“Standards, Vol 2”, Yotam Silberstein persiste et swingue

C’est un bonheur de recevoir un album comme celui-ci de Yotam Silberstein qui continue à revisiter les standards du jazz sans ses lunettes de soleil du Vol.1 mais toujours avec un line-up de folie (John Patitucci à la contrebasse, Billy Hart à la batterie et aussi en invité de marque, Georges Coleman, une légende, un albatros du saxophone ténor.

Pourtant Dieu sait que s’il est un projet casse-gueule, c’est de sortir un album de standards. S’attaquer à des standards, c’est se mettre en danger d’entrée de jeu, en danger de comparaison d’une part, en danger de vouloir absolument « mettre sa patte » au risque de dénaturer l’esprit des morceaux, et dans l’oreille du fan, rentrer potentiellement en conflit avec des versions qui font indéfectiblement partie de la B.O. de sa vie.

Au cours de la session de l’enregistrement du premier volume de ces Standards, acclamé à sa sortie et considéré par le magazine américain « DownBeat » comme l’un des meilleurs albums de 2024, les trois compères ont engrangé suffisamment de pépites pour un deuxième album et voici donc pour notre plus grand plaisir de nouvelles explorations ou l’équilibre fragile entre la virtuosité, la fidélité à l’intelligence du morceau, l’apport personnel en termes harmonique et rythmique, et surtout la production ont tout pour réjouir l’oreille.

L’album s’ouvre sur Blue Gardenia de Lester Lee et Bob Russell dont la version de Nat King Cole dans le film noir du même titre est resté intemporelle. Échappant au piège de la comparaison ou de l’hommage, cette ballade se voit revisitée avec un peu plus de tempo.

Just As Though You Were Here de John Benson Brooks est une très belle ballade, une mélodie déhanchée et subtile à la mélancolie délicate.

Quant au célèbre blues Tenor Madness de Sonny Rollins, dont la généalogie remonte au batteur Kenny Clarke, George Coleman y fait sa première apparition ô combien impressionnante, un son unique alliant la puissance à l’expérience du vieux routier, dans la complicité d’un dialogue plein d’allant.

Puis vient Love Thy Neighbour de Harry Revel at Mack Gondon, que Silberstein a découvert grâce à la version de John Coltrane.

Answer Me, My Love de Gerhard Winkler, chanté par toutes les grandes voix, de Bing Crosby à Joni Mitchell est une ballade magnifique et poignante où se révèle toute la subtilité du jeu de Silberstein, comme quoi ce n’est pas la peine d’aligner beaucoup de notes pour créer de la beauté !

La version de Bluesville de Sonny Red apporte une touche énergique et un magnifique solo de batterie de Billy Hart.

Sur la chanson Delilah, de Victor Young, composée pour le film Samson et Dalila (1949), l’artiste alterne entre guitare et oud, un instrument qu’il maîtrise depuis longtemps et qui lui permet d’apporter une note moyen-orientale. Ce métissage est une totale réussite et, j’avoue, mon coup de cœur de l’album, que j’écoute en boucle depuis.

Retour à la six cordes avec Portrait of Jennies fun des titres phares du répertoire de Wes Montgomery, avec un léger vibrato qui nous fait entrer dans l’intimité avec cette guitare de velours.

L’avant-dernier morceau, Wrap Your Troubles in Dreams, de Harry Barris, nous offre un merveilleux chorus de contrebasse et un dialogue à trois qui parle éloquemment de l’amitié musicale.

Standards, Vol. 2 se termine par Girl Next Door, une version aux rôles inversés de la chanson The Boy Next Door de Hugh Martin et Ralph Blaine, restée célèbre dans le film Le Chant du Missouri grâce à la version de Judy Garland. C’est enlevé, léger, avec une discrète mélancolie pudique en fond de partition, nourrie par le tempo à trois temps.

Que dire, pour conclure, du son de Yotam Silberstein, sinon que chez lui la virtuosité reste toujours discrète même si elle est immense et elle sait toujours s’effacer devant l’élégance du swing et la générosité du partage. Ce deuxième chapitre de Standards est aussi passionnant que le premier. Les compagnons de route d’exception du guitariste offrent un écrin de velours impeccable aux rivières de cristal qui coulent de sa Strat Valle*.

Yotam Silberstein signe ici un album sensible et inspiré, qui ravira les amoureux de belle guitare et tous les amateurs d’élégance et de subtilité.

Par Pops White

https://www.jojorecords.com/

*Yotam Silberstein joue sur les modèle Stratocaster de son ami Pablo Valle – Valle guitars https://valleguitars.com

Ses guitares acoustiques viennent d’un luthier japonais – Ryosuke Kobayashi
https://blog.kobayashiguitars.com