Samson Schmitt trio – La Boîte à Musique

Samson Schmitt (guitare)
Johan Dupont (piano, trompette)
Joachim Iannello (violon)
On parlait récemment ici du jazz manouche « canal historique » en commentant le dernier album d’Angelo Debarre, Gypsy Guitars 2. Mais il y a aussi des musiciens qui font évoluer le genre sans jamais le trahir. Samson Schmitt, petit prince de la dynastie, né non pas avec une cuillère d’argent dans la bouche mais avec une Selmer dans la main, est de ceux-là. Son 2e album La Boîte à Musique dynamite allègrement les frontières entre le jazz, la musique de chambre, la musique tzigane et le tango tout en conservant ce qui fait sa patte particulière : virtuosité, musicalité et humour.
Samson Schmitt, fils de Dorado, neveu de Tchavolo, aurait pu se contenter de faire fructifier le patrimoine familial, comme un bon fils de dynastie. Mais non. Il préfère le pas de côté, le clin d’œil, la complicité. Dans ce trio, il ne s’impose jamais en leader écrasant : il joue avec, il joue pour, et il laisse éclore un véritable travail d’équipe avec ses deux acolytes de génie : Johan Dupont (piano, trompette) et Joachim Iannello (violon). Deux artistes hors-normes, qu’on croirait sortis d’une fanfare tzigane tombée dans un disque de Brad Mehldau un soir de pleine lune au service d’une formation guitare-violon-piano très originale.
Dès les premières secondes, on comprend que La Boîte à Musique n’est pas un album comme les autres. Le rideau se lève : bienvenue dans le monde joyeusement détraqué du trio Samson Schmitt, où la virtuosité est constante, l’humour omniprésent, et la filière manouche réinventée avec panache.
Le résultat ? Une musique libre, pleine de rires, de trouvailles et d’audaces. Le trio s’amuse, mais ne plaisante jamais avec le niveau : tout est ciselé, exigeant, rigoureusement délirant. On passe d’une reprise endiablée du Swing 42 de Django Reinhardt à une valse manouche en majeur revisitée avec tendresse et avec une intro au violon qui évoque une Sachertorte (Viennoiseries), d’un morceau piano seul quasi classique (Ouverture en La mineur, digne de Scarlatti) à une pièce humoristique hilarante (Inspecteur Gadjo), sans jamais perdre le fil : celui d’une poésie musicale qui fait danser la tête et penser les pieds.
On retrouve pourtant dans cet album, comme une rivière souterraine qui irrigue toutes ces folles inventions, une fidélité profonde à l’esprit du jazz manouche : ce mélange indissociable de virtuosité râpeuse, de nostalgie souriante et de joie à pleurer.
Parmi les douze morceaux, tous remarquablement construits, on retiendra également : Le Chat et la Souris, véritable petit opéra miniature où la guitare poursuit le violon en courant sur les touches du piano ; Casse-Noisettes, qui n’a rien à voir avec Tchaïkovski, mais tout avec une sorte de groove baroque joyeusement mal embouché ; Lylie des Épioux, un boogie élégant au fond mélancolique (avec la main gauche prodigieuse de Johan Dupont); ou encore Le Grand Hôtel du Bouillon Blanc, ode fantasque à un bar d’hôtel imaginaire où l’on voudrait siffler des Martinis Dry pour toujours (craquements de microsillon inclus).
Après un premier album déjà prometteur (Rire avec Charlie, 2017), ce deuxième opus confirme que le trio Schmitt-Dupont-Iannello est l’un des phénomènes les plus rafraîchissants et brillants du jazz manouche contemporain. Non contents d’assurer la filiation, ils la font fructifier avec amour, dans une jubilation qui déborde de chaque mesure.
Un album magique, drôle, virtuose, plein de grâce et de swing, qui donne envie d’apprendre la guitare, de refaire le monde en valsant, et de croire à nouveau au pouvoir réparateur de la musique.
Label Ouest – 2025
Par Pops White
https://www.bayardmusique.com/
Samson Schmitt joue une guitare du luthier Mauro Freschi. https://www.maurofreschiguitars.com/