Sortie de résidence – 11/11/2021 – Le Rocher de Palmer

Yannick Rieu,saxophones ténor et soprano/composition
Daniel Thouin, claviers et piano
Louis-Vincent Amel, batterie
François Jalbert, guitare
Al Baculis, basse électrique

Les volutes de la fumée sur la scène se répandent comme September Song, sensuelles, envoûtantes. Nous ayant enveloppés, elles deviennent tourbillons puissants. Atmosphère, atmosphère, oui, ça a une gueule d’immersion dans  l’onirique. Un chat passe délicatement sur les touches du piano. Daniel Thouin construit des sensations, des états mentaux que la batterie de Louis-Vincent Amel accompagne avec finesse et dextérité. Energie, volonté créatrice engagées constamment les poussent à créer à l’instant des débordements savants. Les accélérations transportent cette hystérie maîtrisée par François Jalbert.

La batterie lance le swing, titille le saxo, l’incite à révéler sa riche impertinence. Yannick Rieu creuse, creuse avec fluidité. Oh, mais oui ! Tempo en concert des cinq. Ils pizzicatisent. Ils fouillent, superposent les feuilles de la création. Le piano s’en saisit consolidant l’ouvrage pour construire encore une composition multiple. Joie et générosité du jeu se mêlent à leur rigueur. Que voulez-vous ? Nous, on exulte. La guitare de François Jalbert funkise le morceau. Du LSD cérébral ET jouissif ! Go !

Paysage mental. Le piano dessine sa poésie en quelques accords ? Le sax, dès les premières notes aux frissons extatiques, poursuit dans un slow ravageur. On danse au milieu de leur invention -le savent-ils- à pas lents, délicieusement mesurés.

Le pianiste nous emporte dans ses contrées eisenteiniennes. Une bande de terre, des cieux immenses, méditatifs. Il ne reste que l’essentiel, quelques notes de guitare pour un discret ruisseau que la lumière des accords colore. Léger bruit procuré par une douce pente. Le sax s’immisce dans le tableau vivant. Le courant s’intensifie bien sûr parc ce qu’il est toujours question d’exploration. Et le tumulte des courants qui se chahutent comme ces cinq-là, la puissance des remous – de l’âme ?- convergent enfin. Lambda… quoi que.

Avec Song sisters, quelle tendresse dans ce portrait ! Quel expressionnisme dans le sax. Double silhouette de sœurs mais aussi les couleurs d’un tel instrument. Belle relation…

A personnalité multiforme, changement de sax, le soprano dira la féminité, la liberté, une certaine fantaisie. La batterie de Louis-Vincent Amel flamboie pour accuser le trait.

Jolies ombres chinoises affectueusement mises en lumière telles qu’elles sont…

La basse d’Al Baculis, charpente solide depuis le début, explose : accents graves, puis groove psychédélique.

La guitare de François Jalbert lui emboîte le pas, son grain est un Sauternes, un soleil aux mille éclats pour l’éclatement des sens, une intensité sensible, toujours innovante, exigeante. Tous se retrouvent et à l’acmé, le silence est installé pour que l’on entende la sobriété du piano, juste un frémissement appelant le soulèvement délicat des sons du sax.  Beauté du stylisé ; entendre le façonnement du son, la sculpture fine d’une terre glaise que les mains expertes mais insatisfaites ne cessent de modeler. Superbe !

Anne Maurellet, photos Philippe Marzart