Royan, Jazz au Palais

Le Palais Royan événements continue de nous enchanter notamment avec sa programmation jazz, le 29 novembre 2025…
Baptiste Herbin, sax alto et soprano
Sylvain Romano, contrebasse
Mathieu Chazarenc, batterie
« Django »
Baptiste Herbin commence tout simplement par faire chanter son sax, par écouter le son filer, s’amuser, on en gambaderait dans des champs fleuris, on imagine le souffle toujours juste pour que s’écoule la musique, la batterie et la contrebasse en accompagnement vigoureux. La respiration circulaire de Baptiste est là pour arrondir, caresser les notes. Sylvain Romano prend la main, incisif mais avec légèreté, Mathieu Chazarenc contrôle grâce à ses balais énergiques, ce qui semble motiver Baptiste ce sont les volutes qu’il extrait de l’instrument, une dextérité délicate, époustouflante…Un somptueux Night and day en émerge.
Baptiste passe à son sax soprano, il contorsionne le morceau ; imaginez un serpent ou un Troublant boléro, ou encore tango qui enlace sa proie ou sa partenaire, langoureux mais puissant, aux arrondis de jambes en lianes infinies. Le tempo avec la fine contrebasse de Sylvain renvoie aux déhanchés dansants. Le soprano s’allonge, s’étire, repart dans des tourbillons. C’est une gourmandise, un sucre d’orge chaud qui s’étend lentement puis se cristallise and so one.
Indifférence brille ensuite de tous ses feux manouches, on connaît le morceau, mais ici il caracole, flamboie, avec le toucher précis et lumineux de Baptiste Herbin. Quelle valse !
Chaque type de sax a son souffle bien évidemment, mais juste Baptiste le saisit, le révèle, au plus près pour que la musique ne néglige jamais la saveur du son, bien au contraire… Ici, bain chaud et volutes délicieuses, vibrations de l’instrument. Contrebasse et batterie déroulent leur jeu velouté, on bat la mesure intérieurement pour le plaisir…Django de John Lewis s’en réjouit sûrement.
La discrète exigence de Baptiste scrute les mille facettes de ses déploiements, une évidence, une pureté des notes, toujours biseautées pour les plus beaux diamants. Résultat, une simplicité apparente, une épure du son mâtinée de sensualité…
La batterie de Mathieu Chazarenc en profite pour cavalcader, un balai dans une main, une baguette avec embout coton de l’autre pour varier les sensations, puis des baguettes sèches, c’est qu’il faut y aller après Baptiste, et il y va ! Nuits de Saint-Germain-des-prés ou encore Anouman.
Quand le sax de Baptiste s’attarde pour attraper une note, la faire s’épanouir, une jouissance progressive ou explosive, c’est selon, le thème Djangology, composition de Baptiste Herbin prend le temps des harmonies, de son déroulé, que la musique prenne forme, matière, dans l’espace et le temps, qu’elle raconte comment le plaisir, pourquoi les montées et descentes chromatiques pâlissent et se recolorent, que les sons s’emballent ou geignent, s’apitoient, se délectent, s’interrogent.
Et de là, le tempo rejaillit, contrebasse et batterie en accord, jamais Baptiste ne rejoue une note à l’identique, n’aborde un son de la même façon, c’est qu’il peut se le permettre, tout tendu au service du jazz et des morceaux, Coltrane, Dave Brubeck, … ou pour La Montagne Sainte-Geneviève. Les répétitions sont là pour ne jamais être les mêmes, pour relancer les variations, dessinant des circonvolutions toujours repensées, ressenties autrement, à un souffle près, une retenue, un appui, un frisottement… Les ralentis comme les accélérations sont merveilleux parce qu’on voit leur trajectoire : Baptiste dessine une œuvre d’art sous nos yeux ; des valses naissent alors, les germes semés et élevés. On est au plus près de la fabrication de la musique et du sommet du même art… Et quand Baptiste fait frétiller son sax, c’est nous qui exultons !
Baptiste, l’insatiable, cherche à élargir son éventail musique ! Ce Choro Django à la pâte brésilienne, trouve un rythme festivalier, caisse claire en marche cadencée et nerveuse pour que le sax soprano lance ses longues phrases animées, obstinées, exploitant joyeusement tous les champs du sax. Baptiste Herbin peut tout aussi bien appuyer longuement sur le son, note infinies, qui attendent l’agitation des prochaines.
La batterie lance son cri de guerre, le trio explose en fête ininterrompue pour un Tea for two, contrebasse et batterie au taquet, quant au sax, il explose d’inventivité, tonitruant, gourmand. La batterie le suit tout aussi éclatante.
Pour l’anecdote et pas des moindres, Baptiste Herbin termine en soufflant dans ses deux sax à la fois
Quel art-iste !…
Par Anne Maurellet, photo Alain Hary





