Jazz contemporain, musique improvisée et musique actuelle
Mercredi 12 juillet

Betty Hovette © photo Alain Pelletier

Mercredi 12 juillet – 18h – village de vacances Cévéo – inauguration du festival

Xibipíío

Betty Hovette, piano
Nicolas Lafourest, guitare électrique

Deux notes, leur écho, le silence, leur distance à la guitare, juste cela pour que le piano s’immisce, deux notes suffisent pour installer l’émotion, un pas à pas menu(s)… Le piano caresse puis pince les notes, dialoguant avec la guitare, la ponctue, s’imposant soudain comme une révolte souterraine, reprenant le chemin d’une mélodie en pointillé, une gymnopédie suspendue. Le guitariste gratte les accords comme un fond obsédant, obsédé par une fragile variation qui inspire le piano. Ne soyons pas dupes, de là naissent des sursauts colériques, et leur lave se soulève. Les  graves du piano sont autant de tremblements de terre, de grondements dont les répliques inspirent la guitare alors agitée. Un tempo, une scansion en émerge, tellurique. Magma grouillant aux coulées épaisses, aux jets superposés.

Les cordes du piano sillent,  rouillent sous les doigts préparés de Betty Hovette, l’autre main garde quelques notes en douceur, comme un paradoxe pendant que la guitare chante à peine ; ils créent tous deux  une musique poétique.

Ils choisissent maintenant  la fragmentation de l’hystérique, logorrhées violentes de chacun qui renonce soudain, s’il fallait s’apaiser… Ils tisseraient bien une toile mais ils savent que les fils cassent ou s’effilochent.

Le piano préparé tressaute, un objet ricoche sur les cordes, impertinent, la pianiste semble vouloir le dépasser ou le faire jouer d’une main ;  les deux mains s’opposent, puis anarchisent  le piano : frappes, glissements, balayages, agressions. De la fureur mais c’est bien autre chose que du bruit. Nicolas Lafourest n’en ménage pas  moins sa guitare qui paraît démanteler poignets et cordes.

Betty absorbe toujours l’atmosphère méditative, planante ET mélodique de Nicolas, ils retournent alors à cette sorte de demi-veille, entre rêve et réalité.

Le rappel commence par une pluie sur galets de jardin japonais, bien sûr quelques rafales perturbent cette apparente sérénité, y a du précipité dans l’eau pure… La tempête furieuse anéantit tout cela. Les moments d’accalmie en deviennent des haïkus.

Florestan Berset, Gerry Hemingway © photo Alain Pelletier

Mercredi 12 juillet – 21h30 – chapiteau 

MingBauSet

Vera Baumann, voix
Florestan Berset, guitare
Gerry Hemingway, batterie

Le trio commence sur la pointe des pieds, mais la voix de Vera Baumann devient incantatoire, et les effets de la guitare de Florestan Berset la prolonge. La batterie de Gerry Hemingway est très épurée, juste tempo, mais il ne faut pas s’y méprendre, c’est une musique d’introspection ; une voix sinueuse, aux onomatopées revendicatrices, aux aigus piquants comme la guitare et la batterie.

La guitare éraille le temps dans un murmure pendant que Gerry griffe sa batterie, sa voix double celle de Vera, qui cherche l’écho ; instabilité, inquiétude du moment, on se croirait  sur un fil prêt à chuter et toucher les cieux, mais Gerry, dans un désir d’équilibre insatisfait, effleure sa batterie, attrapant l’essentiel du son. La voix de Vera devient quémande, comme une parole sans mots, plaintive, racontant l’histoire d’une vie, de sensations, de sentiments moins les phrases, plus absorbante donc ; Gerry Hemingway de plus en plus puissant imprègne sa batterie de sa gestuelle précise et structurée. Tous trois écrasent l’espace, le temps comme on voudrait rayer le sol pour laisser sa trace.

Les onomatopées de Vera sont des ricochets aériens qui pourraient s’évanouir, elles apparaissent et disparaissent ; sont-ce des feux follets alors ?  Elles construisent des trajectoires folles que la batterie illustre avec la même agilité. La guitare est rayée par un archet castrateur, interrupteur, sorte de radio aux fréquences destructrices, quant à la batterie, elle explose, fragmente, déconstruit la musique.

