Mind Watcher – Pathways

[COUP DE CŒUR] Au fil des ans, le pianiste compositeur Jérémy Bruger s’est forgé une solide réputation, en particulier sur Paris, lors de nombreux concerts très appréciés, et grâce aux trois albums en trio qu’il a déjà à son actif, dont les titres parlent d’eux-mêmes : « Jubilation » (2013), « Réflexions » (2016) et « Moods » (2020) dont nous avions ici-même vanté les mérites , et qui reçut par ailleurs un excellent accueil, un florilège d’humeurs exquis fait de compositions et de reprises de standards. L’occasion pour lui de montrer son grand talent de musicien et la richesse de son écriture, pour un jazz au ton moderne et rafraichissant. Nous retrouvons toutes ces qualités dans « Pathways », son nouveau disque en quartet paru sur We See Music (le label de Matthieu Marthouret), où il s’est entouré d’acteurs vifs de la nouvelle vague jazz, qui se trouvent bien souvent engagés dans d’intéressants projets en parallèle et sont eux aussi très actifs sur les scènes parisiennes, et même au-delà ! Il y a donc autour de lui Thomas Gaucher à la guitare, Gabriel Pierre à la contrebasse et Malte Arndal à la batterie. Autant dire que nous avons là un groupe musclé, perfectionniste et bourré d’idées, qui n’a rien à envier aux combos hype de la Big Apple !

Il y a un peu plus de trois ans, la crise sanitaire jetait un voile funeste sur toute la planète, mais les confinements successifs n’eurent pas raison de l’activité humaine, certes notablement ralentie, et encore moins de la créativité de beaucoup d’artistes qui, privés de scènes, tentèrent malgré tout de poursuivre leur travail, bien souvent en unissant leurs efforts. C’est dans ce contexte que le projet de ce quartet s’initia début 2021, lors de sessions préalables chez Gabriel Pierre nous dit-on, à la suite desquelles Jérémy Bruger écrivit la musique de Mind Watcher. Dès la pochette lumineuse que l’on doit à Raphaël Dever, qui figure peut-être de manière stylisée un quartier ensoleillé d’une ville délivrée du confinement, nous imaginons la sortie d’un sombre tunnel, et nous sentons guidés vers un chemin tout neuf, que nous empruntons volontiers grâce au morceau « Pathways » qui ouvre l’album d’une façon très directe et nous aspire émotionnellement, déjà ! Clarté du son, inspiration pointue et harmonies, limpidité des accords et échappées de piano et de guitare entremêlés, aplomb fervent et agile du pouls rythmique, les ingrédients sont dévoilés, premier jalon franchi, laissons-nous entraîner à découvrir sa suite ! Elle se révèle une succession de compositions ciselées, qui défilent en chantant un optimisme retrouvé, une envie de curiosité et de découvertes, avec de la beauté pour étendard.

Après « Need some fo » et « Far Island », une vraie musique de film celle-ci, deux superbes pièces dont la mélancolie en interligne, la richesse des entrelacs, et de poignants chorus nous ont scotchés, changement de climat avec l’attachant « Beyond relief », morceau qui pourrait presque être chanté par un crooner genre Boz Scaggs ou Ben Sidran, tant le ton assez americana de l’ensemble y inviterait ! Autre composition saisissante, « Mind Watcher » qui, après la crise vécue ces dernières années, conseillerait à juste titre de s’accorder « Un temps d’observation pour redéfinir sa place parmi les éléments » comme l’indique cette phrase bien sentie, extraite du communiqué de presse. Un morceau traversé de l’un des plus beaux chorus de Thomas Gaucher, qui signe d’ailleurs l’excellent « A Friend’s Dilemma » qui suit dans la même ardeur. Juste le temps pour un titre anonyme de dévoiler son mystère que s’ouvrent alors les flots de « Sea of Dreams », l’une des pièces maitresses du disque, dont la beauté onirique nous rappelle celle du « Across the Crystal Sea » de Danilo Perez, pas moins, et offre de majestueuses envolées de Gabriel Pierre et Jérémy Bruger, surfant allègrement sur l’écume scintillante du jeu foisonnant des deux autres compères.

Suite au palpitant « T.J.G.M. » (les initiales des prénoms des quatre garçons), d’une énergie rock irrésistible, grâce à une guitare en feu et à un impressionnant solo de Malte Arndal, nous voici déjà arrivés au terme de ce très bel album au son d’orfèvre, avec « Visions », un morceau au titre chargé de sens, empreint de douceur, de spiritualité et d’espoir, enrichi d’un chorus bouleversant de Jérémy Bruger, un peu dans l’esprit d’un Lyle Mays, qui nous engage à poursuivre le chemin dont lui est ses complices nous ont brillamment montré la direction ! Au final, Mind Watcher est un quartet époustouflant de possibilités, en une sorte d’état de grâce, les forces vives d’un jazz d’avenir qui nous ont envoutés ! Alors suivons-les de près, et vivement le plaisir de les découvrir en concert !

Jérémy Bruger : Piano, compositions (sauf « A Friend’s Dilemma » de Thomas Gaucher)

Thomas Gaucher : Guitare

Gabriel Pierre : Basse

Malte Arndal : batterie

Par Dom Imonk

We See Music Records/Baco Distrib

https://weseemusicstore.bandcamp.com/album/pathways

https://www.facebook.com/jeremy.bruger