Jean-Paul Delore-Louis Sclavis-Sébastien Boisseau
« Langues et Lueurs »
Jean-Paul Delore : Voix, Conception, Adaptation des Textes
Louis Sclavis : Clarinettes, Harmonica, Sanza
Sébastien Boisseau : Contrebasse
Jean-Paul Delore est dans le théâtre depuis début ‘80, il devient directeur artistique du collectif lyonnais LZD Lézard Dramatique en 1999, puis il écrit des spectacles genre ‘post-punk’ pour des sportifs, des performeurs, plasticiens, groupes rock… Metteur en scène, auteur, comédien autodidacte, son théâtre devient musical, il dirige un laboratoire itinérant de créations, de concerts, d’installations et workshop qui tourne depuis 2002 en Afrique, Brésil et France. Il revendique un théâtre mental, savant et bricolé qui traduit la ‘civilisation du désastre’ avec des écritures contemporaines propices aux expérimentations sonores. Il est à l’initiative de ce trio formé en 2011
Il ne pouvait que rencontrer ce grand improvisateur imprévisible, le lyonnais Louis Sclavis, qui touche à tous les genres avec un égal bonheur, avide de rencontres, hors limites, nomade impénitent épris de liberté totale qui transpire de chaque note qu’il nous adresse, ici encore, pour un jazz libertaire et raffiné, ironique et grinçant, lyrique ou introspectif…
Rencontre décisive avec un autre nomade sans frontière qui a frotté sa contrebasse et son talent aux plus grands créateurs du moment, entre autres : Gabor Gado, Michel Portal, Martial Solal, Uri Caine, Pat Metheny, Joachim Kühn… C’est un vieux complice de Louis Sclavis, et il a travaillé avec Jean-Paul Delore qui l’a mis en scène avec Sylvain Riflet, Jon Irabagon et Jim Black dans le quartet Rebellions, et il co-dirige le label Yolk Records dédié aux musiques créatives ancrées dans le jazz.
Langues et Lueurs ( Éluard ? Approche néo-surréaliste d’une Afrique nettoyées de tout exotisme colonialisé ?), des textes qui chantent, des musiques qui racontent, balayant les terres inconnues d’Afrique, en hors-piste, au plus près de la vraie vie, celle qui fait rire ou pleurer, de joie, de douleur, de rage, d’amour, d’urgence…
Récital incendiaire, clameur sombre et lumineuse à la fois, bataille à coups de mots et de notes, combat contre l’obscurantisme, tout 3 complices pour abattre les idées reçues laissant place à la lumière crue du continent noir. Un récital que l’on écoute avec déférence, attention, respect, pour les acteurs et les fantômes qu’ils invoquent et font surgir des mémoires non lobotomisées des chercheurs de sens et de sons.
Sens et sons peaufinés pendant plus de 10 ans de travail, de concerts, de soins d’exactitude. Un sens où l’oubli n’existe pas, pour rafraîchir les racines communes qui se croisent, s’emmêlent, se dénouent, et tissent l’histoire collective de l’humanité. Un son riche, tendu, envoûtant comme un rituel de culte originel, prenant sa respiration dans des élans, des éclats de silence que maîtrisent les intervenants, ciselant chaque mots, chaque notes, les laissant apparaître, uniques.
La première phrase citée (de Sony Labou Tansi ) est lapidaire : « Monsieur Rimbaud je vous le dis droit dans l’âme ce monde est mort y compris la France ».
Le deuxième texte est d’un autre nomade, fouilleur de grands chemins et dépoussiéreur d’esprits : Henri Michaux.
Puis, l’histoire d’un stylobate réfugié dans un clocher
« Viens baiser par ici ma Lulu », comme son titre ne l’indique pas, un texte d’amour courtois, un peu vert mais plein de délicatesse et de justesse.
Encore un poème de Sony L. T., « L’acte de respirer », composé à la Mallarmé, clamé comme une chanson de Léo.
Enfin, « L’adieusiste » un autre geste d’amour fou, sur la musique de Majid Bekkas, héraut du gnawa marocain, sur laquelle le clarinettiste retrouve les «carnets de route » africains… après avoir tourné autour le long des 5 autres chants, entraînant dans ce périple Sébastien, qui s’en est senti ‘chez lui’ .
Total : un très bel ouvrage plein d’émotions sensibles et d’engagement assumé. Voyage au bout du début des temps, qui ne peut laisser indifférent …
Chez : YOLK Records
Par : Alain Fleche
