. 

Dès vendredi à 18 heures, alors que le festival s’ouvrait par le traditionnel apéro-jazz accompagné par la musique « dixie » du Quartet Big Four Suite (Denis GIRAULT, clarinette – Tibo BONTÉ, trompette – Stéphane BORDE, banjo – Nicolas DUBOUCHET, contrebasse), il fut évident – par l’affluence du public et le nombre de bouteilles débouchées –  que ce que nous étions en train de fêter, c’était des retrouvailles, pour ne pas dire des relevailles, avec l’énergie toute neuve des bénévoles de l’association Jazz Pourpre, organisatrice du festival, et la bénédiction des élus locaux, départementaux et régionaux qui veillent sur la destinée de ce festival.

Big Four Sweet

Après le dîner-jazz, toujours animé  par le Quartet Big Four Sweet – leur musique couvre sans peine les bruits de fourchette –  le public fut accroché par les rythmes latins et les ondes festives du SexteRadio Tremendo (Fabi et Fernanda, chant, trombone – Kamila, chant, piano – Galoche, basse – Caspar Douglas Hamilton, percussions – David Carbonnel, batterie). De nombreux convives en oublièrent même leur assiette pour se précipiter sur la piste de danse (cumbia, salsa, festejo).

Puis, le temps du changement de plateau et de quelques balances (nous tenons à saluer la maîtrise, qui n’exclut pas la bonne humeur, de notre ingénieur du son, Didier Vermaut de Art Phonic 24), et ce fut l’heure du traditionnel « after » avec le guitariste de blues, country et rock n’roll Chris Bakehousman en quartet pour un époustouflant « Devil’s Drivers », qui, après les derniers riffs, rendit un peu difficile la fermeture de la buvette et de la Boîte de Jazz dans les temps réglementaires…

Au programme du lendemain, dès 11 heures, déambulation dans la ville et autour du marché, à la rencontre de la population, avec toujours nos amis du Quartet Big Four Sweet. A chaque station, des passants qui écoutent avec étonnement, puis participent chaleureusement, et toujours des danseurs spontanés, sans compter les enfants que les parents ne cherchent pas à retenir. Et bien sûr, les musiciens facétieux qui invitent tout le monde à se rendre sur la Place Gambetta où on trouvera tout ce qu’il faut pour se restaurer avec des produits de qualité (c’est vrai, parce que le Comité de la restauration de Jazz Pourpre sélectionne rigoureusement les restaurateurs présents sur le site du festival). Quant au Bar à vin, généreusement doté par le CIVBD (Interprofession des Vins de Bergerac et de Duras), il propose une belle carte des vins de Bergerac, dont les notes épicées et chatoyantes s’accordent si bien avec le jazz !

Djangophil String Quartet

La preuve, c’est qu’aujourd’hui c’est au Djangophil String Quartet (Bib BOURDIER, guitare – Bernadette BOURDIER, guitare – Patrick PUECH, contrebasse – Michel ALADJEM, violon) que revient l’animation du déjeuner-jazz, dans un répertoire de compositions et de standards, avec au bout des doigts la sensibilité du jazz manouche et du swing.

Pendant ce temps, les festivaliers qui désiraient prendre un apéro « arty » pouvaient se rendre au Centre Culturel Michel Manet, situé à de pas de là, pour le vernissage de l’exposition traditionnelle du festival, présentant les oeuvres de Melain Dzindou, artiste peintre d’origine congolaise. Celui-ci a réalisé pour la circonstance plusieurs peintures sur le thème du jazz et c’est l’une d’elles qui a servi à faire l’affiche du festival.

L’après-midi le programme musical reprend avec deux formations du Conservatoire à Rayonnement Départemental de Dordogne.

 Le Jazz Vocal du Conservatoire, sous la direction de Madame Suzel Zajac, composé de 10 chanteuses et chanteurs et de Cécile Laparre au piano, qui interprètent des standards du jazz et nous offre un moment de douceur rafraichissante à cette heure chaude de la journée.

