Echappé(E)s

Par Philippe Desmond

Un disque de guitares, un disque deux guitares, voilà ce que nous proposent Manu Galvin et Christophe Maroye. Ouh là là, ça sent le concours de médiators, les duels au sang, les bagarres à coup de manches, les fins de morceaux KO dans les cordes.. de guitares. Pas du tout ! Tant mieux, on a passé l’âge. Pas de combat, encore moins de concurrence mais du partage, du respect, de l’écoute, de la complémentarité comme dans l’amitié qui les unit. D’abord Manu c’est pas le genre de gars qui se met en avant. Sideman apprécié dans le monde la variété (Le Forestier, Mitchell, Birkin, Renaud…) et du blues (JJ Milteau) il ne s’interdit pas des incursions dans le jazz, en concert et en disques avec Eric Séva ou comme animateur sur TSF Jazz. Christophe ce n’est pas le genre non plus à rouler des épaules, plutôt le genre à toujours plaisanter et avec amabilité, ne portant pas son talent en bannière ; et un son très personnel.

Avec eux une équipe d’amis, Didier Ottaviani l’indispensable batteur bordelais et presque aussi indispensable ingénieur du son, son voisin le solide bassiste Nicolas Veysseyre et quelques invités comme Benoît Sourisse au piano électrique, Mattis Galvin à la guitare et Jacques Mercier au chant sur un titre. Précisons que situation oblige, les enregistrements se sont faits en distanciel. Vivement la fin de ce cauchemar qu’on ne prononce plus jamais ce mot-là !

Dix titres pour la plupart de Christophe , un de Manu, un du quartet et un autre d’un certain Billy Preston la célèbre chanson « You are so beautiful » immortalisée par Joe Cocker et ici chantée par Jacques Mercier. J’ai découvert que je connaissais la voix de ce dernier mais pas son nom, il était le chanteur fondateur de Dynastie Crisis un groupe de rock du début des 70’s que j’adorais.

Alors à part ce tube surprise ici, de quoi parle cet album ? De blues, de rock, de jazz fusion surtout mais pas que. Christophe a une culture cinématographique, c’est un excellent réalisateur et il sait créer musicalement des images, des climats souvent poétiques. Certains penseront bien sûr à Pink Floyd parfois, sans doute, il les adore. On a déjà dit que quand on a assisté à un concert de Christophe Maroye on a entendu une quarantaine de guitaristes différents, avec Manu Galvin en plus imaginez la palette ! Bien sûr John Scofield, Mark Knopfler... Ceux qui ont l’oreille fine distingueront nos deux guitaristes, l’un dans le canal gauche de la stéréo, Manu, l’autre dans le droit, Christophe. L’impression générale que laisse l’album est celle d’une fluidité mélodieuse, d’une grande sérénité harmonique, relevées par certains titres plus fusion où la rythmique discrète mais efficace jusque-là se fait plus présente, plus puissante.Les guitares chantent, se causent, se questionnent, se répondent, tout en douceur. C’est tout simplement très beau et ça ce n’est pas facile à faire ! Et last but not least la production est parfaite et la pochette belle, détaillée et amusante.

Si un jour ça devait venir sur scène je serais le premier à m’y précipiter. Vous me suivriez ?

Portrait de Christophe Maroye : https://fr.calameo.com/read/00289603908fe76fb9f12