Lakecia Benjamin au Rocher de Palmer : Le Phoenix renait de ses cendres.

Ce vendredi 15 Mars dans une salle 650 qui n’a malheureusement pas fait le plein, la saxophoniste américaine a fait une entrée lumineuse avec son alto en plaçant son concert sous le signe de l’amour, de la paix, de la bonne humeur et de la joie d’être ensemble en France, pays des plaisirs de la table !

Arborant un look de star, toute de doré et d’argent vêtue, silhouette longiligne surmontée d’un magnifique chignon afro, Lakecia Benjamin nous invite à partager l’amour du jazz. Tout au long du concert, elle dialogue avec le public, heureuse de communiquer, de se revendiquer militante et musicienne.

L’artiste mesure le chemin parcouru depuis ce 21 septembre 2021 où une sortie de route a failli lui couter la vie. De multiples fractures, notamment à la machoire, n’ont pas eu raison de cette battante revenue sur les chemins d’une tournée seulement 3 semaines après cet accident. A l’image de l’oiseau de la mythologie grecque, son quatrième album Phoenix, paru en 2023, incarne sa renaissance personnelle.

Elle propose une musique créative, unique, aux références multiples, aux confluences de la Soul, du Jazz, du Funk et du Hip Hop. En tant qu’instrumentiste, elle peut être comparée à Johnny Griffin pour sa facilité à jouer très vite tout en maintenant une grande qualité d’interprétation. Ce soir, Lakecia Benjamin confirme qu’elle est une « showwoman » impétueuse au souffle extraordinaire, au jeu tonifiant, capable de produire des notes suraiguës dans des degrés stratosphériques incroyables tout en délivrant un son chaud et résonnant. Grande admiratrice de Wayne Shorter, en tant que compositrice, elle a été aussi influencée par ses collaborations en tant que sidewoman auprès de Gregory Porter, Stevie Wonder, Theo Crocker, Alicia Keys. Maceo Parker reste l’un de ses principaux inspirateurs et cela s’entend. Pour cette tournée européenne, elle s’est entourée de trois musiciens élégants et talentueux : Oscar Perez au piano, Elias Bailey à la contrebasse et E.J Strickland à la batterie. Ce dernier nous a d’ailleurs gratifié d’un remarquable solo énergique au milieu du concert tandis qu’Elias Bailey s’essayait à faire chanter sa contrebasse en dansant parfois avec elle, vibrant de tout son corps. Mention spéciale au jeu du pianiste, aérien, virevoltant avec aisance au-dessus de ses deux claviers.

Le quartet a interprété des compositions personnelles de Lakecia Benjamin, toujours très rythmées et aussi des morceaux issus du répertoire de John Coltrane. La saxophoniste délivre notamment une version survitaminée de My Favorite Things pendant laquelle Elias Bailey, l’air réjoui, s’arrête de jouer, comme dépassé par le rythme imprimé.

De même, tout au long du concert, des joutes musicales saxophone – batterie ou piano – saxophone ont pimenté une soirée où l’incroyable Lakecia Benjamin a accompli une performance autant physique qu’artistique lors de ces longues digressions qui font tout le charme du jazz.

Le concert s’est conclu sur A love Supreme de John Coltrane, pour rappeler tout le respect et l’admiration qu’elle voue à John et Alice Coltrane. Elle leur a consacré un album Pursuance : The Coltranes où elle a mis toute sa virtuosité au service de leur musique. En les réinterprétant, elle les inscrit dans une temporalité contemporaine qui exacerbe leur spiritualité.

De par son souffle impressionnant et sa créativité artistique, Lakecia Benjamin se pose définitivement en princesse de l’alto.

C’est une artiste très inspirante pour nombre de femmes musiciennes. Pour conclure cette chronique, citons-la : « Je pense qu’être un artiste n’est pas seulement un travail à temps plein, c’est le travail de toute une vie. Si je fais ce que j’aime, je donne un sens à tout ce que je construis dans ma vie. Jouer c’est ma passion et la plus belle aventure dont je pouvais rêver. »

Par Christine Moreau, photos Érick Moreau

https://lakeciabenjamin.com/tour/

https://lerocherdepalmer.fr/

Galerie photos :