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Samedi 1er juillet – 19 h

Olga Amelchenko quintet

Olga Amelchenko, saxophone
Charlotte Wassy, voix
Enzo Carniel, piano
Viktor Niberg, contrebasse
Nicolas Charlier, batterie

Ils commencent par un thème serré pour le jeu exigeant d’Olga Amelchenko, la voix de son instrument se mêle à celle de la chanteuse Charlotte Wassy en un seul souffle -jamais ressenti à ce point-là- pendant qu’explose la batterie de Nicolas Charlier dans ce morceau incantatoire, piano et contrebasse en fidèles accompagnateurs. Olga navigue dans les espaces littéraires les traduisant par un jazz à la fois frontal et poétique. Lorca, Apollinaire, Brodsky, musique et voix cherchent leur voie dans les évocations des écrivains, et toujours un sax qui file le parfait amour avec la voix : mots en notes, notes en mots, le quintet transpose les auteurs, exprime musicalement les sensibilités, les revendications, les lamentations. Morceaux oniriques.

De jolies mélodies élégantes et nerveuses sortent des doigts du pianiste Enzo Carniel, devancé par la contrebasse de Viktor Niberg. Le projet ambitieux est réussi et nous restons sous le charme.

Pour finir, les tourments de Rimbaud, sa colère,  sont brinquebalés dans le maelstrom du quintet, éclatement de l’écriture, comme celle de la partition au swing déchaîné, déchaînant malgré la traduction anglaise donne une belle interprétation juste avant le dérèglement de tous les sens…

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Samedi 1er juillet – 20h30

Robinson Khoury quintet

Robinson Khoury, trombone
Mark Priore, piano
Pierre Tereygeol, guitare
Étienne Renard, contrebasse
Élie Martin-Charrière, batterie

Deux notes de contrebasse suffisent à entamer une marche à plusieurs pieds au-dessus du sol, laissant les courants aériens du trombone, de la guitare et des voix à peine ébauchées nous soulever progressivement. Une atmosphère solennelle nous enveloppe, quelques brumes mystérieuses échappées des instruments, du piano, des accords sobres de villages abandonnés, une Réminiscence sacrée dédiée à Benjamin Britten.
Le trombone résonne, obsédant, entouré de cliquetis, batterie, guitare, contrebasse en pointillés. Belle accélération soudaine comme une pluie fine qui déciderait de tomber plus drue. Il se déploie un temps, soutenant le tempo entouré des autres. Des gouttelettes tapissent le sol mais nous restons dans cette étrange lévitation. Cubisme.

Distancing from reality, c’est le choix du rêve que poursuit le trombone de Robinson Khoury et ses compagnons. Toujours les notes essentielles, une épure mais faite pour le voyage, spirituel sans doute… Appuyé par la contrebasse d’Étienne Renard , et la batterie d’Élie Martin-Charrière, le piano part d’un petit matin fragile pour éclater au soleil d’un midi rayonnant. Ils tracent un chemin comme un crayon dessinerait par petites touches hésitantes puis traits vigoureux, une carte du ciel…

Se frapper la poitrine pour déformer le chant, créer ainsi un Earth and space, boucher le trombone pour le déformer en harmonica improbable , préparer alors l’explosion de chaque instrument, tous prêts au voyage. Les instruments donnent parfois l’impression d’une liberté sporadique qui fragmente le morceau mais le reforme constamment. Guitare et piano racontent chacun leur histoire pour se mêler en final.

« On se fait la guerre à l’intérieur de soi pour ne pas blesser » (sic), ils chantent tous dans un souffle comme une invocation. Ils nous entraînent dans une valse lente en Spirit of remember, dédié à Nahel, des pointes de colère intermittente surgissent, mais l’on retourne à chaque fois à cette méditation, un blues au fond du piano de Mark Priore, rebelle ; la guitare prend le relais. Et le trombone nous livre son plus beau son venu du fond de l’âme.

Empty monochrome. Qui n’a pas entendu Robinson Khoury ne connaît pas toutes les variations possibles d’un trombone, le lien profond entre l’instrument et le musicien. Son regard en montre toute l’intensité et son superbe tourment signe la qualité et l’inventivité de sa création.

Ils  privilégient tous cinq ce qu’ils ont à l’intérieur d’eux poussant leurs instruments à le traduire le plus simplement, rustiquement possible. La guitare de Mark Priore  et son solo en fait ainsi, comme l’extraversion sensible des ressentis. Et la musique apparaît là, différente, déplacée, chargée de nos contradictions, de nos folies, de nos craintes, de nos espoirs. C’est Cacuya.

