Studio Juillaguet, 2 juin 2022

Trevor Watts : sax soprano, slto
Veryan Weston : slaviers
JamieHarris : percussions


Fin d’une belle journée de printemps, un improbable petit hameau de Charente qui héberge un studio d’enregistrement, a réussi à attirer une cinquantaine d’auditeurs avertis pour un moment rare de musique libre. Le temps de saluer notre hôte (Kent), Philippe Levreaud qui a œuvré au bon fonctionnement de cette mini tournée (3 dates), quelques amis musiciens qui connaissent le lieu… et ses invités du jour, et la musique commence.


Début de la première partie : duo piano/soprano. Directement dans le vif du concert, sous forme de rhapsodie arc-en-ciel, ça envoie grave ! 40 ans que les 2 se fréquentent, « ça créer des liens », total fusionnels,  plus besoin de préliminaires, on reprend le sujet où il en était à la dernière rencontre. On assiste là à une course-poursuite époustouflante qui ne nous laisse aucun instant de répit. Ce sont des bouts de phrase musicale que chacun s’envoie à la volée, avec réponse immédiate sur une note, un détail, ou la phrase entière, ou une intonation, une nuance… Enchainement permanent étourdissant genre : ‘ maraboutdeficelledech’valdireàmamère…’. 2 papis qui totalisent plus de 150 ans à eux 2, et pas une ride dans leur jeu, leur son, leur musique toujours aussi vive, fougueuse et fraîche. Même exercice avec le sax alto dont les extrêmes aigus sont sollicités en permanence, faisant le lien avec le soprano mais abordé différemment : jeu sur les harmoniques, suraigus, souffle continu…
Deuxième duo : Sax (alto puis soprano)/ percus. : ce sont 4 congas et 3 cymbales que Jamie fait vibrer, en même temps que nos tympans, avec une virtuosité à faire blêmir les plus expérimentés des congeros cubains ! Loin d’être un effet de style d’autosatisfaction, la dextérité chez ces messieurs est une expression de langage, tellement de choses à dire, trop peu de temps à chaque intervention… Nous sommes au bord d’une impatience toute coltraniène (d’ailleurs Trevor abordera quelques citations du maître…), où il est de la première urgence d’être clair sur son propos pour être -enfin- entendu, et compris en tant que tel !


Ouf, un break ! Il est le bienvenu pour assimiler le flot, le torrent de lave rouge qui nous a englouti pendant près d’une heure… et boire un verre avec les amis (tous !)
Deuxième partie : Veryan quite le Grand piano pour un synthé, encadré par les 2 autres afin de former l’ « Eternal Triangle  » : géométrie récente, encore sans enregistrement, sur des compositions de Trevor, largement re-re-re-interpretés par les 3 qui se font fort de les rendre méconnaissables à chaque exposition. Sur ces compos fortement influencé par les rythmes africains ou sud-américains, Jamie est royal d’aise et de tempérament, il cherche à faire danser les auditeurs, mais, ne serait-ce que la folie de ce jazz libéré et imprévisible qui bouscule les tempi et joue à cache-cache avec les harmonies… Alors, on se contente d’ouvrir grand les oreilles et de taper du pied en souriant béatement de plaisir, et c’est très bien !


Pour peu, sur ces rythmes hypnotiques et décalés qui sont à l’origine du jazz, Veryan se laisserait presque aller à se rapprocher de son illustre homonyme : Randy (Weston) . Des arpèges en boucle modifiés à chaque mesure pour évoquer la ‘rumba’ de l’ouest africain, ou le gnawa marrocain, des accords intempestifs plaqués sur le clavier surchauffé ‘à la’ E.Palmieri qui nous font sauter de joie, de surprise et d’émotion…


Trevor se promène d’une extrême à l’autre, de la scène, du son, du rythme, de l’intensité ! Rien ne le calmera donc jamais, même pas, surtout pas le poids des ans qui semble s’engouffrer dans les tuyaux de cuivre et disparaître sous ses doigts et ses idées agiles qui emplissent tout l’espace ne laissant aucune place aux faiblesses de l’age ! Au contraire : de plus en plus fou, fin, présent !
Un rappel pour calmer la salle qui refuse de leur accorder le repos mérité. encore un peu de rêve, de force, d’utopie et de bonheur partagé entre tous. Un grand moment de communion, de quoi se réconcilier définitivement avec (la perfide) Albion qui nous  a fait  voir bien d’autres… émois !
Thanks Sirs, see you later   ! 

Par Alain Fleche