Jazz contemporain, musique improvisée et musique actuelle
vendredi 14 et samedi 15 juillet 2023

Vendredi 14 juillet – 9h30 – cinéma Maison de la vallée

Mathieu Amalric : Zorn I, II et III

Zorn dans tous ses états, sensibles compris, saisi par l’angle des coulisses clair-obscur de Mathieu Amalric ou comment s’approcher de l’exigence de la créativité et de la passion (enfantine). 

Si l’on devait résumer ce triptyque : Mathieu Almaric capte en noir et blanc une cour dans laquelle un enfant (Zorn?) se déplace sans répit avec un bâton sauteur…

Free Trio © photo Alain Pelletier

Vendredi 14 juillet – 19h – chapiteau

Pablo Gïw : Free Trio

Farida Amadou, basse, électronique
Laura Totenhagen, voix, électronique
Pablo Gïw, trompette, électronique

Ça commence par des vapeurs de soufre, aux jets réguliers, Laura Totenhagen, une voix aspirée, susurrante, la basse de Farida Amadou sur deux accords entêtants,  la trompette de Pablo Gïw envoie des salves de sable ; l’électro acidifie par ses battements le morceau. Ue porte désertée bat obstinément contre son chambranle, les heures de la basse s’égrènent bruyamment… La musique suffocante et oppressante avance vers nous.

L’électronique est là pour inquiéter voix et instruments. Course contre la montre d’un futur avorté, alerte angoissée ? La voix dégouline, dégueule, auto-dérisoire, semblant pointer le vide de la parole individualisée. En tout cas, c’est une machine infernale aux saccades lancées par sarbacane, et qui s’emballe.

La voix de Laura Totenhagen trouve dans ses aigus l’inhumain, sa désincarnation ; les chuintements de la voix de Pablo Gïw l’y encourage. Passage à la robotisation, dernier désir avant extinction de l’expression encore, les tremblements des lèvres au passage du souffle peuvent-ils encore faire présence ?

Un marteau-piqueur affaibli, des ferrailles entrechoquées, n’empêchent-ils pas notre espace de se disloquer ? 

Alors tout accélère, le sable dans les rouages déglinguent le mécanisme, la trompette tente son chant du cygne, la basse, balle électrique à rebonds se resserre sur elle-même en se saturant, la voix lance des flèches empoisonnées !

Le Monde est perdu ?

Peut-être qu’en transmutant  notre univers, ils nous proposent un espace galactique tout aussi asthmatique où l’on se retrouverait, le même, dépossédé, découpé en fonctions métalliques, certain du supplice infini.

Peut-être qu’une petite voix là-bas, au fond, se plaint encore… une lueur ? un purgatoire ? Pas sûr. Le trio finit par proposer l’enfer, sous forme de trépidations électriques, vis sans fin, disque électronique rayé, fréquence radio affaiblie, solitude avouée par la trompette. Lueurs blafardes. Le noir s’étend, quelques spasmes… Derniers cris allongés, en révolte désespérée. Trou noir. 


Vendredi 14 juillet – 0h30

CiRuS ViRCule

Betty Hovette, piano préparé
Laurent Paris, percussions préparées

La nuit enveloppante restitue les sons autrement. La perception est plus fine, nous acceptons davantage l’étrange  -reste d’enfance ?-  alors si deux musiciens exploitent grosse caisse préparée et piano désossé, néanmoins arrangé, le lieu se couvre d’insolite. Dans le noir, l’imaginaire se déploie. Le confinement d’avant permet la richesse du minimalisme, le presque pas fait entendre la proposition de l’autre…Nous sommes dépouillés…donc plus attentifs. Quant à la Voie lactée, quel délice !

Farida Amadou © photo Alain Pelletier

Samedi 15 juillet – 11h – chapiteau

Farida Amadou

Farida Amadou, basse, électronique

Effet immédiat. Des fils métalliques passent du grattement à un marteau frappant la pierre, c’est une scansion de forcené qui fait un lourd trajet. Il suffit de quelques accords pour nous faire entrer dans la musique de Farida Amadou parce qu’elle les irisent, les creuse ; les changements de rythme sont autant de reflets déformants, l’accélération les superpose, ça crée de la matière. Arrondissant sa guitare basse, elle en fait une transe à plusieurs facettes… Farida détourne son instrument, l’envoie dans des percus. Elle appelle le jus de sa basse, son nectar, ses sucs. C’est la fête d’une puissance biseautée, parfois ciselée, parfois tellurique. Elle épuise les effets, les rythmiques pour les éprouver -au sens propre et figuré- et n’oublie jamais de faire cracher à l’instrument et à elle-même ce qu’elle a au fond du ventre…

Une énorme machine musicale de guerre envahit la scène, les Larsens sont autant de lasers phoniques jetant leurs éclairs, un code Morse amplifié secoue la basse, s’étale comme une bombe atomique. 

