Jeannette Lambert – Portrait Landscape

Jeannette Lambert : Voix, Compositions, Production, Ingé. Son

beamer ! (Théo Lambert), van garden (Jérôme Lambert) : Voix, Compositions, graphisme

Reg Schwager : Guitare, Basse

Michel Lambert : Tablas, Pansori drum, drum kit

Retour de la ‘magicienne’ de Montréal, avec son groupe familial (Genius Loci Ensemble) : son batteur de mari, leurs 2 (grands) enfants, et son frère Reg. Bonheur de retrouver cette voix qui côtoie les Sphères Célestes et s’enracine voluptueusement dans une matière en perpétuel devenir, cette émotion qui nous trouble de la pointe des cheveux au bout des orteils, de la surface de la peau au centre du coeur là où l’âme affleure, ces mots qui coule comme d’une fontaine intarissable et enchantée, ces mélodies comme les chants que s’inventent les enfants, en éternel suspend, pas toujours immédiatement accessibles mais toujours faisant sens.

Le travail des loustics s’affirme et s’inclue naturellement dans l’entreprise familial qui fut leur école. Même s’ils ont choisi de se rapprocher de leurs racines (en Corée), les liens qui les attachent au Genius Loci sont solides.

Les guitares de Reg ont des sons nouveaux, indéfinissables, une approche différente de l’accompagnement qui apparaît comme improvisations ornant celles de la chanteuse, avec des accords et des arpèges venus d’autres planètes.

Et notre solide complice permanent, Maitre des Temps que défient ses battements subtiles et définitifs, ses mélanges intuitifs d’objets sonores ponctuant les mots et impressions, dispersant les logiques toniques, recadrant les mélodies qui cherchent parfois à s’échapper de la ‘toile’…

Le titre ‘Portrait Paysage’ se veut mêler lieux et personnages, mélanger les énergies des 2 : personnifier certains endroits choisis et décrire des proches comme des terres à découvrir.

Question existentielle de la dame : ‘Que chanter ?’. Forte d’une culture jazz classique depuis son enfance, prolongeant ces mélodies de ses propres inventions : écriture automatique ou poèmes beatniks, perdurant ainsi les anciennes traditions poétiques de ses ancêtres javanais. Rompu à l’exercice de l’impro, reste à trouver les thèmes, le fil conducteur du projet. Le choix, ici, est : l’histoire, l’énergie, les mélodies, avec de nouvelles règles de création et d’expression. Elle s’appuie sur l’astrologie ancestrale pour dessiner les portraits et l’énergie des lieux. Parler aussi de ce que les autres chansons ne racontent pas : les couches complexes de relations familiales intergénérationnelles et les humeurs changeantes qui y règnent. Le pansori coréen est aussi une inspiration importante dans cet opus. C’est le support du récit chanté, un tambour à 2 faces au rythme codé ou libre, lent ou rapide, son nom signifie : ‘Chant en lieu public’.

Il résulte de tout cela un disque surprenant qui tire son essence de la tradition jazz, ancré dans l’improvisation libre, teinté d’un exotisme chaleureux. Des chansons qui pourraient souvent être arrangées de façon ‘classiques’ de par leur structure mélodique repérable, mais non, il leur faut de l’espace, de la liberté et l’urgence de l’instant éphémère pour exister ! Des mots qui chevauchent les nuages, disparaissent et reviennent, s’inventent les uns les autres et finissent par prendre sens dans la bulle qui les contient. Un son unique, qui empreinte au jazz libre et à la tradition asiatique, doux ou fougueux, qui berce ou réveille, évitant les écueils de la joliesse pour s’approcher de la Beauté pure.

Le 1er titre présente le disque … et ses composants. Guitare précise et énergique avec des nappes synthétiques pour se poser, les rythmes précipités et joyeux du tabla, les voix féminines et masculines se mêlent, s’apportant de la fluidité et de la force… avec les mêmes mots. ‘Loin de l’incendie’.

Visite dans un appartement d’étudiant, près d’une sortie de métro passagère. ‘Hondae exit 7’. Des pas bousculés, l’air est chargé de senteurs exotiques, tissage de voix lointaines, battements asymétriques pour casser le temps qui ne passe pas…

‘Jeoju’. Voix évanescente, modulation rêveuses, lieu ou personnage ? Sans doute les deux.

Beamer ! Prend le bâton de parole. Habitué depuis son jeune âge à converser musicalement avec son père et son oncle en section rythmique, ils nous raconte l’ ‘Histoire de Namsan’.

Voici ‘La Dame du Lac’. Belle et sage, elle ondule avec le mouvement des vagues, des bulles éclatent et libèrent des mots harmonieux qui se fondent dans la brume couvrant la surface de l’eau paisible. Évocation de la crise climatique, qu’en pensent les jeunes ?…

Des cris, mystère, attention prudente, rencontre avec les ‘Dinosaures’. Disparaîtrons nous tous aussi, comme eux ?

Histoire de ‘Jacqueline’. Musique dramatique, la voix se hisse, au bord de la brisure, cassures d’émotion mal contenues. On voudrait se précipiter pour éviter aux notes de chuter avant que le choc heurte notre esprit, pas nécessaire, la voix rebondit, comme savait si bien le faire Billie, l’histoire n’est pas finie. Jeannette avait le covid, mais la date d’enregistrement conseillée par l’astrologie ancestrale pour ce titre était indéfectible ! Dont acte !

‘19’. Comme ‘17’ qui clôt le disque, est un souvenir d’anniversaire des enfants. D’après quelques notes de l’époque, sur la difficulté d’être mère à secourir l’angoisse de ces âges ingrats, fait de découvertes et de désillusions. Jeannette va mieux dès le lendemain, merci pour elle !

Lors d’une tournée de Michel avec Alain Bédard, ‘Sous le sol de la Guadeloupe’. Loin des bruits de fête, Jeannette écoute les grenouilles sifflantes et chante avec elles, laisse les amertumes et les regrets qu’emporte les flots et la brise tropicale. La gentillesse l’emportera toujours sur l’acidité des maladies mentales, la nature y aide.

Au tour de van garden. Voix ‘FreeStyle’ pour un poème surréaliste. Questionnements sur des formes de vie et leurs vices.

Maman se souvient des ‘17’ ans de l’aîné. La guitare fouille dans le temps, le tabla trébuche sur les années disparues, sur une rengaine suggerée (souvenir d’une chanson avec Michel, dans un club de jazz, année ‘90), sur la voix qui se déchire entre la fête qui a réuni amis et famille, et souvenir d’un âge difficile, résolu par le vécu de temps maintenant disparus.

Poésie, émotions, liberté, amour du temps présent et de tout le reste… Quoi de plus ? Le bonheur est là !

Chez : JazzRant Records

Par : Alain Fleche

https://jeannettelambert.bandcamp.com/album/portrait-landscape-2