Valérie Graschaire – Third Stream

Avec cet album, Valérie Graschaire et Pierre Brouant nous embarquent dans un voyage musical intemporel, teinté de romantisme et de poésie. Grâce à une alchimie éprouvée, le duo transforme un matériau musical brut en mélodies ciselées et en vocaux d’une grande pureté, portés par les notes lumineuses et cristallines du piano et enrichies par des featurings de belle facture.

Valérie Graschaire, chanteuse et musicienne incontournable de la scène jazz française depuis plus de vingt ans, s’est produite aux côtés de musiciens tels que Franck Agulhon, Stéphane Belmondo ou encore Diego Imbert (et toute la bande de Trebim Music). Active dans des projets allant du duo au big band, et à l’interprétation de ses propres compositions, elle a marqué les scènes de festivals prestigieux comme Nancy Jazz Pulsations ou Crest Jazz Festival. De son côté, Pierre Brouant, pianiste virtuose formé au Conservatoire de Paris, combine une formation classique et jazz qui l’amène à se produire aussi bien dans des clubs de Lorraine qu’à l’international. Lauréat de plusieurs concours prestigieux, dont « Jazz at Vanguard » à New York, il insuffle à son jeu une finesse et une richesse qui font de lui un partenaire idéal pour ce projet en duo.

Dès le premier morceau, In the Wee Small Hours of the Morning (chanson titre de l’album éponyme de Frank Sinatra sorti en 1955, et reprise ici sans démériter), on tombe immédiatement sous le charme de cette voix tour à tour puissante et soyeuse. Valérie Graschaire maîtrise à merveille l’équilibre entre technicité et émotion, sans jamais en faire trop. Ici, tout est intime, sensible, et porté comme sur un coussin de velours par l’écrin du piano de Pierre Brouant.

Sur Moon River, l’artiste ne se dissimule pas derrière le souvenir ému que nous gardons d’Audrey Hepburn dans « Breakfast at Tiffany’s » mais propose une grammaire vocale originale qui conjugue force et fragilité. Cette capacité à naviguer entre puissance et délicatesse est au cœur de l’émotion qu’elle suscite, particulièrement lorsqu’elle parle d’amour, thème central de l’album.

Son scat, spontané mais travaillé, éclaire des morceaux comme But Beautiful, tandis que I Just Don’t Know What to Do With Myself bénéficie du dialogue somptueux entre sa voix et le bugle de Stéphane Belmondo. Ce featuring enrichit l’intimité de cette ballade et offre des ornements veloutés qui surpassent, osons le dire, certaines interprétations plus célèbres (celle des White Stripes, pour ne pas les nommer).

Le piano de Pierre Brouant ne se contente pas d’accompagner : il brille lui aussi, par ses arpèges et ses contrepoints élégants qui magnifient chaque morceau. Dans Resignation, titre de clôture sans paroles, il livre une prestation époustouflante (on ne peut pas s’empêcher de penser à Keith Jarrett dans le Köln Concert) et transmettant l’intensité du deuil et du déchirement avec une virtuosité sobre mais éclatante.

Manu Codjia apporte quant à lui une contribution magistrale sur Strange Meeting, mêlant harmoniques, bottleneck et un chorus mélancolique porté par un son légèrement saturé (un vrai délice). Ce morceau, à la fois audacieux et contemplatif, est l’un des moments forts de l’album.

Stéphane Belmondo, présent également sur Something in the Rain, impressionne par sa capacité à enrichir sans écraser. Ses interventions à la trompette et au bugle ajoutent une sorte de nostalgie douce et enveloppante qui sublime la musicalité déjà riche de l’album.

Over the Rainbow est une délicatesse incarnée, où Valérie Graschaire semble presque caresser chaque note, tout en laissant deviner une puissance contenue, prête à surgir, comme un tigre qui fait patte de velours. Dans My Foolish Heart, elle revisite le standard popularisé par Bill Evans avec une intimité qui fait écho aux souvenirs du passé tout en affirmant sa propre identité.

La reprise de Estate (Un été), dans la version au texte ébouriffant (ébouriffé ?) de Claude Nougaro, est une belle surprise et un défi que le duo relève avec brio. La nostalgie et la chaleur de cette bossa nova se mêlent à l’émotion brute, touchant en plein cœur et ne tombant pas dans le piège de l’hommage.

Enfin, I’m a Fool to Want You se nimbe d’une fragilité, presque prière, dans laquelle Valérie Graschaire infuse sa propre couleur, en équilibre entre tribut et réinvention, évitant habilement la comparaison avec l’immense interprétation de Billie Holiday.

Third Stream est une œuvre tout en nuances, somptueusement produite et mixée, où le talent des artistes rayonne dans chaque détail. Un album pétillant d’originalité et de délicatesse, que l’on écoutera par une soirée d’hiver au coin du feu, un verre de Saint-Julien à la main, en méditant sur les hasards et les vicissitudes de la condition humaine.

Par Pops White

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