Baptiste Trotignon au Rocher de Palmer – Jeudi 19 octobre 2023
Le prince Baptiste TROTIGNON, immense parmi les meilleurs pianistes des scènes de jazz aujourd’hui, en romantique éclectique, nous revient cette fois sur la scène du Rocher de Palmer avec un BREXIT MUSIC inspiré de la pop-music anglaise, triturée par ses soins et ré-habillée aux couleurs du jazz
Un petit-clin d’œil de l’artiste aux politiques rétrécies, histoire de dire que la Musique, contrairement à l’argent ou l’économie, ne connaît pas de frontière, ni dans le temps ni dans l’espace.
Histoire aussi de rendre hommage aux grands compositeurs du rock alternatif qui enchantèrent les années 65 – 75, les Paul Mc Cartney, Syd Barrett, Roger Waters, Sting, Jimmy Page, Radiohead, David Bowie, Rolling Stones, Queens, Robert Wyatt ou Elvis Costello qui souvent bâtirent leurs compositions progressistes ou psychédéliques sur l’héritage des grands du jazz et du blues.
Accompagné du Néo-Zélandais, MATT PENMAN à la contrebasse et du grand batteur, compositeur et percussionniste new-yorkais LEON PARKER, notre pianiste démarre sur un Money (1973) des Pink-Floyd, écrit par Roger Waters incisif à dénoncer le monde du fric et de la consommation.
Le thème entêtant des machines à sous est donné par la contrebasse, sur laquelle viennent s’enrouler les notes magiques et sonnantes du piano en digressions improvisées, visitées parfois par un accent de Debussy avant de revenir au thème bien connu et repartir à l’aventure. Une rythmique parfaite accompagne ce morceau.
Message in a Bottle (1979) du groupe Police. Le thème s’enroule en intro, semble un peu copié-collé puis s’envole soudain sur un appel de la basse, soutenu par un Leon Parker impeccable et Trotignon décolle, les touches sonnent, s’accélèrent, un tempo rapide nous embarque alors dans une longue aventure.
Life on Mars (1973), très douce intro, libres rêveries en immersion dans la bulle romantique de la planète bleue. Sur un tempo lent, les longues mains de Baptiste Trotignon effleurent la sensibilité de cette belle compo de David Bowie.
Mother’s little helper (1966), s’ouvre sur un relief de contrebasse très sonnant soutenu par un batteur sobre, placé juste où il faut, sans effusion, un tap bienvenu renvoie le son de la basse dans les hauteurs. Facile alors pour notre pianiste de be-boper et swinguer sur le thème des Rolling Stones. Je me surprends alors à perdre pied et m’éclater dans ce rythme, faisant tressauter les fauteuils, finalement pour le plaisir de mon voisin !
Et voilà Led Zeppelin, un paroxystique Meddley pour le plus grand bonheur de Leon Parker et du bassiste qui ne lâchent pas le morceau, les mains de Trotignon s’envolent, les trois sont en intense communication, regards et inflexions de tête… c’est fort, ça monte haut. Jouissance musicale extrême, oui !
Quand tout à coup … Thelonious Monk s’invite au bal (Little Rootie Tootie -1952), le piano est fait pour lui, Baptiste entre dans le personnage, excellence du rythme et du jeu, Matt Penman prend une place capitale, ses doigts s’envolent sur les cordes de son instrument…Et oui, c’est encore un morceau orgasmik ! Et Monk a toute sa place dans les années pop, il en a d’ailleurs inspiré plus d’un…
Interstellar Overdrive (1967) démarre sur un groove d’enfer, le jazz devient diabolique et urgent, amplitude du clavier, rapidité, piano, batterie, contrebasse, le trio s’éclate, l’inventivité et le culot de Baptiste Trotignon sont à leur comble pour rendre la puissance du lyric original des Floyd peuplé d’électro interstellaire. Bravo le jazz, tu es dans le mood là aussi !
Derrière cette transe, Leon Parker s’avance en bord de scène et nous régale d’un grand moment d’impro bodysong et scatt vocalises qui monte en puissance, un exercice périlleux pour les non-initiés !
Puis démarrage contrebasse batterie Drive My Car (1965) des Beatles, d’infinis paysages de l’ouest américain défilent, le piano coule comme de l’eau claire et le thème groove comme le vent ! le trio est habité, en fusion totale
We are the Champions (1977), Freddy Mercury, Queens, le thème des victoires sportives, Baptiste Trotignon aux mains d’or, et la salle ovationne ce concert qui se termine sur cette étonnante et brillante digression jazz.
On en redemande et notre grand pianiste revient en solo pour un lumineux Karma Police, intensité et musicalité extrême pour ce morceau de Radiohead de 1997.
La salle est envoûtée, apaisée, nourrie.
Vous en voulez encore ? On ne pouvait se quitter les amis sans un sublime With the little help from my friends (1969) Joe Cocker revenu à nous par les doigts d’un seul homme sur scène.
Merci, merci Messieurs pour ce beau voyage dans le temps de ma jeunesse folle.
Je suis sortie de la salle comblée par l’écoute d’un trio comme j’aime le jazz, le grand jazz :
J’ai aimé l’écoute et la sobriété de Leon Crocker, les longues phrases habitées , la pulsation et la musicalité du jeu de Baptiste Trotignon, la sonorité et la présence puissante de Matt Penman, la complicité entre les trois…
Retrouvez le CD ou le vinyl (tant qu’ils existent) « Brexit Music » 2023 « Label Naïve » (batteur Greg Hutchinson).
En première partie de cet époustouflant concert de grand Jazz, le TRIO AKODA en résidence au Rocher de Palmer, VALERIE CHANE-TEF, composition, voix et piano, FRANCK LEYMEREGIE à la batterie et BENJAMIN PELLIER à la basse électrique nous ont amené dans leur monde du jazz créole, un voyage musical d’île en île sur des rythmes de maloya, de tambours malgaches, de biguines martiniquaises…
AKODA, c’est une histoire d’amour entre ces trois musiciens, Valérie Chane-Tef en est la pianiste claviériste, la leader vocale à la rythmique incarnée.
La salle chauffée rapidement par ce blues tropical répond aux rythmes qui s’accélèrent, subjuguée par la voix riche, juste et profonde de la maîtresse du trio.
Le concert relativement court, dommage, s’achève quand le ton est complètement donné et que le public participe avec chaleur.
On reviendra écouter Akoda, heureusement familier du lieu…
Par Sylvie Delanne, photos Jean-Michel Meyre
https://www.facebook.com/BaptisteTrotignon
Galerie photos :