The Hookup – Twenties

Géraldine Laurent : Saxophone alto
Noé Huchard : Piano
François Moutin : Contrebasse
Louis Moutin : Batterie
Certaines rencontres sont propices à créer des connexions fabuleuses entre musiciens et entre époques : La toute nouvelle formation The Hookup est née de la volonté de quatre artistes de jeter un pont entre le jazz des années 1920 et celui de 2020. Tous sont des compositeurs aguerris mais soucieux de donner un nouveau lustre à des morceaux patinés par le temps.
Faisons les présentations de ce quartet qui publie son premier opus, Twenties.
La saxophoniste Géraldine Laurent a été récompensée à de nombreuses reprises et a marqué durablement les esprits avec son album Cooking. Elle nourrit une curiosité insatiable pour les grands standards sur lesquels elle appose des arrangements qui allient tradition et modernité, ses improvisations audacieuses et flamboyantes sont empreintes de l’influence de John Coltrane, Wayne Shorter ou encore Eric Dolphy.
Lauréats du prix Django-Reinhardt en 2005 et forts d’une carrière internationale qui les a amenés à jouer avec les plus grands tels Martial Solal, Roy Haynes, David Libman, Tigran Hamasyan…, François et Louis Moutin, respectivement contrebassiste et batteur, se sont illustrés plus récemment dans le trio M.O.M aux côtés du saxophoniste Jowee Omicil.
Les jumeaux forment une section rythmique jubilatoire au sein de laquelle s’épanouissent leur créativité et leur générosité, leur parfaite osmose a irradié les innombrables concerts qu’ils ont donnés en Europe et aux États Unis.
Une belle complicité artistique les unit depuis longtemps à Géraldine Laurent et leur rencontre avec le jeune prodige Noé Huchard peut s’apparenter à un coup de foudre artistique qui leur a donné envie de magnifier les grands classiques.
Titulaire lui aussi de plusieurs prix prestigieux, le jeune pianiste a eu comme professeur Pierre de Bethmann, a déjà joué avec Ricardo Del Fra, Eric Le Lann, Kurt Rosenwinkel et publié un premier album Song For alors qu’il n’avait que 20 ans. Il apporte beaucoup de profondeur à ses interprétations grâce à un toucher parfaitement maitrisé.
Voici donc un projet intergénérationnel où l’expérience s’enrichit de la pétulance d’un jeune talent.
Sans leader revendiqué, le quartet a choisi d’ouvrir un espace de dialogue en remodelant des morceaux emblématiques qui résonnent comme un Best of de la décennie 1920.
Twenties, enregistré durant l’été 2024, propose une nouvelle lecture de quatorze standards de jazz où l’on retrouve de grands noms tels Fats Waller, George Gershwin, Ray Anderson, Duke Ellington….
Le projet revendique l’exploration libre mais respectueuse d’un matériau souple, propice à des arrangements riches des apports d’un siècle qui a vu le jazz bouleversé par des révolutions stylistiques. The Hookup n’hésite pas à prendre des risques pour célébrer avec éclat la liberté, la créativité et l’improvisation. Avec sensibilité et énergie, le quartet transcende des incontournables en donnant toute sa splendeur à l’interplay.
Parcourons quelques titres dans lesquels émulation et exploration sonore s’attachent à souligner toute la modernité de ces standards.
Composé par Duke Ellington dans sa jeunesse, East St.Louis Toodle-Oo offre un espace de liberté aux frères Moutin : lancé par François, Louis s’emploie à libérer un chorus à la saveur africaine.
Géraldine Laurent s’est amusée à arranger Tea for Two de Vincent Youmas : sur tempo rapide, les quatre complices revisitent un thème devenu iconique avec un piano qui s’emballe, entrainant saxophone et rythmique dans son sillage.
La sensualité feutrée de la ballade The man I love des frères Gershwin bruisse élégamment sous les doigts de la saxophoniste et de Noé Huchard. Cette mélodie, basée sur la répétition d’un motif simple, sublime une chanson marquée à jamais par l’interprétation de Billie Holiday.
Sur le très malléable Blue skies d’Irving Berlin, Géraldine Laurent délivre un discours inventif et véloce, inspiré du courant hard bop.
Quant à la section rythmique, toujours surprenante, elle déploie toute sa finesse sur le romantique Softly As in A Morning Sunrise de Sigmund Romberg.
Enregistré pour la première fois en 1925 sur un rythme de fox-trot, Manhattan de Richard Rodgers est transformé par la vivacité enjouée du saxophone alto et l’allure primesautière imprimée par Noé Huchard.
L’incontournable Bye Bye Blackbird de Ray Henderson a fait l’objet de nombreuses reprises, on se souvient notamment de celle de Miles Davis, toute en nuances dans l’album Round about midnight. Ici, l’oiseau prend son envol grâce aux improvisations concoctées avec fantaisie et humour par les frères Moutin, seuls aux commandes.
Enfin, Noé Huchard nous émeut par le romantisme et la délicatesse de son phrasé sur Someone To Watch Over Me, composé par les frères Gershwin et magnifié en son temps par la pureté vocale d’Ella Fitzgerald.
Twenties, on l’aura compris, n’est pas le reflet nostalgique d’une époque révolue mais, grâce à l’audace créative de The Hookup, est bien ancré dans l’esthétisme du 21ème siècle.
Par Christine Moreau
Label: Jazz Eleven. Album sorti le 28 février 2025.
Concerts à venir :
27 Juin: Niort Jazz Festival
05 Juillet: TSF Jazz Chantilly Festival