Le final comme une cocasserie rappelle que le jeu -s’amuser- est central et qu’il n’a de sens que par le partage…

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Samedi 1er juillet – 22h

Matthis Pascaud & Hugh Coltman

Matthis Pascaud, guitare
Hugh Coltman, voix 
Christophe Panzani, saxophone
Pierre Elgrishi, basse
Karl Jannuska, batterie

Comment décrire ? Ça tire du côté de la New-Orleans, dans la filiation Dr John, avec une dérivation tribale, la batterie de Karl Jannuska est présente pour la maintenir avec la basse de Pierre Elgrishi, et la voix de Hugh Coltman, juste nasillarde, vagabonde auprès de vieilles histoires truculentes, le sax de Christophe Panzani  rit, la guitare de Matthis Pascaud illustre, ponctue, se contorsionne. Ça crache du bon, du bien huilé…

« C’est mon ami, c’est mon frère », la vie comme on tâche d’en faire une fête, même si ça râpe sur les bords, ça griffe dans la tête ; mais voilà, la musique, le chant, ça libère, ça exorcise, ça jubile ! l’expression du quotidien, de ses couleurs, de ses taches.

Chanter les blessures, la douleur, Hugh Coltman s’y donne de tout son corps, vibrant, trépidant… C’est la voix qui sert de chef de file à la musique, aux autres instruments à la suivre, à lui répondre. Le tempo est soutenu pour un sax volubile.

Pour une voix, le plus dur, ce n’est pas la justesse, c’est de trouver en soi la part d’humanité, ce qu’on en fait, comment elle est atteinte, blessée, bouleversée, déçue. Et ça doit percer les cordes vocales avant de toucher le public. ..Vous me direz, c’est la même chose pour tous les instruments. Ben oui. On l’ entend, à l’instant, mémoire intense et pourtant fugitive.

On n’oublie pas le groove qui fait danser Hugh, pantin désarticulé par les histoires fêlées, les nôtres ?

La guitare de  Matthis Pascaud, hystérise méticuleusement à souhait.

Parfois , on assiste à une traversée de contrées, voiture décapotée, le vent dans les esgourdes, un foulard dépassant de la portière, et la nature défile si insolente de liberté qu’on essaie de lui prendre, le temps du déplacement. Juste pincer les cordes de la guitare et jouir du son qui finira par être amplifié. Attraper le plaisir même fatigué au détour d’un râle, d’une quémande, d’une plainte quand les poumons se vident et qu’un peu plus, ils ne pourraient se regonfler.

Ça finit quand même par un orgasme et pas des moindres !…

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dimanche 2 juillet – 10h

Promenade musicale 

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dimanche 2 juillet – 15h30

Flash Pig quartet

Adrien Sanchez, saxophone
Maxime Sanchez, piano
Florent Nisse, contrebasse
Gautier Garrigue, batterie

Le piano donne le tempo, ça swingue d’emblée. Sax, batterie et contrebasse sont dans la course infernale qui ne cesse d’accélérer. Get busy. Belle entrée en matière. On aime les poussées hirsutes de sax parce qu’il est fait pour l’impertinence.

Pour s’apaiser ou se remettre dans le droit chemin -on n’y croit pas vraiment- le piano répète tout en douceur un accord laissant à la batterie et au sax le soin de perpétrer l’instant soyeux, le sax peut ça aussi : glissons la main sur le tissu, de petites clochettes monacales rappellent le calme qui s’étend pourtant sur cette surface étale.  Les sons précautionneusement poussé dans leur finalité. C’est La traversée.

Un air frais de Free, ça vous ouvre les chakras et on ne s’en prive pas ! Adrien Sanchez chatouille son sax, les notes sont autant de sons jetés dans tous les recoins de la musique, extraits de mélancolie avortées, accords susurrés pour partir dans de petites anfractuosités, jets de sable de la batterie de Gautier Garrigue, la contrebasse de Florent Nisse bat une mesure atemporelle, le piano sillonne, épand, disperse. Le sax magnifique héron prend son envol peu à peu avec sa majestueuse lourdeur, ses atermoiements, ses changements de direction calculés ET improvisés. La batterie ronronne de plaisir. Tout s’embrase tout de même, free style ! Randolph Coleman tout près…Le plus longtemps possible !

Nous redescendons. Enfin pas si sûr. Le piano de Maxime Sanchez ne cherche pas l’effet, plutôt un toucher ténu, le doigt sensible à la note pendant que sax, batterie et contrebasse choisissent une brise, mélodie suave.

Puissance et rugosité rendent hommage à Peter Brötzmann qui vient de mourir. Spits, sorte de célébration joyeuse, les grands musiciens méritent d’être fêtés. La batterie roule de ses tambours, tom, caisse claire, ronde et éclatante à la fois, engageant le tempo rapide du piano. Ils en gambadent de plaisir.

