Srdjan Ivanović – Modular

Avec Manu Codjia à la guitare, Yoni Zelnik à la contrebasse, Srdjan Ivanović à la batterie, Olivier Laisney à la trompette, Ludivine Issambourg à la flûte, flûte alto et flûte basse.

Invités : Magic Malik (flûte) et Christophe Panzani (saxophone ténor).

« Modular est un titre que j’ai aimé en raison de ses nombreuses significations. Il y a modulaire dans le sens où on construit spontanément l’ordre dans la forme d’un morceau ; il y a modulaire quand nous fluctuons aussi naturellement avec nos intuitions et émotions. Nous modulons à travers nos oreilles, notre instrument, l’instant présent. L’interaction finale est celle avec l’auditeur qui lui aussi, perçoit et module ce son à sa manière ».

Ainsi Srdjan Ivanović présente-t-il son album, admirable creuset artistique où la musique ne peut exister que par la grâce et la singularité des artistes qui se l’approprient et par l’écoute de ses auditeurs. En découvrant la pochette de Modular, rien n’est figé : Sylvain Gripoix confère à l’opus une belle identité visuelle en mettant en scène des petits cubes qui, plus ou moins bien empilés, racontent les multiples facettes d’un artiste atypique, riche de plusieurs cultures. En effet, Srdjan Ivanović est né en Bosnie, a vécu en Grèce et est installé à Paris depuis 2014.

Excellent batteur, il a étudié la musique aux Pays Bas, y a remporté le Dutch Jazz Competition avec les compliments du jury, ce qui lui a permis de décrocher une bourse pour étudier à New York. Il s’est illustré plus récemment dans sa formation Blazin’Quartet. Fort de multiples expériences et de nombreuses rencontres artistiques, il a composé ce premier album en tant que leader pour que l’Orient et l’Occident dialoguent subtilement, ses baguettes incarnant un trait d’union entre deux mondes. Des musiciens reconnus avec lesquels il collabore depuis plusieurs années participent à son projet. Srdjan Ivanović a ainsi pu former un superbe quintet avec le guitariste Manu Codjia, le contrebassiste Yoni Zelnik, la flûtiste Ludivine Issambourg et le trompettiste Olivier Laisney. Tous font preuve d’une grande créativité et délivrent des chorus somptueux. Musicien friand d’expériences collectives, le flûtiste Magic Malik mêle sa signature sonore unique aux volutes superbes de Ludivine Issambourg sur les deux premiers titres Fee Fee et Résistance, fers de lance d’un projet musical brasseur d’influences. Christophe Panzani, directeur artistique et producteur du disque, vient poser les graves de son saxophone ténor sur Le jongleur, où chacun interprète sa partition avec beaucoup d’intensité. Au fil de l’album, Srdjan Ivanović se révèle un savant mélodiste capable de façonner d’amples compositions qui mêlent modern-jazz et musique des Balkans. Instrumentiste hors pair, délivrant un son chaud et clair, il reste subtil et raffiné sur chaque morceau pour inscrire les thèmes dans une solide charpente rythmique.

L’originalité de cet opus vient notamment de la conversation fluide qui s’installe entre les flûtes, la trompette et la guitare. Les rythmes sont envisagés sous un angle inattendu : La trompette peut devenir élément rythmique, la basse peut être un instrument mélodique et la guitare sonner comme une percussion. Chaque titre se propose comme un instantané et fige un épisode puissant, à l’image de Fee Fee en ouverture de l’album : La joie et l’émotion pointent à travers le lyrisme des flûtes et l’intensité de la trompette d’Olivier Laisney pour célébrer l’arrivée d’un enfant. Des alliages sonores atypiques traversent des compositions qui explorent un imaginaire parfumé d’influences balkaniques. Sur Sweet home Lagkada, les riffs flamboyants de la guitare se frottent aux souffles vifs de la flûte de Ludivine Issambourg. La rythmique imprime magistralement le thème de bout en bout. Kapetan Mihalis, héros du roman de l’écrivain grec Nikos Kazantzakis est un morceau très enlevé dans lequel le timbre lumineux de la trompette cède la place à une guitare qui s’emballe sur un tempo rock, très percussif. Les deux instruments font écho à la révolte des crétois contre l’Empire Ottoman et incarnent ainsi la liberté ou la mort.

U Stambolu, permet au chant de la trompette de s’épanouir avec bonheur sur le groove de la contrebasse. De même, sur Past Present, le son clair insufflé par Olivier Laisney habille de nostalgie et de lyrisme le timbre grave des cordes de Yoni Zelnik en contrepoint. Srdjan Ivanović a intégré à son album deux reprises qui témoignent de la richesse de ses sources d’inspiration : Sous le ciel de Paris dans une version moins sucrée que celle d’Hubert Giraud et While my guitar gently weeps de George Harrison. Il les remodèle à sa façon en les interprétant en trio guitare, basse, batterie, fidèle à son postulat de départ.

Avec ce premier opus très réussi en tant que leader, Srdjan Ivanović ancre sa musique dans un récit contemporain collectif et s’installe durablement dans la galaxie des compositeurs de jazz novateurs et audacieux.

Par Christine Moreau

Label : Rue des Balkans /L’autre Distribution.

https://srdjanivanovic.bandcamp.com/album/modular

Album sorti le 02/02/2024

Liste des titres : Tous les morceaux sont composés par Srdjan Ivanović sauf Sous le ciel de Paris et While my guitar gently weeps.

-Fee Fee

-Résistance

-Sous le ciel de Paris de Hubert Giraud

-Sweet Home Lagkada

-U Stambolu

-Past Present

-Kapetan Mihalis

-Le Jongleur

-While My Guitar Gently Weeps de George Harrison.

20/03/2024 : Concert au Studio de l’Ermitage (lancement de l’album),

29/06/2024 : Orléans Jazz Club,

22/05/2024 : Zig Zag de Berlin