Theorem Of Joy au Théâtre des 4 Saisons à Gradignan – 06 mai 2025
1° partie par un sextet des étudiants du Conservatoire de Bordeaux.
Retour de concert ce mardi 6 mai au Théâtre des Quatre Saisons de Gradignan : Theorem of Joy, le quintet emmené par le contrebassiste bordelais Thomas Julienne, était de retour au T4S, après une tournée en Chine à l’automne dernier, pour nous présenter leur prochain album Feux qui sortira le 19 septembre 2025, produit par le Collectif Déluge.

Atelier Jazz du Conservatoire de Bordeaux Jacques Thibaud
Mais avant cette prestation très attendue, nous accueillons en première partie le sextet formé par de jeunes talents de l’Atelier Jazz du Conservatoire de Bordeaux Jacques Thibaud composé pour l’occasion de :
– Théo Aroztegui, violon
– Garance Baltardive,trombone
– Nicolas Caumont,saxophone
– Adrien Lucbert,batterie
– Mathieu Cochard,piano
– Francisco Vicente Da Silva, contrebasse
Au programme de ce set, trois morceaux en hommage au saxophoniste et compositeur Wayne Shorter décédé en 2023 ; entre autres membre des Jazz Messengers aux côtés de Art Blakey dans les années 60, membre du quintet de Miles Davis ensuite, puis cofondateur avec Joe Zawinul et Miroslav Vitoùs de Weather Report dans les années 70. Un programme ambitieux donc, auquel vont s’ajouter deux « intrus », une inconnue qui aiguise notre intérêt.
Premier morceau : ‟Speak no Evilˮ ; une composition présente sur le superbe album éponyme sorti en 1965 chez Blue Note. Dès l’intro le groove est bien là ; une belle cohérence des timbres, l’opportunité d’un solo de Garance Baltardive au trombone onctueux et dynamique bien applaudi à la reprise du thème. Belle expression ensuite du clavier bien maîtrisé, le tout efficacement soutenu par une section rythmique enlevée.
Un « intrus » mais pas inconnu, le célèbre ‟Poincianaˮ (composition de Nat Simon), immortalisé par l’interprétation magistrale de Ahmad Jamal en 1958 sur At the Pershing ; ce soir sur un arrangement de Théo Aroztegui. Une interprétation toute en douceur, sous les battements du cœur de batterie de Adrien Lucbert ; belle démonstration de dextérité au violon de Théo ; une reprise du thème toute en émotion.
Troisième morceau : ‟Lostˮ, composition de Wayne Shorter que l’on trouvera sur The soothsayer, sorti en 1965 sur Blue Note. Nous apprécions là aussi de beaux solos, saxophone éclatant, trombone bien maîtrisé, la contrebasse de Francisco Vicente Da Silva aux résonances profondes, la cohésion du sextet.
Deuxième surprise de ce set : une composition originale de Nicolas Caumont dont le titre signifie « Soleil » en béarnais. Attaque sur une belle performance de saxophone solo porté par la contrebasse et la batterie qui à son tour nous offre une puissante démonstration de maîtrise des fûts ; ça claque, c’est précis, efficace.
Théo présente les musiciens avant d’introduire le dernier morceau arrangé par Mathieu Cochard : ‟Ana Mariaˮ de Wayne Shorter que l’on retrouve sur l’album Native Dancer sorti en 75. C’est le moment de tout donner, et nous apprécierons d’excellents solos de violon, du clavier rebondissant en cascades perlées de Mathieu, et surtout d’un torride solo que nous a offert Garance Baltardive, brillante démonstration que le trombone peut être un véritable instrument soliste. Un véritable moment de grâce assurément, pour clore une belle prestation avec ces jeunes musiciens prometteurs ; le public est conquis.
Theorem of Joy