Détente de nouveau, avec une sorte de rumba liquoreuse, Aquellos ojos verdes, remaniée aussi par Nat King Cole -quelle palette ce quartet!- pour faire danser la contrebasse qui la lui rend bien. Au tour du piano de tournoyer ; le saxo l’enlace bien vite… Les bottes de paille s’en affaisseraient… 

Jakob Bro, Mild. L’intro du piano nous rappelle qu’il en faut si peu pour composer un morceau, de sa naissance à son épanouissement, un des ressorts du jazz, de ses rebonds, de sa vérité (existentielle) -je peux?-  Balançons-nous dans cet espace-là, expression illimitée, illimitée… 

C’est bon d’être emporté, de partager. Et la création dans ses inquiétudes nous donne confiance en l’autre. Une voie de sortie… Introspection et extraversion, de l’un à l’autre, l’un dans l’autre. 

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Charlier/Sourisse/Winsberg & Malou Oheix

dimanche 2 juillet – 18h


André  Charlier, batterie
Benoît  Sourisse, orgue
Louis  Winsberg, guitare
Malou Oheix, voix

La rythmique est endiablée et ça n’est pas la voix qui voudrait ralentir le tempo. Malou Oheix possède la même vélocité que le prolixe Louis Winsberg et le volubile organiste Benoît  Sourisse. Au tour du batteur de dribbler. C’est une musique gourmande, de haute voltige. Ils ont ce grain de folie de ceux qui donnent tout… Ça ne sera pas un reproche !… Le monde à l’envers (titre de leur album).

Comment traduire le travail les souleveurs de rails USA dont la charge détruit les corps : une guitare au tempo irrégulier, une voix torturée, des syncopes. La main droite de Malou joue les notes, comme sur un instrument imaginaire, que ses cordes vocales libèrent. Les effets de la guitare restituent le labeur, notes heurtées, appuyées, la voix de Louis les prolongeant. Les gestes lourds des forçats et la ferraille pesante transpirent…

Les désirs de Tantale ne semblent pas être des supplices, ou alors on veut s’y aventurer. La batterie d’André Charlier, soudainement métallique, laisse la guitare exhaler des parfums d’exotisme, le son onirique, -les effets sont faits pour- un récit initiatique, l’envie d’avancer vers un étrange inconnu, des limbes d’où une voix ensorcelante nous appelle ; l’orgue évoque des vapeurs enivrantes. Nous sommes aussi Ulysse attiré par le chant des sirènes…

Je ne raconte pas les pulsions de l’Indomptable afrobeat à cinq temps, s’il vous plaît, qui trépide à plein, vitesse, précipitation, il faut brûler le temps, et la guitare de Louis met bien le feu, batterie et orgue vont allumer la mèche, s’entend !…

De la répétition, faisons une variation et d’un conciliabule hystérique, un mode de vie ! Oui ! 

Leur bonheur à jouer est immédiatement transmissible, virus de l’énergie, presque de la transe s’il n’y avait tant de maîtrise…

Pour M’dout Masaï, La voix frelatée de Louis -effet oblige-, comme sa guitare, nous entraîne dans un monde parallèle, où robots et engins plastiques  se déplacent par à-coups. Le rythme est syncopé et même si Louis propose un solo paradisiaque, il se veut artificiel  et nous aspire entre  ses strates psychédéliques, jazz-rock en vue.

Une balade habille bien L’Aube de voiles souples, blancs, flottant au petit matin avec les paroles de Malou Oheix. 

Du marathon au sprint, les voilà courant comme Charlot  sur une jambe… La voix de Malou cliquette ainsi que  les instruments : un tambourin par ci, une guitare au son de boîte de conserve par là, et l’orgue les promène sur un manège… cavalcadant ! 

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Angelo Maria

dimanche 2 juillet – 21h

Philippe Codecco, claviers
Pierre Lapprand, saxophone
Charles Heisser, piano Rhodes
Martin Ferreyros, guitare
Juan Villaroel, basse
Théo Moutou, batterie

C’est parti pour les watts, pulsion high-tech de surcroît. Les claviers assurent  les nappes galactiques, le rythme afrobeat ne les quittera pas, maintenu par la batterie et la basse. La guitare rockeuse résonne, toute électrique, Jimmy…., et le sax halète. Yaka laisser faire : hochez la tête, fermez les yeux, levez-vous,  ça commence d’ailleurs, et l’avant de la scène n’a pas fini de se remplir !…Faut avouer que c’est hypnotique, les corps swinguent avec les musiciens que ça a des saveurs de liesse collective, de partage. Dance, dance… Tout chaloupe. Chavirez !

Respire Jazz 2023, à pleine joie, une fois de plus !

par Anne Maurellet, photos Solange Lemoine

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