Trio Rio de New Orleans – 27 août 2024 – au Palais à Royan
Christian Vaudecranne, sax soprano, chant, scat
Philippe Faup-Pelot, piano, chant
Wendell Almeida, percussions, pandeiro, chant
Invité Camille Lawrence, contrebasse, sitar
Ils traversent la salle tous trois, le rythme dans les jambes, dans le cœur : déjà un vent de liberté, ça ne s’explique pas toujours. Des cigales, des éclats de lumière partout. De l’Afrique et son rythme ancré au Brésil, juste l’océan, quelques accords sur le clavier pour le clapotis chaloupé de l’eau, prenez vos lunettes de soleil, laissez-vous séduire. La voie sirupeuse de Christian Vaudecranne pour une méditation bossa nova, teintée de nostalgie, tristesse et joie.
Un hommage à la samba en forme de bossa avec l’insertion du sax soprano tendre, la cymbale et la caisse claire, Christian emmène les noms des grands musiciens brésiliens ; nous chantons, désormais engagés par le trio.
Ce mélange Rio de New Orleans comme ils disent avec un tambourin brésilien, le pandero, laisse grande fantaisie. Le sax soprano mène la danse ; eh oui, ça fait un moment que nous gigotons sur nos chaises, pas moyen de faire autrement, Ice cream, chante Christian, Philippe Faup-Pelot surfe sur son clavier, le pandero de Wendell Almeida renvoie le tempo, ils accélèrent pour que la joie éclate, c’est une force en soi ça !
Tous les groupes jouent Bourbon street parade dans la rue principale de New-Orleans, le trio nous y transporte ; battant la mesure avec son tambourin, Christian fait cheminer sa voix dans tous les recoins de la vie de bourlingue. Le clavier de Philippe s’enthousiasme pour notre plus grand plaisir, ça a des saveurs de bonbons acidulés, pétillants, comme si peu devait faire sens, enfin le peu du quotidien, transfiguré par le swing.
Wendell Almeida, une cheville enserrée par des grelots, possède une voix brésilienne gorgée de soleil. La playlist du trio s’est perdue dans les partitions qui ont volé par terre, même pas grave. On a autant de délices à les voir se régaler et à nous offrir un partage total.
Retour à la New Orleans, c’est le désir qui compte, au moins on s’assure l’instant, ça évite l’attente, la déception, le chagrin et si ce dernier n’est pas si loin, il est repoussé sans cesse à coup de pied de nez ! Antidépresseur s’abstenir, pas le temps.
Un passage vers la musique franco-brésilienne Nino Ferrer et sa Belle de jour. Point n’est besoin de rappeler la sensualité des chants brésiliens, la prononciation aux intonations chaudes qui incite à l’évasion disons… soutenue par le rythme chatoyant des instruments.
Le jazz se déplace à nouveau à pas de Roi Louie, le singe, « je voudrais être un homme » du Livre de la jungle. Le scat rond de Christian enchante les morceaux, ici métissé d’un boogie, pour jouer, s’amuser un peu plus ! Public mis à contribution, s’entend. Ils se déplacent tous trois dans la salle excitant davantage l’auditoire déjà conquis. La voix de Christian sait rebondir comme une balle légère, folle, lancée dans un escalier sans fin : il fait rouler les borborygmes. C’est un intermède carnaval à la New-Orleans avec sa voix chargée d’histoires. Des colliers de perles en plastique, qui sont offerts ou suspendus un peu partout dans les rues ce jour-là, lui entourent le cou. Il faut être bons musiciens pour tenir la gaudriole ainsi tout du long. Et les congas résonnent du fond des forêts africaines.
La Girl from Ipanema a fait lever une dizaine de danseurs rompus au déhanchement discret de la bossa. Juste ce qu’il faut pour passer d’une hanche à l’autre. Les instruments trafiqués de Christian sont autant d’inventivité dévolue à cette musique transgenre, une sorte de cornet de trompette accrochée à une pompe à vélo/cône musical et un djembe-cajon, mais une version originale en contreplaqué à faire rebondir sèchement sous les doigts, quelques tiges métalliques pour persiller certains sons et une balle de tennis dans la base en bois à faire vibrer. Seul le sax soprano est d’origine avec ses trémolos renversants et une sonorité claire et généreuse.
La New-Orleans revient, pas question de laisser la légèreté d’un sax heureux bien épaulé par une batterie et un clavier gouleyant. Les scats de Christian se répandent dans le hall du Palais avec Somebody Stole My Gal.
Une lambada rappelle le public auprès des musiciens…
Camille Lawrence s’approche pour entamer un duo contrebasse et percu avec Wendell. Finalement, il se dirige vers un sitar envoûtant mais tonique pour conserver la rythmique avec conga, voix et grattoir. Les instruments se cherchent, Wendall provoque une musique indienne pour la déplacer vers la contrée des mélanges heureux. Christian trouve les tonalités chères au Moyen-Âge. Jazz hybride en état de se faire, malaxant les genres en quête de la rencontre.
Par Anne Maurellet