Le temps du changement de plateau, le rideau se lève sur le quintet de Theorem of Joy, composé de :
– Thomas Julienne, contrebasse, compositions
– Raphaëlle Brochet, chant
– Robin Antunes, violon
– Anthony Winzenrith, guitare
– Tom Peyron, batterie
Première plage de l’album Feux à paraître prochainement, « New Spring » s’inspire d’un conte chinois relatant l’acquisition du feu, élément symbolique de destruction mais aussi de vie. Le voyage peut commencer. Violon, contrebasse et guitare électroacoustique délicatement portés par la batterie de Tom Peyron dessinent une aérienne ligne mélodique, l’écrin d’où s’envole le chant de Raphaëlle Brochet aux accents délicieusement orientalisants. Ruptures de rythmes qui aiguisent l’écoute, un solo de guitare jazz-rock, l’envolée lyrique du chant sur fond de cordes basses ; nous sommes au cœur d’un jazz métissé qui a su intégrer les influences de ses instrumentistes dans une composition originale qui nous parle du monde.
Quelques mots de Thomas Julienne pour nous livrer quelques clés de ce répertoire en neuf titres explorant la question du vivre ensemble, entre mythes anciens, défis contemporains et visions futuristes, et introduire le titre suivant, « Au Monde« . La ligne mélodique esquissée par la guitare de Anthony Winzenrith accompagne le chant – en anglais – subtilement modulé de Raphaëlle qui esquisse quelques pas de danse. Une séquence toute empreinte de douceur voyageuse.
“Heart Wide Open” : une intro rythmée entre contrebasse, batterie et pizzicati du violon de Robin Antunes ; la voix qui nous emmène quelque part du côté de l’Inde, le violon jouant entre subtiles dissonances et jeu festif. Moment de respiration en douceur vers un beau solo de batterie ponctué par les accords de guitare et un final en reprise du thème, chant de fête.
Nouvelle ambiance pour “Behind the Sky”; Thomas Julienne dans un halo de lumière qui annonce une intro de notes de contrebasse, toile de fond d’une ambiance délicieusement inquiétante esquissée entre violon plaintif et chant. Anthony Winzenrith emmène tout le monde avec un solo qui vire en accents post rock de guitare saturée, suivi par le chant en fulgurances qui nous emportent loin et haut. La tragédie va crescendo jusqu’à la chute, chaos ou calme retrouvé dans un chuchotement. A noter le remarquable travail du son et des lumières qui ont pleinement contribué à la magie de ce spectacle total.
“Little Raymonde”, c’est l’histoire d’une petite fille qui se cache dans un champ en Normandie pour éviter les bombes. C’était en 1944. Une composition très personnelle de Thomas Julienne. Le chant est en Français cette fois ; « …le ciel tombe sur les hommes, je ne suis qu’une enfant… ». Le jeu sensible de la contrebasse en mode mineur accompagnée par Tom Peyron aux balais feutrés crée un climat émouvant.
Avec “In the Way” les accents des Balkans ne sont pas loin, le chant de Raphaëlle Brochet tutoie les sommets entre une fabuleuse séquence scat et un moment de grâce a cappella, rejoint par le tempo de caisse claire ; aérien !
“El Haik Dance Floor” : sur une rythmique binaire aux intonations furieusement électro contrastent les accents d’un violon venu de contrées arabo andalouses ; un riff hypnotique approchant l’état de transe.
“Upside Down Candle” ; un dialogue enchanteur voix et violon en légèreté, avec la palette exubérante du chant céleste de Raphaëlle Brochet.
Dernier titre, “Ideal Robots” renoue avec la vie, tempo apaisé ; une parfaite alchimie du chant des cordes à l’unisson entourant la voix, parlée parfois, un final en émotion et délicatesse.
Plus qu’un concert, subsiste le sentiment d’avoir partagé une expérience, un voyage onirique teinté de sonorités orientales portées par une voix envoûtante aux couleurs chatoyantes, une alchimie réussie où se fondent des influences de l’Inde, Moyen-Orient, Maghreb, teintés d’accents rock ou electro parfois, dans le creuset d’un jazz créatif. C’est aussi une invitation à une exploration des doutes et des espoirs d’un monde en devenir. Pour celles et ceux qui ont laissé passer ce magnifique moment, la prochaine session de rattrapage : concert au Studio de l’Ermitage le 17 septembre prochain et / ou la sortie de l’album le 19.
Par François Laroulandie, photos Philippe Marzat
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Galerie photos Theorem Of Joy :








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