Le Thou, Nouvelle-Aquitaine le 16 mai 2025

Toujours une ambiance chaleureuse au Thou pour recevoir ce 16 mai 2025 Pierre Perchaud quintet et sa Fleur d’immortelle

Pierre Perchaud, guitare
Robinson Khoury, trombone
Christophe Panzani, saxophone 
Tony Paeleman, piano, claviers
Karl Jannuska, batterie

Quelques notes pour gravir dans l’instant les sommets, la mélodie apparaît diaphane pour mieux s’en imprégner, derrière les voiles du rêve. Karl Jannuska caresse sa batterie, tempo modéré, quand surgit le son majestueux et profond de Robinson Khoury, douces pulsations que s’éveille un petit jour, délicat, méticuleux. Imaginez que le monde ouvre les yeux, neuf, curieux. Le trombone vous emporte bien loin, dans l’espoir de la beauté, tous désireux d’une harmonie de l’imperceptible, juste Picking the wind.

Mais attention, les esprits ne sont pas linéaires, et le chaos veille sur les instruments. A chacun sa folie, son extraversion, sa révolte… Ben oui, il en faut aussi ! Sax ténor, trombone et guitare s’éraillent, pour mieux entendre in fine ce qu’ils peuvent aussi donner de méditatif. Les opposés se marient là, l’un n’aurait pas de sens sans l’autre. Le synthé de Tony Paeleman marque aussi sa frénésie.

D’un son presque goguenard, Robinson Khoury passe à des grondements du fond des temps, les courbes de son trombone varient à l’infini, du plus tendre au plus nostalgique, du plus fin au plus épais, chorégraphiant le monde dan tous ses états -pendant le confinement !

 Et tous se retrouvent pour célébrer la mélodie, une Echappée belle : un tempo déchaîné, trombone bouché, sax haché. La guitare de Pierre Perchaud s’envole, gerbes de fleurs, éclats de sons exigeants. La batterie de Karl Jannuska précis et subtilement sonore assure le rythme, le trombone fait réponse aux accords juxtaposés.

Pierre Perchaud met ici en musique le vide. Blankfull est un manifeste, réfléchir  peut redonner vérité à l’action. Les instruments deviennent introspectifs. Les effets de Pierre sont minutieusement nuancés, c’est un des aspects du raffinement de ses compositions. Il amène chacun à trouver dans cet espace-là sa propre poésie, son regard sur les choses. Le piano de Tony Paeleman, accompagné par les pulsations répétées des autres musiciens se déploie par nappes successives. Quand Pierre reprend la mélodie, c’est pour la rendre de plus en plus méditative, afin de chercher les recoins de votre âme qui veulent ou peuvent encore flotter, comme une respiration authentique ; le trombone vous y invite aussi, enserrant, bienveillant.

Pierre Perchaud fait doucement vaciller les accords  de  ses mélodies afin de décrire la richesse de notre environnement, sa beauté à ne pas négliger. Alors la musique traduit, s’approche, effleure faune et flore, réenchantant notre monde immédiat. Ainsi, s’y glissent sax tenor et trombone, quelques notes posées, une infinie précaution, la batterie juste à l’essentiel, et la vie redevient précieuse… Belle Libellule aux ailes transparentes, à l’apparente fragilité et qui pourtant maintient un équilibre parfait. On est sûrement allongés près d’une étendue d’eau à contempler la nature et son microcosme.

Un piano aux touches à peine frappées comme une migraine annonce un Burn out, la guitare le poursuit dans la même obsession, pensée décousue, précipitée, agitation cérébrale d’un corps épuisé, matière à un tempo essoufflé, haletant, bien rendu aussi par la batterie presqu’en percussions.  Au tour du trombone  et du sax de bugger. Astucieux ! En progression constante, le point de rupture est tout proche. 

Pierre propose l’apaisement, une voix berçante, prolongée par le sax tendre de  Christophe Panzani. Voie à suivre.

« Il faut que le vent passe », dit Jean Giono et que nous rapporte Pierre, à travers les êtres, et Tony Paeleman le laisse franchir les touches de son clavier. Pierre Perchaud rejoint le pianiste. « Nous sommes faits de l’étoffe de nos rêves » suggère Shakespeare, et nous devrions aussi comprendre que nous ne faisons qu’un avec la nature. Thoreau inspire peut-être Pierre. On entend  la réconciliation ou au moins l’attention à tout le vivant, végétaux compris. L’inspiration traverse ainsi sa musique. Le piano de Tony en fait un plaidoyer, les balais dansants de Karl l’appuient. Entendez-vous ?…

Eh bien, puisqu’il faut avancer, âmes positives, Go on prend la cadence d’un cheval au galop, tendance country. Message d’espoir où clarinette et trombone dans tous leurs états vocifèrent. Bien sûr, vient un moment d’intériorité -Pierre Perchaud oblige- où l’on creuse, on nourrit l’imaginaire, les sensations fines. Ça continue avec tout l’enthousiasme, la volonté, la générosité nécessaires. Ils s’envolent tous, par à-coups, dans une frénésie bienheureuse.

En rappel, Fleur d’immortelle, immortelle ! Une superbe mélodie enluminée par Christophe Panzani à la clarinette et Robinson au trombone. Les strates des sensations et de la réception des choses, des fleurs, du microcosme sont abyssales, de bon augure pour des musiciens de talent…

Par Anne Maurellet, photos Mjc Touzalin