Artisticiel

Comment ? Ce grand agitateur qui passe sa vie à défendre l’Art, les artistes, les Oeuvriers… , fricote avec les machines !? Serait-il en passe de passer à l’ennemi ? Hopopop, pas si vite, molo-molo avec les déductions intempestives… Redéfinissons la machine, son rôle, sa destination, son emploi… car nous savons, depuis que les chinois n’utilisaient la poudre noire que pour réaliser des feux d’artifice, que tout réside dans l’utilisation des nouveautés !


Bernard, et les autres vont très bien nous expliquer tout ça dans un superbe disque-livre concept bilingue. Musique étonnante, textes précis et foisonnants, belles photos d’archive, illustrations craquantes de ce bon vieux habitué de l’équipe d’Uzeste : Martin Lartigue. Tout ça pour un objet très soigné, à ranger (mais pas trop vite) avec les autres opus indispensables de phonofaune. 
Le livre nous livre le mode d’emploi Homme/Machine, en tant que créateur/générateur de sons. Un 1er chapitre décortique chaque extrait musical du disque inclus, permettant de les situer dans le temps et l’espace, avec leur intention et processus.. Puis, quelques lignes de présentation de l’état des/de ces/de ses/de 7  lieux de l’artiste oeuvrier musicien chercheur d’art » (B. Lubat). Vient un article passionnant du grand tromboniste George Lewis. Il travaille la musique sur ordi depuis 1979. Il déclare en 2007 : « Ces machines reconnaissent certaines situations et y répondent… aspects que l’on retrouve dans les pratiques d’interaction improvisées, musicales ou autres. », en 2000, déjà :  » Ce type de travail s’intéresse à la nature même de la musique, aux processus par lesquels les musiciens improvisateurs l’engendrent. ». Il travaille régulièrement à l’IRCAM, avec, entre autres : M.Portal, J.F. Jenny-Clark, D.Humair, J.Léandre, D.Bailey… Assayag et Chemiller… afin de découvrir : comment ces stratégies de communication fonctionnent entre musiciens dans l’improvisation ; quel est le processus d’impro. chez l’être humain ; entre plusieurs improvisateurs ; où sont les sources ; évolutions ; interactions … ??? « 

L’écoute devient un acte d’impro. en apprenant de l’autre en écoutant ce qu’il joue ». Et encore : « La création artistique a tout à voir avec la façon de vivre le monde tous ensemble. ». Enfin : « Il ne s’agit pas seulement de créer une œuvre d’art, mais de se transformer soi-même. ». Voici donc un aperçu philosophique du sujet que le chapitre suivant poursuit avec un échange entre nos 3 protagonistes et le public en 2006. « Il faut sortir de cette gangue d’éducation dans laquelle on est … ». Entre 2, se pose aussi le problème de droits d’auteur, notamment pour la musique improvisée -qui est le chef ?-, vaste sujet. Pourquoi la machine ? (mais après tout, tout instrument, musical et autres sont des machines)  » Je fourni la came et l’ordi. renvoie une altérité de moi. C’est pire que l’être humain qui , lui, est social, s’arrange, doute ; les math. ne font pas de psychologie, cela vous pousse dans des endroits, des audaces, des réflexes non quotidiens. ». Finalement, le Free contenait l’amorce de la problématique : « Quid des fausses notes, du juste ou du faux, les lois de l’harmonie théorique ne font plus l’affaire, la tonalité, il n’y en a plus, ou elles y sont toutes… ». Voici un langage que ne renierait pas O.Coleman ! Chapitres suivants, les 2 ordinatologues se présentent, s’ouvrent, pensent, cherchent et nous apprennent . Arrive le remarquable dossier photos, avant de recommencer, en anglais. Voici pour la théorie, voyons le résultat : 
Bernard Lubat face à 2 logiciels guidés par leur créateur respectif réagissant en inter-action, répondant aux propositions du piano et de la voix par des sons de piano, de cuivres et autres sons synthétisés ou créés. Les 3 acolytes travaillent ensemble depuis nombres d’années, on peut presque traduire par : B.Lubat face à lui-même, avec clins d’œil des comparses informaticiens. Ceux qui se sont déplacés pour les concerts (happening/installation) à Bordeaux (OARA) ou à Uzeste retrouveront la magie, la folie, les mystères, le rêve (démoniaque ?) de l’opération. Peut-être aurait-il fallu aller plus loin et proposer un DVD pour rendre compte du projet global, avec le rôle non négligeable tenu par le troupeau de robots plus délirants les uns que les autres, mis en place et orchestrés comme pour un jeu d’enfants (pas trop sages), ou comme un sujet de réflexion pour grands enfants (farfelus) face à leur propre relation avec la « machine », donc avec eux-même… !? On peut accompagner l’écoute des indications données sur le livret, ou bien juste se laisser embarquer dans ce parcours quelque peu casse-gueule, mais guidé de la poésie engagée, engrangée, en grande jubilation introspective du Maître tous sons (pourquoi tous ces…) de notre iconoclaste oeuvrier majeur , qui n’a pas encore fini de nous surprendre ! 
Vas-y Bernard, continue, on t’aime !

Bernard Lubat : Piano, Voix / Gérard Assayag : ordi (Omax, SoMax) / Marc Chemillier : Ordi (Djazz)

Chez : Phonofaune
Par : Alain Fleche