ORCHID à GRADIGNAN :  L’éclosion d’un Big Band des temps modernes.

Le 24 août, la 7e édition des Jeudis musicaux de Gradignan accueillait Orchid Big band pour clôturer la saison estivale. Ce dernier concert était dédié à Clément Khayat, membre du Godard Vocal Band qui s’était produit dans le parc de Laurenzane le 03 août. Le jeune homme nous a tragiquement quitté le 09 août.

Les musiciens se sont installés sur la terrasse du château dans un écrin de verdure où se côtoient des arbres exceptionnels aux essences variées. Après un début de semaine caniculaire, le vent s’enroulait dans les partitions et conférait à la soirée un air printanier. Les 300 chaises rouges ont vite trouvé preneurs.

 ORCHID, acronyme de L’ORCHestre Insubmersible Diluvien est une émanation de Déluge.  C’est un collectif de musiciens bordelais et parisiens créé en 2017 à l’initiative de Julien Dubois, Clément Simon et Thomas Julienne. Les artistes partagent des valeurs basées sur le collectif et la solidarité et promeuvent un jazz inventif et novateur. Déluge produit disques et concerts. Orchid a été créé en 2020. Dans la lignée des orchestres de Fletcher Henderson ou de Kenny Wheeler, c’est un Big band des temps modernes avec 3 sections instrumentales traditionnelles : Saxophones, trombones et trompettes et un quatuor rythmique composé d’un piano, d’une contrebasse, d’une batterie et d’une guitare électrique. Une formation paritaire, 9 musiciens et 9 musiciennes, est à l’origine de ce projet. Chef d’orchestre : Thomas Julienne. Aux saxophones : Olga Amelchenko, Julien Dubois, Maxime Berton, Jeanne Michard et Nora Kamm. Aux trompettes : Gabriel Levasseur, Olivier Gay (soliste sur de nombreux morceaux), Laure Fréjacques et Julie Varlet. Aux trombones : Sébastien Arruti, Gabrielle Rachel, Rozann Bézier et Sébastien Llado. Au piano, Clément Simon, à la contrebasse Nolwenn Leizour, à la batterie Gaétan Diaz et à la guitare électrique Mathilda Haynes. Jeanne Michard et Nora Kamm étaient absentes et remplacées par Lisa Cat-Berro et Lucas Saint-Cricq. Invitée à la flute : Christelle Raquillet. Que du beau monde ! L’album Eclosion, sorti en février 2023 sous le label Déluge a été le fil rouge de la soirée.  Le Big band l’a joué intégralement, sous la direction de Thomas Julienne qui a présenté chaque titre avec beaucoup d’humour. 6 musiciens : Clément Simon, Thomas Julienne, Jeanne Michard, Julien Dubois, Sébastien Llado et Maxime Berton sont à l’origine des compositions.  Chacun a son univers propre mais tous sont portés par la même énergie et la même fantaisie. Ils ont en commun de proposer une musique moderne, libre et ouverte. Les titres écrits par ces figures du jazz actuel nous ont fait traverser des paysages imaginaires, des tableaux fabuleux avec entre autres une plongée dans l’angoisse des profondeurs, une pause-café en Ecosse ou encore un voyage intergalactique. Les compositions de Clément Simon empruntent au rythm and blues et à la musique classique. C’est très rythmé et coloré à l’image de Orchid Ouverture. Des phrases mélodiques qui amènent naturellement aux chorus d’Olivier Gay à la trompette et de Gaétan Diaz à la batterie. Jokari comporte des tonalités plus funk. Beaucoup de changements de rythme avec les riffs accrocheurs de Mathilda Haynes, la section cuivres enveloppant le solo d’Olga Amelchenko au saxophone alto et un final très punchy.

