Brigitte Buhlmann – Beautiful Love

Brigitte Buhlmann : chant
Noé Macary : piano et arrangements
Sylvain Pourrat : contrebasse
Thomas Chignier : batterie
Laurent Poget : production
Brigitte Buhlmann présente ici son premier disque solo. On la connaît déjà en tant que chanteuse du groupe suisse Dress, plutôt versé dans l’électro pop, voire électro rock, cela depuis plusieurs année déjà, puisque le premier disque du groupe date de 2007, concocté en compagnie de son complice , Laurent Poget, d’origine suisse, musicien et arrangeur expérimenté, qui pour l’heure, produit ce disque.
Pour cet album, changement radical, puisque Brigitte Buhlmann nous offre ici une interprétation très personnelle de dix standards de jazz, des standards en général dans le style swing qui ont été déjà revisités à de très nombreuses reprises, un exemple en étant « Beautiful Love », dont les versions depuis Anita O’Day toute en vibrato, jusqu’à Bill Evans en trio , avec une interprétation très personnelle, des interventions claires et limpides…
Pour l’heure, Brigitte , toute en subtilité, et en douceur, nous présente souvent ces standards en mid tempo binaire, souligné par une rythmique très présente, efficace, mais en laissant la chanteuse eu premier plan. C’est une très belle ouverture pour l’album.
« Night and Day », introduit par de très belles harmonies de Noé Macary , sur un tempo très lent, montant en intensité vers l’ explosion du refrain. Superbe morceau , alliant retenu et intensité.
« What is this thing called love », lui aussi, complètement revisité, que ce soit sur les harmonies où sur la rythmique en 6/8 ; on est bien loin du swing classique, qui , certes a son charme, mais cette réinterprétation est carrément un nouveau morceau où l’on prend conscience du très beau travail d’arrangement de Noé Macary.
« God Bless the Child » est quant à lui méconnaissable, on, est très très loin de la version d’origine de Billie Holiday, ainsi que de la magnifique version de Keith Jarret, mais avec des harmonies très optimistes, le quartet ici présent nous emmène très loin.
« Just Friends », elle aussi, une version très éloignée des versions les plus connues. Brigitte Buhlmann chuchote par moment sur ce morceau ; il en devient très sensuel. La version de Chet Baker nous montrait une ambiance plutôt alerte voir amusée suite à une séparation. Là, l’ambiance est plutôt sombre, et on ressent le mal être de l’amante quittée.
« I loves You Porgy », difficile de ne pas comparer avec la version magique de Nina Simone ; mais le piano pratiquement à l’unisson de la voix de Brigitte, nous donne une version plus ténébreuse du morceau. Une très belle version.
« There is no greater love », là encore, le trio est mis à contribution, sur un tempo rapide, en total décalage avec ce que l’on connaît du morceau d’origine.
« My Funny Valentine », peut être le morceau le moins convaincant de l’album ; on connaît la version de Chet Baker, tout en finesse, mélancolie. Ici, une rythmique obsédante qui vient occuper tout le milieu du morceau. Mais que cherche-t-on dans une revisite, sinon, bousculer les images et les sensations de ce que l’on pense connaître par cœur ?
« Beautiful Love », version à un tempo très lent, sublimé par les interventions du trio. C’est sans doute le morceau qui nous fait dire que c’est presque un disque de quartet, tant le trio est présent.
« Embraceable you » , version quasiment gothique par moment du standard de Georges Gershwin , envoutante, et qui tout à coup retrouve les splendides harmonies du génial Georges. La subtile voix de Brigitte nous emmène sur un final exaltant.
« Alone together, » là aussi, très loin de l’ambiance feutrée de la version de Chet Baker. Une atmosphère ténébreuse nourrie de la voix aux accents sombres de Brigitte Buhlmann.
Brigitte Buhlmann possède un univers vocal très personnel, une voix grave, chaude, embrumée ; elle est pour cet album, très bien supportée par le trio qui l’accompagne.
C’est un disque qui révèle le côté potentiellement sombre de ces standards, en sortant de la rythmique swing traditionnelle, et enrichi par de très beaux arrangements et une rythmique plus actuelle; comme quoi, le binaire peut nous révéler des ambiances jusque là masquées.
Il faut absolument souligner le merveilleux travail réalisé par Noé Macary sur les arrangements, qui ne nous donnent pas de nouvelles versions, mais carrément de nouveaux morceaux, ainsi que la production de Laurent Poget.
Par Pierre-Yves Miroux
Records DK
https://brigittebuhlmann.bandcamp.com/album/beautiful-love