Olga Amelchenko – Howling Silence

Olga Amelchenko: Saxophone alto
Enzo Carniel: Piano
Etienne Renard : Contrebasse
Jesus Vega : Batterie
Matthew Stevens : Guitare
Au fil des projets, la saxophoniste Olga Amelchenko est devenue une figure incontournable de la scène jazz contemporaine. Elle a tout d’abord suivi une formation classique entre chant et piano avant de découvrir à 15 ans le jazz. Elle a écouté et réécouté 3 albums qui ont changé sa vie : Kind of Blue de Miles Davis et deux autres composés respectivement par Pat Metheny et Michael Brecker. Elle pressent alors qu’elle pourra s’exprimer à travers cette musique aux reliefs infinis et se passionne pour le saxophone qui amplifie la voix, puisque c’est un « instrument qui donne du volume et aide à la souplesse de l’expression ».
Elle a quitté sa Sibérie natale pour étudier la musique en Allemagne. C’est justement à Berlin qu’elle a formé en 2015 son quartet avec Jesus Véga à la batterie, Igor Spallati à la contrebasse et Igor Osypov à la guitare. Olga a ensuite gagné Paris où elle est à la tête du quintet Hélicon depuis 2019 avec Charlotte Wassy au chant, Enzo Carniel au piano, Viktor Nyberg à la contrebasse et Nicolas Charlier à la batterie.
Travailleuse infatigable et passionnée, elle est très active au sein des Paris Jazz Sessions, on a également pu la voir récemment en tant que sidewoman aux côtés du saxophoniste Musina Ebobissé ou dans le Big Band Orchid. En plus d’être une excellente interprète, c’est une compositrice remarquable qui a déjà publié trois albums, Shaping Motions (2018), Live at Loft (2020) et Slaying the dream. (2023).
On retrouve sur ce nouveau projet un quartet de haut vol avec le pianiste Enzo Carniel, le contrebassiste Etienne Renard, le batteur Jesus Vega et le guitariste canadien Matthew Stevens. Avec ce titre déroutant Howling Silence qui sonne comme un oxymore, Olga ne déclenche aucun orage retentissant mais explore au contraire « l’espace entre le désir de s’exprimer et le poids du silence ». Ce cri voire cette révolte qui vient du plus profond s’incarne dans des pièces très charpentées, dans des développements harmonieux où la douceur le dispute au désenchantement. Le propos s’inscrit dans une esthétique sobre et sensible à la recherche du son qui peut le mieux exprimer les émotions qui la tourmentent devant un monde qui va mal. Chaque titre constitue un chapitre du récit qu’écrit Olga, son parcours lui a fait découvrir plusieurs cultures et l’interroge sur son sentiment d’appartenance.
Elle confiait dans l’une de ses interviews attendre des musiciens qui l’accompagnent de l’écoute pour créer de l’interaction. C’est parfaitement réussi : Dès le premier morceau, Howling Silence, le timbre feutré de l’alto sculpte une mélodie toute en tension qui sera la signature sonore de l’album. On est subjugués par la puissance de l’écriture et de la retenue dans le jeu. La connexion entre interprètes qui s’élèvent à la hauteur de superbes compositions est saisissante tout au long d’un opus gorgé de mélodies façonnées avec rigueur et sincérité. Dans le sillage de Joe Henderson, la saxophoniste déploie une technique sans artifices, à la recherche d’un son caressant et puissant à la fois. On retiendra le discours douloureux du saxophone alto sur Irreversible, les nappes aériennes déployées par Matthew Stevens à la guitare sur le lumineux April, la sensualité de la balade Midnight Dances et sur l’ensemble des compositions le jeu velouté, sachant ménager des silences, tout en délicatesse nuancée de l’incontournable Enzo Carniel au piano. La section rythmique n’est pas en reste, toujours impeccable, jamais démonstrative mais soucieuse d’imprimer un phrasé juste pour suggérer l’inquiétude qui perce sous la douceur dans May Have Forgotten its Way notamment. L’album se conclut sur Walking Shadows qui brosse un paysage onirique sur tempo lent.
Olga Amelchenko écrit une musique expressive, porteuse de sens qui n’a pas besoin de hausser le ton pour imprimer des émotions fortes.
En état de grâce, sa voix subtile jaillit sans artifices au creux des paysages sonores élégants dessinés par ses amis.
Par Christine Moreau
Label: Edition Records
Album paru le 11 Juillet 2025
https://olgaamelchenko.bandcamp.com/track/howling-silence
https://www.olga-amelchenko.com/