Franck Bergerot – André Hodeir & James Joyce – Un éloge de la dérive.

André Hodeir (22/01/1021 – 01/11/2011) : Compositeur, Arrangeur, Musicologue, Violoniste.
Après des études chez Olivier Messiaen, il fonde et dirige le ‘Jazz Groupe de Paris’ en 1954, Bobby Jaspar et Pierre Michelot, entre autres, participent à l’aventure. Il compose, souvent avec son ami Henri Crolla, la musique de films de Georges Franju, Pierre Prévert, Agnès Varda…
Crée son orchestre dans les ‘60, travaille avec Martial Solal dont il partage le goût pour les mélanges de styles (classique – jazz). Écrit beaucoup sur sa vision de la musique, participe à ‘jazzhot’, ‘les Cahiers du jazz’…
James Joyce (02/02/1882 – 13/01/1941) : Un des écrivains les plus importants de la littérature du XXème siècle.
Ses premiers écrits concernent sa ville d’origine : Dublin, puis il voyagera beaucoup. Il crée et développe un style très personnel à partir d’une maîtrise éblouissante de la langue anglaise (il se débrouille bien aussi avec le français), inventant de nouvelles formes littéraires radicalement innovantes à base de mots improbables, d’onomatopées et de phrases découpées à l’arrache comme d’une improvisation Free, dont s’inspireront William S.Burroughs, Jack Kerouac, Raymond Queneau, Nathalie Sarraute… Il s’intéresse à toutes formes de musique innovantes.
Il écrit ‘Finnegans Wake en 1939 d’où est tiré ‘Anna Livia Plurabelle’
Franck Bergerot (22/07/1953) écrit sur le jazz depuis 1975
Il concocte des articles et des chroniques pour ‘Jazzhot’, ‘Jazz Magazine’, Jazzman’, reconnu comme spécialiste de Miles Davis auquel il consacre plusieurs volumes, donne des conférences et enseigne sur différents styles de musique.
En 1966 André Hodeir s’empare du chapitre du bouquin de Joyce pour en faire une ‘jazz cantata’ réputée injouable sur scène de par son effectif (Près de 30 intervenants) et de sa difficulté d’exécution qui deviendra pourtant une référence pour les improvisateurs de l’époque – affranchis de partitions – qui sont en train d’inventer le ‘Free jazz européen’, ce que démontre magistralement Franck bergerot ici, cette œuvre ayant ouvert la voie à de multiples expériences, depuis un demi siècle, dans l’histoire du jazz en terme de matière structurelle, d’écriture et de texture orchestrale.
L’auteur consacre un long chapitre, sur le même rythme utilisé par le compositeur, où il suit l’œuvre pas à pas, décrivant ses audaces, ses prises de risques, ses pointes d’humour et cet art de la dérive et du glissement cohérent offrant un commentaire minuté du projet proposé en écoute par un lien disponible sur l’ouvrage.
Cette ‘Cantate à deux voix plus orchestre de jazz’, présentée ici, est une reprise de l’original, en 2021, pour la 1ère fois sur scène, par l’ONJ de Frtédéric Maurin associé à un proche de Hodeir, à l’occasion de son centenaire, le contrebassiste et chef d’orchestre : Patrice Caratini.
Visionnaire de génie, Hodeir résume sa philosophie : « Il faut agrandir le jazz pour ne pas avoir à en sortir ». Injonction comprise et suivie par tout ce qui touche à cette musique, source de tout ce qui se fait à l’heure actuelle à l’échelle populaire, ou plus intellectuelle. Chaque nouveauté, changement, bouleversement entrant ‘in fine’ dans l’espace in-défini de cette proposition.
Franck Bergerot nous nous fait entrer dans l’intimité artistique de ces 2 figures majeure du XXème siècle avec une précision presque chirurgicale, l’auteur irlandais et ses liens avec le pré-surréaliste Philippe Soupault, le compositeur français qui découvre la musique noire américaine et ses acteurs, son amitié avec John Lewis… résumant près d’un siècle d’une histoire qui aboutit sur ce magnifique document musical qui n’a pas fini d’inspirer les cherchants de tous poils.
Un essai dont chaque mot chante !
Chez : ONJ Records
Par : Alain Fleche