Playtime

Sylvain Bardiau : Trompette / Frédéric Gastard : Saxophone  Basse / Matthias Mahler : Trombone / Jérémie Piazza : Batterie
Invités – Marc Ducret : Guitares / Sébastien Palis : Hammond B3

Retour du joyeusement foutraque, mais de qualité, ‘Journal Intime’, avec tout plein des nouvelles idées et des rythmes de folie. Et qui de mieux pour assurer les tempi diaboliquement exquis, sinon le vieux pote du groupe, toujours au bon moment-au bon endroit ! Et puis la guitare grunge rayonnante de M.Ducret revient tout pourrir pour imposer (à l’amiable) sa vision du ‘beau’, sorte de bavé ‘à la’ Bacon, flou démentiel où tous les phantasmes de création sont potentiellement possibles. Enfin, pour les nappes bariolées sur lesquelles se vautrer, sauter, bref, jouer, voila une connaissance de Jérémie, partenaire de chez le fantastique ‘Papanosh’, parfait pour le rôle du tapis volant, toujours à prendre le bon vent, en avant toute vers le soleil qui n’en fini pas de se lever pour éclairer les mystères de l’ouest.
Le 1er titre du disque, éponyme du nom de l’album, un hommage appuyé au génie de J. Tati, comporte tous les ingrédients qui vont enrichir les autres chansons, puisées principalement au sources de différents jazz dont se sont nourri la plupart des Band’s, Bandes, Bandas et fanfares de partout. 3 vents plus caisses et cymbales racontent la poésie du cinéaste, des suites décalées, des images qui sautillent, un personnage de ‘dessins animés’ qui promène sa curiosité dans le ‘vrai’ monde. Mini Brass Fantasy ‘à la’ L.Bowie, ou R.Anderson qui se prendrait pour F.Zappa, ou bien entre T.Avery et C.Mingus… La musique montre les tribulations trébuchantes d’une silhouette virevoltante qui (s’)interroge, arrivé trop tôt ou trop tard sur une planète tellement bizarre, on voudrait l’aider, jouer avec lui, lui montrer… jusqu’à ce qu’on l’entende, le regarde, l’écoute et comprenne que c’est lui qui nous offre la Vraie Vie ! En jouant à jouer, alors jouons !
Chaque titre démarre sur l’ambiance de fin du précédent. La fanfare finissait free, elle s’est redressée, débarbouillée, refait une beauté, restaurée d’origine. Cuivres nerveux, baguettes frénétiques, hanche qui se déhanche, faut qu’ça bouge, faut qu’ça trotte. Monte et descend, court et roule, et attrapez la queue du Mickey !
Le chaos s’organise. Version orchestrale. Accords arpégés, harmonisation unanime, nuances de toutes teintes… La page de joliesse se déchire, la guitare au joli son sale déboule, déconstruit l’en-cours, ruine les perspectives, projette des hallucinations psychédéliques kaléidoscopiques sur la mer démontée… les remparts harmoniques se haussent à nouveau autour du feu des cordes, qui se rangent maintenant du côté d’un conciliabule de réconciliation par le calme, vite soufflé par le gros instrument qui swingue un chorus à tout casser, comme un éléphant de porcelaine…
Le gros néléphant continue sa route sur le titre suivant, introduisant C.Porter sauce Bird, les drums se font ‘tribal’, les chorus s’enchaînent, chorus d’orchestre : chorus Bop joué ensemble, formidable cohésion !
Ouf, on s’assoit un instant. Musique au kiosque. Doux et lent. On ne sait pas où ça va, mais ça va. La trompette s’installe, vive mais pas trop brillante, toute en nuances. Une ravissante petite chansonnette prend corps, s’insinue dans l’air, les oreilles, les synapses, elle ne repart plus.
Hop, c’est reparti. Quelques accords dépoussiérés de BeBop à cloche pied, des airs qui vont et reviennent, la grosse caisse et le gros sax s’acharnent, les couleurs changent, débridement free funk new Nola pour tous ! La fanfare est montée à cheval, le gros sax chevauche un walking bass au galop !
Fin autour des sources du blues, Trad au ralenti, traité façon ‘Music Liberation Orchestra’. Tout en demi-teinte, de jolis tirs de fusées éclairent les balises, alimentent les chorus. Recherche d’unité, entente totale, pas de lâcher de peloton ni mise en avant, les joyeux animaux bruissants avancent de front, et s’en vont, en révérence.
Un beau disque simple et riche, joyeux et réfléchi, brillant et curieux. Réussi. Si !
On aimerait que ce ‘Journal Intime’ ne le soit moins, que l’on en profite ‘vivant’ plus souvent ! 

chez : Neuklang
Par : Alain Fleche