Michel Fernandez Quintet – Live au Hot Club de Lyon

5 étoiles
Michel Fernandez : Saxophones Soprano et Ténor, compositions
Julien Chignier : Saxophones Alto, Baryton
Benoit Thevenot : Piano
François Gallix : Contrebasse, composition
Nicolas Serret : Batterie, composition
Michel Fernandez fait partie de ces musiciens qui marquent les auditeurs tant l’intensité et l’urgence dans son jeu sont présents, j’ai déjà eu le plaisir d’écouter et de chroniquer ses deux précédents albums : « Sans Frontière » et « Global Warning », inutile de vous dire que sur ce Live, l’énergie est encore décuplée !
Le quartet de base existant depuis 2016 est composé de musiciens s’étant frotté allègrement au « free jazz » dans les années 60/70. Michel a joué avec Fela Kuti, John Tchicai (Compagnon de scène de Coltrane) et Pharoah Sanders. John Coltrane et Archie Shepp sont aussi ses modèles. Outre les apports du hard bop, Michel, qui a bourlingué dans toute l’Afrique et dans les Caraïbes, ayant lui-même des racines andalouses, s’est inspiré de tous ces apports musicaux dans ses compositions.
Déjà présent en invité sur le précédent album, le cinquième larron, plus jeune est le brillant saxophoniste alto et baryton : Julien Chignier.
C’est donc ce quintet de feu qui a investi la scène du Hot Club de Lyon pour un concert dont Ludwig Laisné, le maitre des lieux, a fait une captation en vue de cet album.
Il est composé de 8 morceaux dont : 5 de Michel Fernandez, 1 de Nicolas Serret le batteur et 1 du contrebassiste François Gallix.
Mes morceaux préférés :
« La forêt de Bougarabou » un air traditionnel arrangé par Michel Fernandez : Nous plonge au cœur de la Casamance ou de la Gambie (Le bougarabou étant un instrument de musique traditionnel du peuple Diola, un ensemble de 3 ou 4 tambours avec différentes tonalités, faits dans des futs de bois évidés) avec fougue et folie collective – Ces Lyonnais m’évoquent avec plaisir un autre groupe ce cette ville, il y a quelques années : Le Workshop de Lyon où excellait le clarinettiste Louis Sclavis, même créativité débridée !!! – Un premier morceau incandescent où les 2 saxos « délirent » allègrement sur une rythmique « carrée » : jubilatoire !
« Archie » de François Gallix : Il fallait oser, ils l’ont fait : plus de 4 minutes d’une entame à la contrebasse de François en solo ! C’est serein et intense à la fois, puis viennent quelques envolées de soprano dans la veine « Sheppienne » comme le dialogue qui suit Soprano/Alto superbe par Michel et Julien (Shepp jouait aussi du soprano, j’ai le souvenir d’un soir d’été il y a un certain nombre d’années où mon job de l’époque m’amenait à dormir à l’hôtel dans une ville du Sud-Ouest, des notes vrillées au soprano sur un balcon proche me coupent le souffle, j’écoute avec passion ce « concert » inouï puis à la fin, la curiosité l’emporte, je fonce à la réception pour savoir qui jouait, c’était bien lui : Archie ! Quel souvenir ! Une de mes idoles !)
« Global Warning » titre phare du précédent album de Michel : ça pulse fort dès l’entame Baryton/Ténor très complémentaires sur une rythmique hachée puis Benoit au piano, tout en finesse et sensualité, déroule de beaux phrasés, le rythme s’enflamme de plus en plus vers un groove infernal où le trio de base excelle, batterie et basse se coulant dans les interstices laissés par le piano improvisant vivement, le ténor revient en forme et en force
(« John/Pharoah » sort de ce corps !) épaulé par un baryton incisif. Quelle version !
« Chromatisme cranien » de Nicolas Serret : Longue ouverture de Nicolas à la batterie, plus créative que démonstrative comme j’aime ! Puis les saxos vibrionnent en chœur d’abord puis en solo sur une basse sobre et limpide, le soprano de Michel fuse dans les aigus sur cette musique itérative entre transe et blues où le free jazz aurait laissé des empreintes !
« For Ludwig » de Michel : Jolie sérénade solo au ténor en hommage au directeur du Hot Club de Lyon avec des modulations intuitives, variées et inventives.
« Xongly » du guitariste danois Pierre Dörge) : Transe intense où jaillissent comme de vives incantations les vrilles des 2 saxos, le piano énergique reprend la mélodie sur une rythmique serrée, itérative, quel groove puissant du trio ! Puis tous en osmose parfaite (façon Liberation Music Orchestra ?)
« High Life » de Michel (sur l’album « Mélange de Rage » : Après une longue intro où les saxos proposent un dialogue/joute frénétique (où j’entends Sonny Rollins ?), tous partent dans un joyeux et chaleureux calypso qui déhanche grave ! Puis le piano ondule, la batterie enchaine un solo ravageur, le collectif reprend au taquet façon fanfare : Jouissif !
Bref, un Live brillant, énergique, détonant que les instigateurs de festivals ou concerts devraient programmer dans notre belle région, que chacun devrait avoir dans sa discothèque pour les soirées où on a besoin d’un remontant musical ou d’un condensé de l’histoire du jazz et de ses apports américains et afro-caribéens des 60 dernières années !
Label Atypeek sortie le 28 Mars 2025
Chronique de Martine Omiécinski
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