Onkalo

[COUP DE CŒUR] Intrigués par le mot « Onkalo », nous apprenons qu’il désigne « le premier site finlandais d’enfouissement permanent de déchets radioactifs… ». Serait-ce alors un album militant ? Peut-être pas que cela… En effet, sa traduction c’est la « cave », un lieu qui nous est familier. Il peut cacher foule de secrets propices aux rêves, ceux des anciens qui se sont tus, mais que la jeunesse réactive en les perçant. Et pourquoi ne pas pousser plus loin l’imaginaire, avec le mot « caverne », et tout son symbolisme ? La magie des trésors ! A l’évidence, ceux de Julie Campiche, jeune harpiste et compositrice suisse, sont la connaissance et l’expérience, accumulées tout au long de sa carrière, reconnue de ses pairs, et une imagination bouillonnante. On la découvre curieuse de tout, dans des aventures qui vont du théâtre au sound design, en passant par le contemporain et l’improvisation libre, en divers formats de groupes.  Ainsi retrouve-t-on cette diversité, dans  l’univers poétique qu’elle nous ouvre. L’auditeur est saisi dès les premiers instants par les climats mystérieux et contrastés qu’elle crée, qui ne sont pas sans rappeler quelques autres musiques aventureuses, dont certaines venues du nord de l’Europe. Ainsi, sur les parois mobiles de son inspiration, des couleurs vibratiles sont peintes çà et là, mêlant un soupçon de mélancolie sépia, à des tons plus vifs et accrocheurs. La formule du quartet lui plait beaucoup, ce fut déjà le cas avec Orioxy, son précédent groupe, où officiait déjà l’excellent contrebassiste Manu Hagmann, qui est aussi sur Onkalo. Ce nouveau projet, dont c’est le premier disque, à la tendance électro-acoustique affirmée, a vu le jour en 2016. Il compte aussi en ses rangs Leo Fumagalli (saxophone, effets) et Clemens Kuratle (batterie, effets), autres très doués représentants de la nouvelle génération de musiciens suisses. A l’instar d’Isabelle Olivier ou de Zeena Parkins, Julie Campiche  est audacieuse dans sa quête créative. Son écriture sensible, avertie et actuelle, pique au vif, d’autant que pour la pigmenter, elle a par moment assorti sa harpe d’effets électroniques, ce qui en mute le son et crée un nouvel instrument, sans trahir son essence cristalline. Des effets dont sont très friands ses épatants complices, ce qui scelle le ton collectif du disque et l’épice de surprises, comme cette partie de cache-cache qui nous réveille dès « Flash info », où alternent notes délicates et l’électro choc du flow des infos déversées dans les médias. La quiétude de « Cradle song », ses fins effets et un saxophone lunaire,  nous calmeront un peu, avant que ne débute Onkalo, magnifique pièce, dont la densité dramatique oppose de frêles éclairs folkloriques en péril, à d’effrayantes images d’apocalypse. Trois belles histoires achèveront notre conquête, comme le touchant « To the Holy Land », de Clemens Kuratle, batteur au jeu subtil, suivi des remarquables « Lepidoptera » et « Dastet Dard Nakoneh ». Portée par la grâce de musiciens d’altitude, servie par un son très  pur, cette musique c’est aussi la liberté, l’espace et la clarté d’une beauté épurée. Nul ne doute qu’Onkalo se laissera sans peine enfouir dans vos cœurs !

Par Dom Imonk

Meta Records

www.juliecampiche.com

https://www.youtube.com/channel/UCXDD97N9AwvwO3k5awWEpqw