La Caravelle de MarcheprimeVendredi 25 novembre 2022

La Caravelle de Marcheprime a mis le cap au sud. Partis de Camargue en direction de l’Andalousie, le capitaine Winsberg et son équipage y proposent un voyage musical et visuel.

20 ans déjà, 20 ans, le bel âge aussi. En 2001, à la sortie du premier album de ce qui deviendra un triptyque sonore original, Louis Winsberg, le guitariste du mythique groupe Sixun, avait créé un nouveau style. Fusion de flamenco et de jazz, Jaleo est un kaléidoscope de styles affectionnés par Winsberg, chercheur de sons à l’insatiable curiosité.

Auparavant, « La danse du vente », puis « Marseille » et « Gipsy eyes » (Avec Antonio El Titi et Rocky Gresset) avaient définitivement montré le gout de Louis pour ces musiques traditionnelles méditerranéennes, empreintes d’âmes et d’histoire(s).

Le second opus « Le bal des suds » et plus encore le 3ème « For Paco » (hommage au maître Paco de Lucia décédé au même moment que l’enregistrement), prolongent le voyage au fil des rives et des notes indiennes et nord-africaines.

Les spectateurs installés en mode cabaret autour de tables rondes auront eu la chance de découvrir la magie, l’alchimie, le talent pur du sextet et d’être enthousiasmés, transportés, chavirés.

Line up :

Louis Winsberg : guitares

Cédric Baud : guitares, saz, sitar, mandoline

Sabrina Romero : chant, danse, percussions

Alberto Garcia : guitare, chant

Edouard Coquart : percussions

Après une longue intro à la guitare, les voix de Sabrina et Alberto entrent sur le tempo du cajon et un ruissellement de notes toujours finement choisies. Le concert débute par ce beau contraste formé par les voix et les cordes frottées. Les autres instruments entrent peu à peu, percussions, saz, mandoline.

Le set se poursuit avec « For Paco », titre éponyme du 3ème Jaleo. L’émotion dans la voix de Sabrina Romero, l’énergie dans le chorus de Louis, l’harmonie du groupe donnent à ce titre une dimension toute différente de sa version studio.

Comme l’explique Louis « Jaleo » est un projet multiforme, intégrant les peintures de ses parents dans les illustrations des pochettes et portant évidemment l’ADN du sud.

« Sentimiento », plus épuré permet de déguster la précision du jeu, de la voix de la chanteuse et des percussions.

Lorsqu’elle quitte le cajon dont elle joue, Sabrina Romero déploie son talent de danseuse flamenca, avec la même intensité que lorsqu’elle chante. Habitée, envoutée peut-être, loin des clichés folkloriques, son geste est puissant, précis, le rythme entêtant, sa force épousant la douceur de sa féminité. La salle est sous le charme tant par l’esthétique que par la performance technique et rythmique. La fusion est totale avec les instruments.

Le duo de saz sur le titre « Libertad », entre Louis et Cédric Baud est l’occasion d’écouter la pureté des instruments du luthier franc-comtois Loïc Prudent. Leurs instruments, pièces uniques divinement sublimées par le jeu inspiré, participent eux aussi largement à l’expérience acoustique. Leur son inspire à Louis Winsberg des mélodies, des rythmes, comme s’ils contenaient une part du secret du processus créatif. « Salsita », petite salsa jouée elle aussi en duo (à la mandoline) est peut-être le résumé de Jaleo, une petite sauce, d’une incomparable saveur, unissant tous les sucs des musiques classique et traditionnelle arabo-andalouse, subtilement épicée de notes orientales et servie pour se régaler d’un mets jusque-là jamais dégusté.

Les adjectifs me manquent pour qualifier la beauté, l’élégance, la délicatesse, l’esthétique subtile et accessible à la fois de ce qui a été proposé ce soir par Louis Winsberg et ses musiciens. Le charme, l’énergie, la présence de Sabrina Romero, forment un alliage parfait avec la musicalité et le génie créatif de ce compositeur esthète et humble à la fois. En musique, et paradoxalement plus encore dans le jazz, il ne suffit pas d’être un virtuose capable d’exploits techniques, mais il faut d’abord toucher l’âme de celui qui écoute. L’osmose de Jaleo, réunit tout ce qui me plait dans cette musique, la phrase mélodique ciselée, les harmonies étonnantes, l’énergie et la spontanéité, l’audace des métissages culturels, stylistiques, instrumentaux et surtout la volonté de partager du plaisir, en toute simplicité. Le « jazz », cet univers de liberté est assurément en pleine expansion avec un artiste tel que Louis Winsberg.

Certes, je ne suis pas objectif. Amoureux de Sixun depuis les années 90, j’ai à plusieurs reprises pris beaucoup de plaisir à écouter Louis et ses acolytes (Jean-Pierre Como, Alain Debiossat, Paco Sery, Michel ALibo…) dans leurs projets respectifs, mais je crois ne jamais avoir entendu et vu un concert passer aussi vite que celui-ci, tant le temps m’est apparu suspendu. Je ne sais même plus si c’était un rêve ou la divine réalité.

L’édition du coffret « Jaleo familia » avec les 3 CD Jaleo version studio et le DVD du film « MUSICA!, plus un song book de 10 titres de Jaleo, avec un très beau livret signé Max Robin, vous permettra de découvrir le projet ou d’approfondir votre propre univers et de vérifier à quel point vous auriez du venir applaudir Jaleo 20 ans à Marcheprime.

Set list :

  1. Podemos
  2. For Paco
  3. Sentimiento
  4. Libertad
  5. Bulerhimalaya
  6. Salsita
  7. Que mas
  8. Viva Jerez (boleria)
  9. Rappel : Medley « Jaleo »

Images de Solange Lemoine et texte signé Vince

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