La guitare sur ses aigus lance une petite ritournelle désargentée pendant que l’archet de Gerry scie sa cymbale… Tous deux appellent ainsi la voix pour une lamentation.

La voix de Gerry s’y superpose : phrases américaines susurrées, il fait vibrer sa batterie par son souffle métallique. Chacun des trois annonce avec art des sons, respirations sporadiques, en quête d’un tempo haché, scrutateur, fouilleur, avec une déflagration sourde et progressive pour s’effacer. 

Quand la voix de Véra Baumann  se fait prêtresse, les baguettes de Gerry Hemingway roulent sur la caisse claire puis la balayent, la soulèvent en apesanteur. La guitare de Florestan Berset lévite elle aussi.

Nous sommes aussi suspendus… à eux !

Petits cris de xylophone sur la guitare, les baguettes de Gerry agacent le bord de sa batterie, comme une danse indienne, laissant la voix de Véra prendre son ampleur, y renoncer pour quelques confidences en borborygmes, faire venir l’incantation des bords des poumons, du bord de la gorge. Gerry accentue la transe toujours ferme et d’une précision fascinante, ouvrant à la guitare le champ de l’excitation électrique, accord saturé par accord électrifié. L’accélération désossée de Gerry, utilisant le rebond de ses baguettes pour un écho déformant du tempo jusqu’à abattre sa batterie par coups de mitraillette assoiffée, nous laisse pantois. Tous trois s’engouffrent dans un trou noir dans lequel nous sommes évidemment absorbés, même si, rebondissement final, la voix de Gerry Hemingway traversant une corde métallique invite à pénétrer une forêt obscure et mystérieuse ou bien passer à un état second.

Clémence Pantaignan © photo Alain Pelletier

 

Mercredi 12 juillet – 23h30 – chapiteau

Fiasco

Clémence Pantaignan, voix, guitare
Eric Avondo, guitare
Damien Maurice, synthé modulaire
Jérôme Renault, batterie
Matthieu Tyas, claviers

S’abstenir de boire (en modération). Bon, vous êtes debouts.  Déjà le chapiteau vibre à 100 mètres de l’entrée… Claviers, guitare, batterie, synthé vous invitent à pulser. C’est du second degré au premier degré.
La chanteuse annonce la couleur « je n’aime pas les rassemblements de gens ». Dans nos dents ! Le principe, c’est de se balancer d’un pied sur l’autre. Clémence Pantaignan dénonce les règles. Du binaire irrité. Chaque musicien scande la même énergie, fureur joyeuse, peut-être expurgeuse, ou alors sommes-nous en enfer, ça c’est possible. Prose du rejet, du refus des codes, des systèmes. Apologie de la colère, -lucide?- La chanteuse, sorcière bienfaitrice, poings tendus, à la poitrine libre, nous propose de nous armer de poésie – quand même!- alors ça on cautionne.

Ça pulse, et on ne saurait leur reprocher !

Hugo Collin, Ludovic Schmidt © photo Alain Pelletier

Mercredi 12 juillet – 00h30 – parc Massoure   

Bøl

Romain Choisy, batterie
Hugo Collin, saxophone(s)
Lunel Gabon, basse
Cédric  Laval, guitare
Sylvain Rey, clavier, piano
Ludovic Schmidt, trompette(s)

La trompette sature l’espace longuement, les autres musiciens prennent le tempo dans un balancement pendulaire effréné. C’est une musique crépuscule, remplie de brumes opaques, mais à l’énergie dévorante, un côté chevaliers des temps futurs, seule l’obsession répétitive les amène à la vacuité du temps. Sax et trompette mènent la danse, la pulsion étant assurée par la batterie, la guitare et le clavier. S’y glisse par instants une sorte de fanfare festive, un arrière-goût pas amer de Baraque à Free. L’idée, c’est la secousse, la trépidation, le cœur à 120 pulsations par minute et vous entamez la nuit pour qu’elle ne finisse pas… Transe, scansion, à vous de choisir. En tout cas, c’est festif !

Anne Maurellet, photos Alain Pelletier

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