Des borborygmes de notes pleuvent sur cette guitare à l’horizontale, électrons s’entrechoquant.

Une guitare électrifiée apparaît, s’entête puis s’efface… C’est une basse et beaucoup plus encore.

Farida, ça veut dire unique…

SaMouche © photo Alain Pelletier

Samedi 15 juillet – 15h30 – club Maison de la vallée

SaMouche

Marie Olaya, guitare
Marc Démereau, saxophones, scie musicale
Thomas Fiancette, batterie, percussions
German Caro Larsen, guitare

Fréquences radio en recherche, ne pas trouver de station évidemment, balles de ping-pong dans les angles, embryons d’accords, la batterie de Thomas Fiancette tient le pouls, des espaces paradisiaques transitent, des nappes de brouillard s’accumulent ; les bouées grincent au fond des quais, le tumulte grandit, ouragan en formation. Des bribes de voix passent, en déshérence ; les bouées se chahutent, la houle soulève les barges qui s’entrechoquent, des tourbillons d’objets disloqués se multiplient, fabriquant du chaos, le sax les aspire, tous les instruments sont des tourments fous. La batterie engage des vents contraires, bourrasques de tons, colonnes d’aspiration géantes, vents à 230 k/heure. Au cœur, accalmie apparente, quelques éclairs de guitare pour rappel, son aigu d’alarme, de l’électro seule, ondes inquiétantes, le chaos rode ? au loin des barres cognent, une voix étranglée sortie de fonds marins tente une trouée, les guitares de German Caro Larsen et Marie Olaya sillonnent, éraillent, étrillent le paysage, pas sûr que ce soit l’apaisement parce que ça griffe en bas, le sax, gras, s’extirpe, veut une mélodie de la désolation, la batterie devant, chacun l’y encourage ou est-ce la spirale qui reprend force reformant l’entonnoir conique. Eh oui, les vents reprennent à la surface, puissants, sax compris ! le chaos, c’est pour maintenant, le sax envoie ses derniers râles. Retombent peu à peu des gravats, des constructions bancales, la guitare de Marie Olaya en témoigne, quelque oiseau dénonce l’effroi, l’enchevêtrement provoque une nouvelle instabilité, reprise fracturée du déchaînement ; la scie musicale l’irrite, emportement de la batterie, la guitare poinçonne, somptueuse révolte du sax de Marc Démereau, désarticulation. Folie. Ils ne lâchent pas. Le son caquette, éructe, tente un chant comme une ritournelle de fin de vie annoncée, dernières petites respirations oppressées…

Compagnie La Muse © photo Alain Pelletier

Samedi 15 juillet – 17h – Forum

Compagnie La Muse : Dedans-Dehors

Charlène Moura, compositrice, interprète
Sophie Boudieux, compositrice, interprète instrumentarium saxophones,
accordéon, flûtes traversières, objets sonores..
.

Merveille pour petits et grands avec une scénographie stylisée, une pédagogie mesurée et surtout la poésie des mots, des comptines, de la musique. Deux circassiennes et j’en passe… Le monde du dedans s’essaie à celui du dehors…et c’est pas une mince affaire !

On a le droit de revenir une deuxième fois ?!…

Aman Tékés © photo Alain Pelletier

Samedi 15 juillet – 18h – bar le Terminus

Aman Tékés

Emanuela « Manupe »Perrupato voix
Alain Fourtine, bouzoukis
Jean Jadaud, basse
Laurent Lenain, clarinette, flûte
Bertrand Piquemal, guitare
Christian Rastoll, baglama

Musique à la croisée des chemins : rythme grec, le bouzouki accompagné de guitares et du baglama illustre le chant de Manupe, traductrice fidèle des souffrances, des maltraitances subies par les migrants dans les années 20. On fera aisément la transposition…

Cette musique reçoit les influences orientales et la mixité s’enrichit encore par la voix de Manupe qui restitue l’âme et la culture de ces populations déplacées, soucieuse de faire voyager leur mémoire pour que rien ne s’efface.

Isabelle Duthoit © photo Alain Pelletier

Samedi 15 juillet – 21h – chapiteau

Isabelle Duthoit, Steve Heather & Andy Moor

Isabelle Duthoit, voix, clarinette
Steve Heather, percussions, électronique
Andy Moor, guitare

La voix d’Isabelle Duthoit est celle d’une bête sauvage qui vous sonnerait de déguerpir, quand elle s’ouvre sortent des torrents de lave, de rochers dévalant une pente, de goulots d’air féroces, d’oiseaux étranges, de macaques, de grondements gutturaux des entrailles de la terre, cérémonie chamanique.

