Jazz à Caudéran 2019

Solange Lemoine : Si tu étais musicien, aujourd’hui, mais si tu n’étais pas Samy Thiébault, qui serais-tu ?

Samy Thiébault : Difficile de répondre. Selon moi, la musique est complètement liée à l’intime et même si je suis fan de la musique de John Coltrane ou de Sonny Rollings et tant d’autres que j’écoutais et travaillais quand j’étais plus jeune, aujourd’hui, je pense que le seul travail d’un musicien est d’être honnête avec lui-même. On change et on doit être fidèle à soi-même, en perpétuelle évolution. Je voudrais juste rester moi-même et pas quelqu’un d’autre…
Je suis Nietzchéen, on ne peut considérer le monde qu’à partir de son point de vue… après on peut avoir de l’empathie pour les autres. C’est une façon d’être “avec”, et non “à la place de”.
Je voudrais juste être moi-même et pas quelqu’un d’autre.

SL : Quelle serait l’expression artistique — non explorée — avec laquelle tu voudrais collaborer dans le futur ?

Samy Thiébault : L’univers du hip-hop et des musiques urbaines, je ne le connais pas et j’aimerais le découvrir. J’aimerais vraiment travailler avec des rappeurs.
Si non, en rapport avec mon dernier album réalisé avec l’orchestre symphonique de Bretagne… j’aimerais travailler sur des musiques de film et approcher le monde du cinéma.
Voilà, c’est rap et cinéma.

SL : Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur l’origine du projet de ton album “Caribbean Stories” au Venezuela ?

Samy Thiébault : Oui bien sûr. Nous avons fait une tournée au Venezuela en 2014 avec un autre quartet avec lequel je joue depuis près de 15 ans. Je connaissais peu ce pays, j’étais juste informé sur la situation politique. Dès notre arrivée dans le hall de l’hôtel, ce fût un choc musical ; un groupe de musiciens jouait une musique tellement riche, tellement complexe, impossible de trouver le premier temps. Et tout le monde dansait sur cette musique.
Je fus très surpris et intrigué. Tous nos concerts ensuite étaient comme ça, plus ont allait loin, plus on tentait des trucs, plus le public était à fond.
Le rapport à la musique est riche, populaire et dansant…
Pour moi la musique doit être populaire et riche. Mozart est populaire, Coltrane est populaire, Wagner est populaire, Bach est populaire…
Plus j’entendais la musique là-bas, plus j’entendais le blues très présent et plus j’étais persuadé que la musique avait à voir avec le Jazz. J’ai alors appris que les premiers ports de tris des esclaves n’étaient pas en Nouvelle Orléans mais dans les Caraïbes, donc que les premiers mélanges se sont faits dans les Caraïbes. Le projet est né à partir de ce moment-là, à ce sujet, nourri pas des rencontres extraordinaires qui m’ont extrêmement touchées. Il y a un système là-bas qui s’appelle la systema, une façon d’apprendre la musique aux enfants pour les aider à sortir de la misère qui m’a interpellé et puis tout le système politique là-bas.
Pendant 15 ans, l’évolution de la vie sociale et aussi de la musique ont été phénoménales et cette histoire a suscité chez moi une réelle passion… j’ai compris que mes connaissances concernant le jazz étaient parcellaires et c’est un sujet qui fût pour moi une histoire d’amour. Le jazz était d’essence caribéenne et je suis allé à ses racines.

SL : Imaginons… nous sommes aujourd’hui le 2021… Dans quelle grande salle aimerais-tu jouer ce soir ?
Samy Thiébault : J’aimerais bien jouer au North Sea Jazz Festival ou alors je joue à l’Olympia avec ma musique, fidèle à moi-même.

SL : Saurais-tu définir ce que tu offres au monde ?

Samy Thiébault : Empathie – Partage – Ouverture
Ces mots paraissent peut-être banals mais sont très importants pour moi. J’aime “me perdre” dans autrui pour me remettre en question.

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