Samy Thiébault – In Waves

Line up : Cynthia Abraham lead vocal, Armelle Cippe lead vocal et chœurs, Marie Sylvie Benoit chœurs, Huguette Alaïs chœurs, François Ladrezeau lead vocal, Andy Jean François tambour ka, Somsouda Thepsouvanh khen, Khamsouan Vongthongkham vot, Marine Thibault flûtes, claviers, séquenceurs, créations sonores et chœurs, Léonardo Montana piano et chœurs, Damien Varaillon contrebasse et chœurs, Arnaud Dolmen batterie, tambour ka et chœurs, Samy Thiébault saxophone ténor, flûte alto, compositions, créations sonores et chœurs.

Avec son dixième album, Samy Thiébault continue à creuser son sillon dans une exploration polyphonique des musiques du monde. Globe-trotteur infatigable et curieux, son œuvre s’envisage comme un carnet de voyage qu’il nous invite à feuilleter avec lui. Après une trilogie remarquée composée de Caribbean Stories, Symphonic Tales et Awé qui mettait en lumière les musiques caribéennes, indiennes et orchestrales, le saxophoniste élargit le champ des possibles avec ce bel opus. Depuis ses débuts, Samy Thiébault porte en lui le désir d’abolir les frontières en écrivant des morceaux qui sont le fruit de ses expériences humaines et artistiques. Pour réaliser ce nouveau projet, Il a parcouru les sept mers afin de réconcilier deux passions : le jazz qui l’a happé en découvrant John Coltrane et le surf qu’il avait délaissé mais qu’il pratiquait plus jeune. Il nous embarque dans une aventure universelle qui s’inscrit dans un jazz coloré où les notes scintillent des bruissements de l’eau. In waves invente un langage océanique dont l’acmé s’épanouit dans des mélodies simples mais puissamment évocatrices incarnées par de magnifiques musiciens. Au vu du line up, on réalise que les rencontres ont été fructueuses :  nombre d’artistes à l’imaginaire pétri de musiques ancestrales sont venus enrichir de leur singularité cet ouvrage collectif enregistré en France (métropole et Cayenne) mais également au Laos et aux îles Fidji.

Au cœur du projet, on retrouve l’inventif pianiste d’origine brésilienne Léonardo Montana au jeu lyrique d’une grande finesse, la section rythmique associe l’excellent batteur guadeloupéen Arnaud Dolmen au non moins valeureux contrebassiste Damien Varaillon. Leur complicité à la puissance maîtrisée se révèle harmonieuse et subtile pour naviguer en maintenant le cap. Quant au leader, au ténor ou à la flûte, il ne cherche pas à prendre la lumière mais délivre un son unique, une voix intense empreinte de spiritualité. Chaque morceau trouve un point d’ancrage dans l’eau, raconte une soif de liberté, des rencontres qui comptent. Ce voyage initiatique et introspectif amène naturellement à la prochaine destination, les 12 titres s’enchainent avec une belle fluidité.

Pour la première fois, Samy Thiébault, épaulé par son amie Marine Thibault aux séquenceurs, a utilisé la technologie pour enregistrer le bruit des vagues, du clapotis, des cérémonies traditionnelles entre Pacifique et Atlantique afin de les transformer dans un sampler.  Ses captations sonores étoffent les mélodies et reflètent ses échanges avec « les peuples de l’eau », fragilisés par le dérèglement climatique et la montée des eaux. La pratique du surf devient un art méditatif, une philosophie de vie, un acte politique porté avec force et sérénité dans Horizons et Devenirs.

In waves, titre éponyme de l’album composé entre Cayenne et les îles Fidji met en musique le roman graphique d’AJ Dungo. Ici, la légèreté du ténor rivalise avec la puissance des chœurs qui scandent pour souligner la souffrance du deuil et la grâce du tragique. L’humaniste réalise son rêve de partage, de liberté et d’harmonie en unissant chants polynésiens et guadeloupéens. Des rythmes dansants relatent cette même fascination pour les mystères et les richesses que recèlent les profondeurs sacrées de l’océan autour duquel tout s’articule.

Inspiré par un air traditionnel laotien, le fascinant Theuykhong, écrit en hommage à Pharoah Sanders raconte la fête du fleuve. Au Laos, il n’y a pas d’océan, juste les flots sinueux du Mékong brunâtre au centre de la vie et nous découvrons et écoutons, captivés, le khen, ce fabuleux orgue à bouche formé de sept roseaux comme les sept dieux protecteurs du fleuve qui transcende le thème de sa gravité.

Avec In waters, la vague monte et scintille brillamment sous les baguettes d’Arnaud Dolmen avant de nous entraîner dans la mélancolique Chanson d’Arnaud où la légèreté de la flûte se mêle à l’élégance du piano. Ce morceau superbe meurt doucement comme le ressac qui vient lécher la plage. Plus loin, l’orient s’invite avec In désert pour nous faire émerger à Dakhla. C’est un retour aux racines, une évocation du Maroc de la mère de Samy Thiébault.

Nous arrivons presque au terme du voyage avec Au bout du vent : toujours beaucoup de légèreté, de la poésie et une belle démonstration de finesse dans le dialogue fécond qui s’installe entre contrebasse piano et batterie.

En metteur en scène toujours bien entouré, Samy Thiébault a soigné la présentation graphique et les compositions de ce magnifique album, sans doute le plus personnel. Il a signé une pépite musicale en écho à son approche généreuse et sensible de l’altérité.

Liste des titres :

In waves

Devenirs

Rituals

Horizons

Vat Sisakhet

Theuykhong

In waters

La chanson d’Arnaud

In désert

Dakhla

Au bout du vent

Chrones

Par Christine Moreau

Gaya Music Production/L’autre distribution.

Sortie prévue le 11 Octobre 2024.

https://samythiebault.bandcamp.com/track/in-waves