François Poitou, « Old Folks »

François Poitou : Contrebasse
Maxime Berton : Clarinette basse, Sax Soprano
Frederico Casagrande : Guitare Acoustique
Aude-Marie Duperrey : Alto
Bastien Ribot : Violon
« Old Folks », sont-ce les ‘vieux potes’ qui l’accompagnent à nouveau sur ce nouvel opus, déjà présent sur les disques précédents : ‘Le sec et la lune’ et ‘funambule’ (voir article sur ces colonnes), ou bien ‘vieilles rengaines’ qui parsèment cet enregistrement, ou hommage à Williard Robinson qui composa une chanson portant ce titre dans les années ‘30, standard immortalisé par les lectures de Fats Waller ou Miles Davis ? Un peu de tout cela, ou titre tiré au sort pour qualifier un des aspects de la musique proposée ici, un peu surannée, comme un souvenir de jeunesse réactualisé ?…
3ème disque sous le nom du contrebassiste au son boisé comme un bosquet au milieu d’un champ désespéré (ce sont les plus beaux…), ancien compagnon de Misja Fitzgerald Michel, CharlÉlie Couture ou Sylvain Rifflet, toujours entouré de nombreuses cordes pour habiller les 4 qu’il manie en virtuose : un violon qui a mis de côté ses élans ‘manouche’, tout en gardant l’allant de ce style, un alto à tout faire (musique de film, classique, variété…), une guitare qui oublie sa fougue rock pour placer des phrases rêveuses induites des vibrations qui l’entourent, et puis un soufflant pour faire respirer tout ça en élargissant l’espace, en vivifiant la musique qui risquerait de se sentir confinée en entre-soi de chambre, lui apportant des ouvertures jazz où s’engouffrent les cordes prenant, lors, une liberté attendue et finement explorée.
4 reprises, 7 compositions de François Poitou qui s’entrelacent, se mêlent, s’enchaînent sur une trame générale, secrète, mystérieuse faisant naître des émotions auxquelles on ne peut échapper. Le tout varié et cohérent, avec pizzicati vifs et pétillants, des arpèges joyeux de ‘musette’ ou bouleversant de ‘blues’, des tutti acérés ou lumineux, une pulsion constante et tangible mais jamais précipitée, à l’écoute d’une histoire que raconte la souvenance d’un chemin mainte fois parcouru et toujours frais.
Le dessin de la jaquette, un orchestre sous un arbre, de Louh Ann Alexandrenne, illustre le 1er titre ‘Le figuier au fond du jardin’, invitation à la nature, fil rouge du disque. Arpèges, vent douceâtre, basse profonde pour cordes en goguette, un air enlevé entre nostalgie et joie du présent.
D’un séjour en Irlande, François Poitou rapporte l’évocation des falaises de Moher et la chaleur intime d’un pub érigé en temple de la convivialité.
‘Time in a bottle’, une chanson de Jim Croce. Après y avoir mis du vin, un message, un bateau, là c’est le temps mis en bouteille, pour qu’il en reste toujours un peu, en cas de manque… bel arrangement pour ce temps qui passe et que l’on voudrait retenir.
Un ‘interlude’ qui valse, qui swingue en douceur, qui chantonne…
Le clou de l’album : un air ancien d’Écosse immortalisé par la fameuse version de Simon et Garfunkel, ‘Scarborough Fair’, rêveur et magnifique, robes des belles du moyen-âge qui tournent et s’envolent sur des tapis de cordes tissés par le vent.
Des ‘grandes Marées’ qui battent les rochers, effacent les traces sur le sable, montent et reculent, joli solo de guitare bien jazzy ! La place réservée aux soli est partie congrue pour laisser les mélodies se développer dans leurs somptueux arrangements.
Encore l’Irlande pour un trad’ mené à la clarinette basse dans des chemins broussailleux et dorés, le violon gambade, du vent et du soleil. Balade de fin d’après-midi. ‘Raglan Road’
Un autre ‘Interlude’ (2). plus posé, en trait d’union.
Un bateau qui ne naviguera plus, mais se laisse découvrir à chaque plongée. ‘L’épave du Donator’
Chevauchée au soleil couchant, canions et rivières, harmonica et feu de camp, traversée de l’ouest américaine mythique. Évocation d’une bande cow-boys sur un retour de transhumance … Le soleil disparaît, la nuit silencieuse envahit l’espace encore tiède… Fin.
Un beau voyage entre hier et aujourd’hui. Création et revisitation. Un présent qui n’existe que suite au passé, pour ne pas oublier d’où l’on vient.
Chez : Yovo Music
Par Alain Fleche
https://www.facebook.com/francoispoitoumusic