Le Big Band Départemental du CRD Dordogne, sous la direction de Didier Dupuy, composé de 25 musiciens, professeurs et élèves du Conservatoire – la plus jeune n’a que huit ans et doit se hisser sur la pointe des pieds pour frapper ses congas. Nous avons assisté à une grande prouesse musicale avec un band vraiment très big, mais aussi à une belle démonstration de transmission des professeurs à leurs élèves.

Pendant l’installation du Big Band, qui allait durer environ une heure, Djangophil String Quartet emmène le public à l’autre bout du site pour un concert improvisé totalement acoustique, avec la participation inopinée d’un danseur de claquettes. Le public a plébiscité ce happening. L’année prochaine nous ouvrirons cette deuxième scène pour créer ces moments de respiration, d’improvisation et pourquoi pas de jam sessions.

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Un autre moment fort de cette journée a été la prestation du Taoufik Bargoud Trio (Taoufik Bargoud, Oud Saz, guitare, flûte traversière, et autres – Ravy Magnifique, tablas, drums et autre percussions – Dominique Muzeau, basse). Fusion de jazz et de musiques orientales et asiatiques, ce concert représentait « le rendez-vous en terre inconnue » de notre programmation. Au vu de certaines réactions, le public n’a pas été indifférent à cette expérience et après le deuxième morceau la majorité a été conquise par la richesse de cette musique et la virtuosité des musiciens. Pari gagné !

Pour clore la soirée, un « after » avec The Soul Phoenixs et ses sept musiciens. De la soul, du funk et du rock pour libérer les énergies des derniers festivaliers de la nuit.

Le dimanche, la machine repart à 12 heures, avec un apéro-jazz et un déjeuner-jazz animés par The Lukas Koeninger Trio (Lukas Koeninger, piano – Graeme Jones, bass – Rainer Rutow, batterie). Du très bon Boogie-Woogie pour se remettre dans le tempo.

Après-midi « récréative » en extérieur avec la Banda du Trèfle Gardonnais dirigée par Christophe Rougier. Cet orchestre de rue local, composé de 25 musiciens et musiciennes, crée une ambiance très festive sous le soleil radieux, avec des reprises de jazz, de pop et de rock, sans oublier le traditionnel Bella Ciao repris en cœur par le public.

Suivent ensuite deux concerts de haute tenue dans des genres totalement différents. 

En quartet, le saxophoniste Francis Bourrec taille devant nous le diamant brut du jazz bop.

Rafaël Dato Trio.

En trio, le pianiste Rafaël Dato (Antoine Leiser, basse – Timothée Garson, batterie) nous donne la primeur sur scène de son nouvel album So What’s Next, compositions originales mélangeant Jazz, Pop/Rock et Musique de Film/Néoclassique ainsi que  quelques arrangements de standards de Pop/Rock et de Jazz. Nous avons aimé cette musique sophistiquée, contemplative, voire introspective.

Il est 19h30, les festivaliers se pressent déjà devant les stands des restaurateurs avant de s’installer aux tables soit à l’extérieur, soit dans le chapiteau. C’est l’heure du dîner-jazz accompagné, dans une ambiance très cabaret, par Lua Nova Duo (guitare-voix). La voix sublime de la jeune chanteuse brésilienne Kamila nous agrippe de sa bossa nova envoûtante.

La clôture de cette 17ème édition du festival a été confiée sans hésitation au groupe Clopin-Clopants Quartet (Sarah Longo, vocal – Paul Robert, sax – Noam Lerville, guitare – Gabriel Midon, contrebasse – Bruno Marmey, batterie) qui nous a entraînés « Back to the 30’s » et fait réentendre Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Billy Hollyday, au grand plaisir des danseurs.

Il est 23h30, les derniers festivaliers s’en vont, les lumières du « village » s’éteignent une à une. Les bénévoles de Jazz Pourpre empilent les chaises et rangent la buvette, demain matin tout ce matériel sera enlevé, le chapiteau et les stands démontés et la place Gambetta de Bergerac reprendra à regret sa fonction de parking. Jusqu’à l’année prochaine à nouveau en Mai, au temps des cerises.

Jean-Jacques Cholbi