Forêt exotique, animaux, insectes, apparaissent, disparaissent, une faune hétéroclite. Autour d’elle, guitare et batterie plantent le décor : bois aux racines dévorantes, nature étrange, à chaque pas une découverte. 

Quelque masque indigène envoie son souffle rauque, puissance divine, maléfique, maelstrom déchaîné ; cris exultants, poumons remplis d’existence. Si l’ensorcellement diminue, c’est pour passer à un râle long, profond, chargé d’un liquide pour le faire vibrer que la guitare d’Andy Moor longe comme doux écho attentif, la batterie posant ici et là des ponctuations. Les rires sont des chimères, fantômes venus réveiller les morts-vivants que nous sommes parfois. 

Les deux autres musiciens deviennent veilleurs de nuit parsemant le chemin de cloches sonnantes. Des tribus sortent du corps d’Isabelle pourtant gracile. La procession finit par nous encercler. Qui sommes-nous donc.  Isabelle Duthoit se met à chanter avec un fin filet de voix, c’est bien elle, l’humaine qui redonne là épaisseur et relief à nos vies. Le O délicat passe au A ardent et un U retrouve l’animal aux griffes acérées. Le rire rejoint les chimpanzés -nous n’en sommes pas éloignés…- la clarinette d’Isabelle sonne le glas, la batterie marque la marche initiatique. Des perroquets s’excitent pendant que la guitare s’affole : rôde encore… l’humain.  

La batterie de Steve Heather tressaute appelant le halètement d’une petite bête assoiffée, galopant, des cliquetis de voix grouillent de toutes parts, la guitare d’Andy Moor avec une barre métallique tremble. Qui court ?

Les trois tambourinent, la voix elle aussi instrument de révolte, pulsion extrême, respiration comme une vibration exténuante mais sans cesse remise sur l’ouvrage…Une œuvre d’art ? Calligraphies vivantes,  des traits/jets de peinture.

Une contrée animiste se déploie tranquillement devant nous, la clarinette chouinte, contorsionne délicatement le temps, une poche en plastique malmenée prend vie, un Tom creuse un sillon circulaire, une guitare fait trembler doucement la terre.  Un serpent à sonnette se redresse, sifflant parfois, tout s’anime, vibre, puis se met à gronder, cette nature-là pourrait-elle nous prévenir, nous sortir de la triste et dangereuse torpeur dans laquelle nous paraissons englués.

Cette musique réveille les sens, agite l’âme. La clarinette d’Isabelle devient vents, frôlements, perceptions imperceptibles qui ouvrent nos esprits à un autre monde, notre monde… La guitare soubresaute, la batterie sursaute, la clarinette caquette, alternant avec une voix en cris d’oiseaux. Cette nature-là, machine infernale, nous alerte-t-elle ? L’accélération prodigieuse emplit en tout cas nos oreilles réceptacles fascinés. 

Fa-bu-leux!

Ramdam Fatal © photo Alain Pelletier

Samedi 15 juillet – minuit – chapiteau

Ramdam Fatal (Ultra Zook et Cie L’Excentrale)

Benjamin Bardiaux, claviers, voix
Rémi Faraut, batterie, voix
Félix Gibert, direction, trombone
Romain « Wilton »Maurel, violon, voix
Manu Siachoua, basse, voix 

C’est une fête foraine insolite,  bal sous chapiteau rouge et jaune. Une parole, liste à la Prévert avec virages dénonciateurs. Les musiciens traduisent cet inventaire hétéroclite. Entraînant, joyeux et sympathiquement caustique. Y’a d’la joie à garder la parole et l’œil critique ; le violon aux accents folkloriques est accompagné par de talentueux trublions défenseurs ludiques des inégalités sociales, des injustices imbéciles, de l’absurdité de la société (trombone, sax, guitare, clavier/vibraphone et batterie). Le plaisir du jeu de l’enfance pour ce qu’ils veulent en garder et qu’ils trouvent dans leurs instruments. 

C’est du foutraque bien organisé, savamment huilé.

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Je vais repartir en roue libre, « un pied près de mon cœur »...

On dira que c’est l’air des Pyrénées qui nous a rempli les poumons et l’âme, on dira ça… m’enfin, m’est d’avis que Jazz à Luz en est aussi responsable…Vivement  Jazz à Luz 2024 qu’on vérifie !…;)

Anne Maurellet, photos Alain Pelletier

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