Métamorphoses
[REPLAY] Il faut parfois laisser du temps au temps pour assimiler l’essence d’une œuvre, comme il faut plusieurs années pour comprendre quels sont les petits détails qui ont vraiment compté pour soi dans une vie. La bouteille de vin précieusement gardée, que l’on déguste enfin, aux grandes occasions, cette mystérieuse toile contemporaine accrochée au mur, qu’à chaque regard l’on redécouvre et qui nous remet en question, ou encore les photos de famille que l’on extrait de la boîte à biscuit ! « Métamorphoses », nouvelle proposition du Olivier Calmel – Double Celli, restera de ces témoignages intimes, un disque rare et intemporel, aux facettes multiples, dont les écoutes successives révèlent peu à peu ses trésors cachés, oubliés ou imaginaires. Faisant suite au fort bien accueilli « Immatériel », premier disque du groupe, « Métamorphoses » est introduit dans ses notes intérieures par une phrase chargée de sens : « La transformation de ce qui à jamais sera… ». Ainsi, sur un ton audacieux, voici une musique aux couleurs insolites, hommage savant mais espiègle à celles jadis portées par certains éclaireurs du 20ème siècle, tels que Sergueï Prokofiev, Igor Stravinsky, Béla Bartók ou encore György Ligeti, que l’on cite sur le ton charmeur de l’irrévérence, sous le regard entendu de Roger Calmel, compositeur reconnu lui aussi, et père du leader. Des univers, traditionnellement distants, vont s’unir en une valse collective effrénée, un univers plutôt chambriste offrant la richesse moirée de son quatuor à cordes, à des espaces orchestraux ouverts, au jazz par le piano, et aux couleurs plutôt rock de la batterie. Cette singulière mutation, où l’improvisation d’essence jazz est permise, libère ainsi le rythme qui invite à une danse osée, décoiffant sans retenue la chevelure un peu trop classique de la convenance. Remarquable musicien et compositeur, Olivier Calmel a un parcours où la diversité est de mise. Les rencontres eurent aussi une grande importance, en particulier celle avec ce groupe, qu’il avait déjà réuni pour l’album « Immatériel ». Bien que venant d’univers différents, tous ces musiciens, de grand talent et à la personnalité forte, se sont pourtant unis dans un engagement collectif épatant, pour servir l’écriture d’orfèvre éclairé du leader, scellant une alliance subtile entre raffinement classique et liberté de la fuite en avant. Comme l’indiquent très justement d’autres notes intérieures, il s’agit bien d’un « joyeux bazar organisé et porté par ces esprits libres… ». Au point qu’on pourrait voir en « Métamorphoses » une passerelle possible à conseiller aux mélomanes passionnés de classique, qui voudraient découvrir le jazz par une porte inattendue, l’inverse étant vraie, des pianistes tels que Keith Jarrett, Uri Caine ou encore Herbie Hancock l’ont eux aussi prouvé !
Au final, du morceau titre qui ouvre l’album à « Festive toccata » qui le clôt, nous ressortons tout émoustillés par le rythme irrésistible de ces dix pièces qui défilent comme les images d’un kaléidoscope, formant une farandole colorée, échappée d’une chambre aux fenêtres ouvertes en grand, au ciel bleu vif de l’envie !
Par Dom Imonk
Olivier Calmel : Piano et compositions
Johan Renard : Violon
Frédéric Eymard : Alto
Xavier Phillips : Violoncelle
Clément Petit : Violoncelle
Antoine Banville : Batterie et percussions
Label Klarthe Records