The Gift

Conny Bauer : Trombone
Matthias Bauer : Contrebasse
Dag Magnus Narvesen : Batterie

Deux frères d’origine tchèque, un norvégien, tous trois résidant à Berlin où est réalisé cet enregistrement live (en 2018). Le frère aîné a développé un style personnel au trombone, basé sur les harmoniques lui permettant de jouer « en accord » , style remarqué par le trompettiste Bill Dixon qui l’a déjà invité pour plusieurs « gigs ». Son frère emploie souvent l’archet dans un registre proche de la voix humaine, se mêlant ainsi formidablement aux glissandi du trombone. Son jeu très libre laisse entendre cependant de solides bases jazz tendance bop. Ce sont deux piliers reconnus de la scène ‘libre’ allemande. Ils invitent ici un batteur tout en finesse, expressif, un coloriste qui joue, quant à lui,  avec le pianiste libertaire Alexander von Schlippenbach.
On sent beaucoup d’intimité et de complicité entre les deux frères qui tournent souvent ensemble, la batterie, sort de l’écueil « pièce rapportée » en apportant de la légèreté, de la couleur, de la fantaisie jusqu’à l’humour, renforçant les tensions crées par le flux quasi constant des deux autres, ou dénouant des instants dramatiques avant qu’ils ne sombrent dans une ambiance trop ténébreuse. Il n’est pas souvent suivi dans ses propositions, pourtant pleines d’originalité. Cette dichotomie apparente pourrait faire craindre un décrochage dans le trio, il n’en est rien, cela crée une tension supplémentaire résolue dans un élargissement d’ambiance où la concentration, lasse d’être confrontée à ces perturbations, profite des espiègleries aériennes mais combatives du batteur qui en sourit de jouer au chat. Cela créant un tableau où les touches de couleurs acidulées exacerbent les zones d’ombres et de lumières, comme sur un pavé mosaïque où le blanc ne vit que par le noir qui le juxtapose. 
La musique est teintée par le contexte. Enregistrée dans une église, l’esprit est sain(t), introspectif, méditatif. Le lyrisme, recueilli, mais jamais emphatique des instruments harmoniques, accepte de bonne grâce ce petit diablotin qui fait rebondir les notes entre les murs sacrés et les oreilles attentives, comme des balles de ping-pong s’évanouissant dans les cieux illuminés des flammes de cierges brûlant pour la mémoire de précurseurs passés et à venir, immortels, d’une musique qui s’invente dans l’instant, disparaissant aussitôt pour faire place à … autre chose. 
Un bien beau cadeau que ce « The Gift » ! 

Nobusiness Records
Par Alain Fleche