 Le talentueux pianiste fait également partie du Latin Quartet de Jeanne Michard. Sa musique se nourrit d’influences de musiques latines et du monde. Elle a composé pour Orchid : Traversée du désert et tempête en écho à la période angoissante et immobile du covid. Une première partie mélancolique incarnée par le piano de Clément Simon et la belle rythmique de la contrebasse de Nolwenn Leizour. La puissance de l’orchestration des trombones, saxophones et trompettes déclenche ensuite la tempête, métaphore du lâcher prise et puis tout s’apaise sur quelques notes de piano. La musique de Julien Dubois est empreinte d’influences rock et de la musique « savante » des compositeurs du XXème siècle, tels Igor Stravinsky ou Arnold Schonberg. Il a notamment composé La machine d’Anticythère, pièce écrite sur une série dodécaphonique dans la lignée de la technique de composition de Schonberg. Malgré un vent persistant, il a donné toute la mesure de son talent au saxophone baryton sur cette musique qui aurait eu sa place dans un film d’Alfred Hitchcock. La tension amenée notamment par la trompette de Laure Fréjacques, le trombone de Sébastien Llado et le ténor de Lucas Saint-Cricq est palpable d’un bout à l’autre ! Thomas Julienne a écrit Masque et Tuba et Interstellar. Le morceau aquatique commence avec légèreté et l’angoisse nait de la montée en puissance de la guitare en contrepoint du saxophone soprano d’Olga Amelchenko, du saxophone ténor de Maxime Berton et de la flute de Christelle Raquillet. On retrouve une ambiance « seventies » dans Interstellar, titre revendiqué de science – fiction par son compositeur. Une musique où la flûte devient mutante et inquiétante, soutenue par la guitare électrique. Le chorus de Christelle Raquillet est valorisé par la rythmique. Les musiciens psalmodient à la fin du morceau, signe de l’arrivée du vaisseau spatial dans un univers intergalactique ? Preuve s’il en fallait de l’éclectisme et de la richesse des compositions, le pétillant Surfin (sans doute une référence aux Beach boys !) de Sébastien Llado nous a ensuite cueilli et propulsé sur les plages californiennes, dans une ambiance pop, très rythmée avec un beau chorus de Julie Varlet à la trompette. Un ton primesautier, un appel à la danse où trombones et trompettes se répondent gaiement. Très sixties ! Maxime Berton, saxophoniste pétri d’influences jazz, rock, de musiques latines et classiques a composé Petite nuit. Une nuit agitée où la batterie scande le tempo et où se répondent le trombone de Rozann Bézier et la contrebasse de Nolwenn Leizour. Très beau chorus de Maxime Berton au ténor. Un tempo plus calme sur la fin suggère l’arrivée du sommeil. Pour conclure ce concert, une dernière pièce de Julien Dubois : Nature abstraction 1 : Matin calme. Un matin pas si calme pour cette nature qui s’éveille. La trame rythmique portée par le piano et la batterie bat la mesure et monte en intensité. Magnifique solo de Lisa Cat-Berro au saxophone alto et une guitare électrique qui emporte les cuivres sur son passage pour un final en apothéose !

Nous avons eu le privilège d’assister à un concert gorgé d’émotions phoniques et…visuelles, les tableaux se succédant dans notre imaginaire et suggérant des images cinégéniques. Orchid propose un son unique, une identité sonore qui balance entre tradition et modernité. Les différentes séquences des morceaux, leurs ruptures créent un mouvement qui monte en puissance ou qui décroit harmonieusement. On ressort enivrés par la poésie, on est frappés par cette originalité qui revisite le Big band en valorisant chaque instrument. Les chorus sont brefs mais toujours bien placés, au service du jeu collectif.

A en croire la dernière phrase de présentation de l’album Eclosion : « Et tandis que le vent disperse au loin les derniers échos du vacarme, c’est en nous-mêmes que nous découvrons, ébahis, le pollen des éclosions à venir », Orchid va continuer à foisonner de projets !

La setlist du concert : Orchid ouverture (Clément Simon), Masque et tuba (Thomas Julienne), Traversée du désert et sa tempête (Jeanne Michard), La machine d’Anticythère (Julien Dubois), We miss the forest café (Clément Simon), Jokari (Clément Simon), Interstellar (Thomas Julienne), Surfin (Sébastien Llado), Petite nuit (Maxime Berton) et Nature abstraction 1 : Matin calme (Julien Dubois). Les prochaines dates : En résidence au Théâtre des quatre saisons de Gradignan pour la saison 2023-2024. Concerts : Au Cube à Villenave d’Ornon le 19/10, à Canéjan le 26/01/24, à Tarnos le 27/01/24.

Par Christine Moreau, photos Géraldine Gilleron

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Galerie photos Géraldine Gilleron :


Disque « Éclosion » par Orchid, label Déluge
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