« (Liberté, liberté chérie) je suis sur des braises en attendant ton retour »


Musique : Sébastien Texier & Christophe Marguet 4tet :  
« We celebrate freedom fighters ! »
Poèmes : Dominique Sampiero
Dessins : Sylvie Serprix

Mariage de sons, textes et graphismes pour réjouir les oreilles, les yeux et l’esprit. Superbe œuvre conceptuelle dédiée à Samuel Paty, en forme d’hommage à quelques-uns qui se sont battus pour une cause qui leur semblait belle et juste : la Liberté ! 
Est-ce donc un « oeuvrage » politique ? Répondons par la voie négative : qu’est-ce qui n’est politique ? Tout ce qui est remise en question du quotidien, des lois, des dogmes, des obligations et interdits Est Politique ! Politique la naissance du Be-Bop par des musiciens qui n’en peuvent mais de jouer les amuseurs, animateurs de foires et de dancings, ils réclament de jouer une musique qui s’écoute, leur musique ! Politique le Free qui s’échappe des carcans figés de la bienséante Théorie Musicale et des règles stagnantes du jazzàpapa ! Politique la musique improvisée qui refuse même la conception d’un thème fédérateur ! Bien nombreux ceux qui furent, et sont les défricheurs de terres inconnues où la main accaparante et égotique de l’homme n’a encore posé le pied que l’establishment à tôt fait de qualifier d’explorateur. A commencer, pour la musique qui nous interesse aujourd’hui, par les bluesmen luttant contre l’esclavage, jusqu’aux travaux de Marc Ribot « resistance », ou bien Hasse Poulsen « world of Freedom », aussi C.Haden qui convoquait son « Music Liberation Orchestra » lorsque la situation politique de son pays l’exigeait ! Et tant d’autres, plus proches de nous : Bruno Tocanne, Bernard Lubat… , sans citer Brassens ou Ferré, qui n’ont jamais pu se résigner à rester dans les clous qui paraissaient immuables avant eux. La liste est longue de ceux qui ont su profiter de leur audience avertie pour transmettre un peu de folie, leur montrer que la liberté est rare, chère, exigeante… mais aussi un des moteurs principaux de la vie ! Surtout ne vous demandez pas : quid de la musique d’ascenseur (sauf pour l’échafaud) du rayon boucherie ou des clowns télévisuels ? Bref de variété. Plus proche des jeux du cirque ou de la loterie que motivée par la création et/ou l’urgence d’un vécu cohérent et sa nécessité de partage. Musique à paillettes, sirupeuse à faire dégueuler des tonnes de convenances, Berceuse pour que surtout rien ne bouge pendant encore 10.000 ans. L’Art est un cri, une clameur pour bousculer les batisses cubiques sans porte ni fenêtre. L’Art est politique ! Choisis ton camp Camarade ! Ceux-là ont fait le choix, chapeau bas.
Nous ne reviendrons pas ici sur la très belle musique, jouée par de bons musiciens très inspirés sur cet opus, fort bien décortiquée par notre amie Martine Omiécinski dans ces colonnes. Abordons plutôt l’objet et ses autres composants. Livre, donc textes : Dominique Sampiero est poète, romancier, scénariste, vidéaste, touche à tout passionné qui écrit comme il respire, comme il chante, comme il vit. Travaille beaucoup pour les enfants, à moduler, rectifier ce qu’on a mis dans leur cervelle toute neuve sans rien leur demander. Les textes accompagnent (dépassent ?) les titres musicaux et leur sujet. Fidèles à l’esprit du son, ce sont des poèmes à (se) chanter, à s’enchanter. La mélodie trotte le long des mots, des mots forts, justes et indispensables pour connaitre et reconnaitre ceux qui se sont tus, toujours vivant d’avoir tant combattu contre l’ignorance et la cupidité stupide. Ces mots sont des formules magiques qui dressent à nouveau ces fantômes magnifiques en remparts devant la bêtise crasse des « autres », qui n’ont pas oublié de nous léguer les scories sombres de leur éducation stéréotypée et mondialisante dénudée d’humanisme. Oui, Dominique nous apprend à nous battre contre nous-même avant tout ! 
Sylvie Serprix apparaît souvent dans la presse pour illustrer l’actualité. Elle travaille aussi souvent pour la jeunesse. Dessin plutôt naïf, sobre, des à-plat colorés, peu de détails, direct à l’essentiel où tout y est : on se le prend bille en tête. Panneaux sur la route de nos pensées, indication de direction pour esprit indécis, visualisation d’images non verbalisées de nos réflexions en cours de composition. En revers de chaque dessin, un graph, une lettre, une partie du nom évoqué, ou pas, juste une illustration brêve, et choc. Souvent sombre sur sombre, ça dépasse, ça déborde, ça dégueule sur la page d’à coté, sur le bien-pensant de notre esprit en doute. Regardez, regardez bien, regardez mieux, c’est à nous que ça parle, reconnaissons-le, reconnaissons-nous, reconnaissons nos faiblesses, nos lâchetés, nos procrastinations qui nous empêchent d’être présent, ici et maintenant pour hurler enfin notre désespoir de la Liberté enfuie. 
Un rayon d’espoir, une lueur de compassion, un soleil de lutte à partager. De quoi rassembler tout ce qui est épars pour avancer ensemble sur le bon chemin du bon sens et de l’amour. Tout ce qui nous manque en cette triste période qui nous fait croire au déclin de la vie, brûlant vif dans les flammes infernales, en attendant d’avoir rattrapé la Liberté d’Être !
Reste à remercier et féliciter la courageuse maison d’édition pour les risques, le bon goût et la qualité rare de cet ouvrage… dont on ne sait encore si on va le ranger avec les disques (pas un format facile) ou les bouquins !? en tous cas, il sera, ici ou là, en très bonne place !

Chez Phonofaune
Par Alain Fleche