❤️ Claude Tchamitchian trio

« Poetic Power«

[COUP DE COEUR] S’il est vrai que Claude Tchamitchian affectionne souvent les généreuses formations, comme celles qu’il avait réunies pour les très remarqués projets « Traces » (quintet) et « Need Eden » (tentet), où il était question d’élan filial vers la terre blessée de son Arménie native pour l’un et de quête philosophique pour l’autre, la formule du trio lui sied à merveille. Nous n’oublierons pas ses participations à l’hardi trio mené par Andy Emler où, en compagnie du batteur Éric Échampard, il accompagna ce grand baroudeur, maitre ès piano, de « Tee time » à « Sad and beautiful », en passant par l’interrogatif « A quelle distance sommes-nous ? ». A quelle distance de quoi au fait ? La question se pose, justement ! La formule à trois nous rapproche-t-elle de l’âme de l’artiste ? Y-a-t-il des prises de risques particulières, des zones « à découvert », des espaces tangents ? Qui nous en diraient plus à son propos ? Peut-être bien que oui. En choisissant de s’entourer de Christophe Monniot (saxophone alto), natif de Caen, et de Tom Rainey (batterie) natif de Santa Barbara (Californie), c’est de musiciens qui, outre les carrières n’ayant cessé de voler sur un vent de force 8 depuis des décennies, ont grandi dans la proximité des éléments maritimes, et des turbulences naturelles, parfois ensoleillées, qui balaient et nourrissent les terres qui les ont vus naître et grandir, cinglant et sculptant jour après jour, caractères et imagination. Claude Tchamitchian sait aussi ce que terre et origine signifient. Et ce trio, catalyseur de toutes les libertés, refuge des aléas, des silences et des éclats, est une rencontre d’un troisième type au spectacle de laquelle on ne résiste pas ! Avec ses complices, le contrebassiste nous invite à une excursion au pays de son, de leur intimité, un univers musical à priori spontané, mais judicieusement écrit, qui, bien au-delà du jazz, offre des histoires pures, dans lesquelles ils se décrivent chacun par petites touches de gouache sonore pointilliste aléatoire. Claude Tchamitchian parle à juste titre de la puissance qui se dégage du trio, on la ressent, agile, indomptée, conquérante du vide, qu’elle nous laisse dessiner. Un triangle musclé d’envie, à la géométrie créative époustouflante. Chacun étant l’égal de l’autre. La poésie, alliée à cette ardeur, est d’entrée annoncée par la superbe photo de couverture de Christian Kirk-Jensen. Ce sont aussi les traversées de champs et de forêts, où la nature nous chuchote à l’oreille, des mots d’amour pour que nous cessions de la détruire. Le chant merveilleux de Christophe Monniot, l’oiseau conteur et radieux, qui, infatigable, au pouls parfois chargé d’électrons, dessine des traits insaisissables dans le ciel bleu de l’insouciance, en contournant l’arbre ami et protecteur, immense, la contrebasse, qui gronde et frémit de plaisir, des feuilles les plus hautes de la canopée, aux racines les plus profondément ancrées dans la chair de la terre. Sa voix saisissante, c’est aussi l’archet, comme cette longue plainte qui transperce « Shadow’s breath », et semble réclamer la grâce pour tant de forêts que des assassins brûlent. La batterie enveloppe ces flux et les marie en leur offrant de fertiles rebondissements. Elle nourrit une irrésistible dynamique, en créant des drapés de métal délicats, des scintillements aurifères, alternant avec de précis impacts, jamais lourds, juste ce qu’il faut d’espace, où le rythme pluriel s’échappe, tantôt furtif et avant-gardiste façon new-york par moment, tantôt suggérant quelques battements de brousse, où les hommes se préviennent de périls proches, ou s’invitent à la fête. Ajoutons à cela un son « buissonnier » exemplaire, le pouvoir de dire « ouïe » ! Il offre écrin parfait aux remarquables compositions de la plume du leader, six étapes essentielles, grâce auxquelles ici, tous les chemins mènent à l’arôme de la liberté !

Par Dom Imonk

Label Emouvance/Distribution : Absilone, Les Allumés du Jazz.

http://tchamitchian.fr

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