Lars Danielsson-Verneri Pohjola-John Parricelli – Trio

Sorti en novembre 2024, TRIO est le deuxième opus de la collaboration entre le label berlinois ACT et le Château Palmer, situé à Cantenac au cœur du médoc girondin. Il fait suite à DUO, paru en février 2024, qui scellait la rencontre entre les pianistes Michael Wollny et Joachim Kuhn.
Pour ce TRIO, le bassiste et violoncelliste danois Lars Danielsson que tous les amateurs de jazz nordique connaissent bien s’est entouré de John Parricelli (Royaume-Uni) à la guitare et de Verneri Pohjola (Finlande) à la trompette. Un assemblage atypique qui suscite notre curiosité, et nous ne sommes pas déçus, loin de là.
L’enregistrement s’est déroulé en juin 2024 dans un salon du Château Palmer, dans les conditions du direct. Lars Danielsson a laissé toute liberté au sein des thèmes proposés à ses acolytes du moment, privilégiant l’expression d’une cohésion propre à exprimer pleinement l’esprit jazz, ainsi centré sur les mélodies. L’acoustique de la pièce, tempérée par les boiseries et rideaux ainsi la taille réduite du « studio » apportent cette ambiance intimiste, cette proximité avec les instruments qui évoque la musique de chambre. A l’écoute nous percevons aisément cette proximité avec les musiciens, la place de chacun, guitare sur notre gauche, trompette à droite, présence de la contrebasse de Lars Danielsson. Douze morceaux au format chanson autour de trois minutes, un format délibérément choisi en vue d’exprimer pleinement le jeu collectif autour d’un choix de thèmes, compositions avec trois reprises, notamment le superbe « La chanson d’Hélène » de Philippe Sarde et « Mood indigo » en hommage à Duke Ellington.
L’ouverture de l’album avec une composition de Lars Danielsson « Le calme au Château » pose le cadre de cette belle prestation : un jeu complice apaisé entre les instruments, une maîtrise expressive empreinte de sérénité. Ici pas de solos démonstratifs mais une cohésion harmonique ou chacun contribue à la ligne mélodique dans une écoute mutuelle. Nous ressentons l’atmosphère du lieu, oasis de calme entre les murs de pierre, le monde extérieur tenu à distance. Les notes précises de la guitare soutenue par la contrebasse en retenue appellent l’entrée en scène d’une voix, et celle-ci est tenue ici par la trompette au délicieux ton de velours, toute en nuances.
« Catusella », une splendide ballade, bel équilibre des cordes en soutien du cuivre tout à la mélodie avec un final en suspension.
« Morgonpsalm », sublime ligne mélodique introduite par la contrebasse, toute en retenue, secondée par la guitare en accompagnement, qui préparent l’entrée en scène du son feutré du cuivre dans un tempo lentement suspendu comme hors du temps qui nous offre la perception rare de la texture des cordes, de l’écho boisé de la contrebasse, du souffle retenu de la trompette de Verneri Pohjola.
« Playing with the groove » apporte une touche dynamique aux accents discrètement funk, je commence à battre du pied pendant que la platine tourne. Et toujours cette symbiose magique des cordes.
« La chanson d’Hélène », composition de Philippe Sarde pour le film Les Choses de la Vie de Claude Sautet, ici une superbe reprise dans laquelle chaque note de guitare toute en émotion contenue dialogue avec la trompette en mélodie, discrètement soutenus par les cordes pincées de la basse.
« L’époque », aux accents légèrement inquiétants, notes suspendues. Une symbiose extrême des instruments.
« Gold in Them Hills » est une reprise d’une composition de Ron Sexsmith, dont la sobiété instrumentale apporte une note de légèreté.
« Improvisado », trois minutes de douceur, parenthèse, respiration.
« Mood Indigo » de Duke Ellington, interprété ici selon un tempo marqué, teinté d’accents blues.
« Etude Bleue » nous permet d’entendre Lars Danielsson au violoncelle dont les notes se mêlent au souffle de Verneri Pohjola, soutenus par la guitare de John Parricelli.
« Lacour », composition de John Parricelli subtilement abstraite inspirée d’Olivier Messiaen.
« Peu d’amour », composée par Verneri Pohjola offre une belle prestation de Lars Danielsson à la contrebasse ponctuée d’harmoniques clot cet album sur une note teintée de nostalgie.
Un bien bel album donc, tout en délicatesse et retenue, au cours duquel le partage et l’écoute mutuelle des musiciens apporte cette touche de plénitude, de sérénité. Mes morceaux préférés « Le calme au Château », « Morgonpsalm », « La chanson d’Hélène », « L’Epoque », « Etude bleue », choix délicat tant se dégage une cohérence dans l’album entier. A écouter donc si vous aimez les instruments acoustiques, un certain minimalisme, la précision du jeu, les mélodies au temps suspendu.
Par François Laroulandie
Label ACT
https://larsdanielsson.bandcamp.com/album/act-x-ch-teau-palmer-trio