Illyes Ferfera Quartet – Tawazûn

[COUP DE CŒUR] Devenu en l’espace de quelques d’années l’un des musiciens les plus captivants de sa génération, le saxophoniste Illyes Ferfera nous propose son premier album Tawazûn, ce qui signifie équilibre en arabe. D’origine franco-algérienne, il nous offre huit pièces, dont trois reprises, charnellement teintées de ses racines multiples, étant entouré pour cela de ses amis, de véritables pointures eux aussi : Simon Chivallon (piano), Arthur Henn (contrebasse) et Tom Peyron (batterie). Autant dire que nous avons affaire là à un quartet d’exception. Tous sont très actifs à Paris, Toulouse, Bordeaux et même à Marciac, des terres aimées, riches pour un jazz sans frontière et entreprenant. Illyes Ferfera participe aussi aux formations d’autres artistes comme par exemple André Minvielle, Ellinoa/Wanderlust Orchestra, Étienne Manchon Trio (sur quelques titres de « Streets »), Gabacho Maroc ou encore Old School Funky Family, impressionnant cv !

Mais Tawazûn c’est chez lui ! Ainsi, de part et d’autre de la Méditerranée, il tire un fil d’altitude, tendu par la magie des sons entre Alger et le sud de la France, et y défile avec ses compagnons funambules musiciens, tous guidés par le soleil, défiant à chaque instant le vent. D’entrée, le morceau titre montre le chemin, en dessinant un balancier imaginaire, à la limite de la perte d’équilibre au début, coloré d’un sax solaire et généreux qui dialogue avec le piano lumineux qui feint de l’épouser sans en publier les bans, alors que contrebasse et batterie scandent tout en finesse l’union d’un rythme stylisé du Maghreb à celui d’un jazz actuel décomplexé. Une belle harmonie que nous retrouverons par ailleurs, notamment dans le vif « Orages sur Recife », ah les souvenirs ! Hymne au Brésil et à l’amour, une invitation au voyage, de tempêtes en eaux calmes ! D’une inspiration multiple et généreuse, Tawazûn évoque aussi d’autres sujets touchant la nature humaine. Les années insouciantes avec « Kan ya ma kan PM », « il était une fois… » en arabe, qui est un délicieux souffle de jouvence, sur un rythme saccadé, plein de spontanéité, qui sied à merveille à ces années virevoltantes, de découvertes et de doutes, où joies et peines dansaient des valses éphémères. Troublante évocation que « Blues to Malaïka », une dédicace brûlante aux enfants « Anges », victimes innocentes des guerres qui ensanglantent encore de trop nombreuses régions du monde, Malaïka étant un prénom féminin du Maghreb qui signifie « les Anges ».

Étonnante et ambitieuse composition, « Messiaen fi el houma » rend un hommage fantastique au compositeur français, le situant « dans les rues d’Alger, avec à la main un bendir qui lui aurait été offert par Hadj El Hanka » (*). Certes complexe, cette superbe pièce n’en est pas pour autant intimidante, nous y entrons aisément, entraînés par les envolées jazz irrésistibles qui la traversent, une célébration de la beauté.

Enfin, mentions spéciales aux trois originales reprises, gorgées d’amour, de tendresse et de liberté, que sont « Con Alma » (Dizzy Gillespie), « Love letters » (Victor Young) et « Dans l’eau de la claire fontaine » (Georges Brassens), la belle âme d’Illyes Ferfera s’y retrouvant au détour de chaque accord. Un album indispensable, vrai manifeste humaniste, pour un équilibre pacifique entre les peuples, peut-être, un jour…

(*) chanteur chaâbi (merci Wikipedia © !) 

Par Dom Imonk

Deluge/Socadisc Absilone

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Agenda :

  • mercredi 19 juin 2024 : concert de sortie d’album au Studio de l’Ermitage en co-plateau de sortie d’album avec TÙCA.
  • mardi 26 juin 2024 : concert au Baiser Salé (résidence) avec encore une autre équipe : Nicolas Algans, à la trompette, Julian Leprince-Caetano, au piano, Matthieu Scala, à la contrebasse et Théo Moutou, à la batterie.
  • mardi 18 et mercredi 19 juillet 2024 : concerts au festival Jazz In Marciac (le festival Bis).