Alain Jean-Marie et Diego Imbert, Ballads

Alain Jean-Marie – piano
Diego Imbert – contrebasse

Daniel Yvinek – direction artistique

Sortie le 19 septembre 2025 de Ballads, nouvel opus de Alain Jean-Marie et Diego Imbert, chez Trebim Music / L’Autre Distribution, un album enregistré au Studio de la Menuiserie par Rémi Bourcereau, directeur artistique Daniel Yvinec.

Le pianiste et le contrebassiste prolongent leur conversation initiée en 2020 sur l’album Interplay sorti sur ce même label Trebim Music, distingué « prix du disque français 2020 » par l’Académie du Jazz et consacré au répertoire de Bill Evans avec Eddie Gomez dans les années soixante-dix. La formule piano contrebasse inaugurée par Duke Ellington et Jimmy Blanton et expérimentée ensuite par Bill Evans et Eddie Gomez, Keith Jarrett et Charlie Haden ou encore Paul Bley et Gary Peacock, est un exercice qui exige une totale confiance entre les deux partenaires. Avec Ballads, Alain Jean-Marie et Diego Imbert s’emparent de standards du jazz, auxquels leur complicité, leur attention mutuelle, la subtilité de leur jeu apportent une perception nouvelle à l’écoute de ces ballades que l’on pensait pourtant bien connaître.

Voilà un album qui nous fait du bien : quarante-cinq minutes d’éternité, une profonde respiration d’air frais, une oasis de fraîcheur dans le tourment du monde. Insérez ce disque dans votre lecteur, installez-vous confortablement, accrochez un do not disturb sur la porte, et oubliez tout, sauf la musique.

Piano et contrebasse : la grâce mélodique et la subtilité harmonique se rencontrent dès les premières mesures de ce ‟Stardustˮ introduit en notes de piano comme des perles et dont la lenteur mesurée d’exécution en appelle à une écoute sensible. La contrebasse de Diego Imbert ponctue avec une apparente nonchalance, se fait discrète ou voix expressive sur ‟If you could see me nowˮ, et c’est avec ce ‟First Songˮ de Charlie Haden que se révèle pleinement l’évidente complicité entre ces deux instrumentistes attentifs l’un à l’autre et qui se hâtent lentement ; une interprétation toute en délicatesses. Le piano sous les doigts de Alain Jean-Marie est léger, en notes déliées (‟My Idealˮ) dansant le long de la ligne de contrebasse, laquelle s’échappe parfois en toute liberté en une envolée lyrique dans l’incontournable ‟The Nearness of youˮ.

Chaque pièce est une variation au sein de ce dialogue intimiste et offre un réel plaisir de redécouverte de ces standards. Ainsi ce ‟My one and only loveˮ, avec un superbe arrangement introduit en douceur de cordes basses et piano envoûtant, ou ‟A Flower is a Lovesome thingˮ où les riffs entêtants de la contrebasse dessinent la base rythmique à partir de laquelle le piano se promène léger, funambule sur un fil de soie, également sur ‟Spring can really hang you up the mostˮ. Ballads ce n’est pas seulement un album de ballades, c’est une invitation à la contemplation, une flânerie musicale où les silences sont aussi des notes chargées d’émotion. Un petit bijou à découvrir, et à vivre en concert, prochainement le 13 novembre 2025 au Sunside à Paris.

Alain Jean-Marie, pianiste international autodidacte, a dès ses débuts en Guadeloupe baigné dans le genre musical en vogue en ce début des années soixante, la biguine, et découvert le be-bop dont il achetait les disques (Charlie Parker, Miles Davis, Bud Powell…) chez Henri Debs, LE disquaire, musicien et producteur incontournable de Pointe-à-Pitre. Il réalise le lien intime entre ces deux genres musicaux, issus tous deux de l’histoire commune de la colonisation, de la rencontre en Amérique de l’Afrique et de l’Europe. Il est un habitué de la formule du duo (avec la guitare de André Condouant ou le saxophone de François Ripoche), format minimaliste propice à une complicité créative.

Son complice le contrebassiste Diego Imbert commence le violon à l’âge de six ans, puis la basse électrique, pour se concentrer sur la contrebasse en 1995 au Conservatoire à Paris et lors de stages qui lui ont permis de côtoyer le contrebassiste du trio de Bill Evans de 1966 à 1977 : « Grâce à [Eddie Gomez], j’ai appris que virtuosité pouvait rimer avec liberté et musicalité. J’ai aussi compris que sur l’instrument il n’y avait aucune limite, sinon celles que l’on se met tout seul dans la tête ».

Par François Laroulandie

Trebim Music / L’Autre Distribution

https://trebim-music.com/release/ballads/