Espace Mably Bordeaux

Concert de Stefano Battaglia “Unitas Multiplex”, piano solo, samedi 05 novembre 2022, Espace Mably à Bordeaux

Association Notre Italie – Concert de clôture des journées d’études consacrées à Pier Paolo Pasolini, pour le 100e anniversaire de sa naissance.

Organisation avec le soutien de l’Université Bordeaux Montaigne, et du Rocher de Palmer.

L’Association Notre Italie est très active sur Bordeaux et alentours, où elle s’est donné pour mission de promouvoir la culture italienne, dans divers domaines où elle a historiquement toujours occupé une place très importante au plan international, notamment en matière de littérature, de cinéma et de musique. L’association propose donc des conférences, des manifestations et rencontres, comme le Festival du Printemps Italien, en mars dernier,  ou encore ces récentes Journées d’étude et d’hommage à Pier Paolo Pasolini, pour le 100ème anniversaire de sa naissance, clôturées par le magnifique concert solo du pianiste Stefano Battaglia.

Musicien très actif, dont l’envie créative ne semble pas avoir de limite, il est reconnu à l’international, par de nombreuses expériences et des concerts donnés tout autour de la planète, par d’honorables distinctions reçues, par son action en matière d’enseignement, notamment à l’École Siena Jazz, ou à la direction du Laboratoire Permanent de Recherche Musicale de Sienne.

Il est aussi l’auteur d’une florissante discographie, dont on peut extraire deux albums, en lien avec le concert de ce soir : « Re : Pasolini », formé de 2 cd, sorti en 2007 sur le label ECM, sorte d’hommage à Pier Paolo Pasolini, à l’écriture précise et attachée à quelques étapes majeures de l’œuvre de Pasolini, exécuté avec deux formations distinctes pour chaque disque, et « Pelagos », lui aussi formé de 2 cd et sorti sur ECM, mais en 2017, exécuté en solo, ce qui le rapproche de la musique jouée ce soir, par de saisissantes plages, aux développements méditatifs, entre mélancolie et gravité. Gravité des évènements qui  frappent certains peuples, et sont inlassablement reliés, souvent presqu’en direct, par les réseaux et le « multiplexage » de l’information.

Le set débute par une longue improvisation, tantôt sereine, tantôt plus mouvementée, avec des bribes de tourment, qui mettent déjà en place le décor.
La deuxième pièce semble plus solaire, verdoyante, ample, quoique par moment inquiétante. Des images apparaissent, comme une vaste étendue de toscane, où une plage à l’horizon infini, où  purent se vivre l’amour, mais aussi la haine, quelque fois fatale, on pense à la plage d’Ostie, où Pier Paolo Pasolini fut assassiné. Une touche de mélancolie, souligne parfois ces traits ambivalents, soutenue cependant par le rythme d’une vie vécue à  la vitesse d’éclairs furtifs, menée par la créativité, la prise de risques, l’envie d’aller toujours plus loin, militante, dénonciatrice, combative, et épaulée par cette indéfectible spiritualité qui voudrait apaiser les souffrances. La vie de Pier Paolo Pasolini, l’Italie est là, dans sa beauté, sa couleur et son histoire, à la fois belle et douloureuse.
Plus dans la lignée de « Pelagos », la troisième pièce est plus expérimentale et frondeuse, signalons que Stefano Battaglia est féru de musique classique et contemporaine. Elle est formée d’un ensemble de courses répétitives,  parsemée de chants d’oiseaux, d’éclats interrogatifs lumineux, dont le son interpelle le silence des bouches tues. Il est vrai que dans cet album, des titres tels que « Destino », « Lampedusa » ou encore « Migration Mantra », pour ne prendre qu’eux en exemple, et dont on retrouve ici l’esprit, sont sujets à réflexion profonde, et propices à délier des langues, tragiquement empêchées par le chagrin…
Pour clore cet exceptionnel concert, la quatrième pièce, en plusieurs actes, débute de façon assez « jarrettienne », romantique, ensoleillée et porteuse d’espérance et d’amour. Mais, afin de nous inviter à réfléchir encore plus intensément, des éléments déchaînés surgissent, en une longue suite qui ouvre les portes d’une remise en question méditative, entrecoupée d’un soupçon de piano aux cordes percutées  mais pas pour autant préparées. Surviennent un break de piano, très rythmique, puis un bal percussif main gauche main droite, et enfin, retour  à la douceur, d’une âme apaisée, comme une contine pour enfants.
Deux rappels nous seront offerts, l’un très original, tout en vigueur espacée, s’évanouissant en petites notes aiguës, comme une conversation entre des gouttes d’eau. Puis retour au calme lors du second, avec un subtil mélange de douceur  et de notes percutées,  une nouvelle histoire du soir se dit, pour encore plus de sérénité. Des notes sont ainsi lâchées dans le silence, comme des tags peints sur des toiles inconnues, catalyseurs des consciences, et le public, nombreux et très attentif tout au long du concert, succombe à la force de telles images sonores.
Enfin, l’insistance répétitive de notes graves percutées, formule une interrogation du destin, des nuages noirs et interrogatifs semblant se lever de nouveau. Peut-être qu’à ce moment-là, le piano est la voix des enfants, des jeunes générations, qui questionnent les adultes, pour savoir ce qu’il adviendra du monde que nous leur réservons, sans un faisceau de lumières, si nécessaires à l’unité humaine !

Merci à l’Association Notre Italie pour l’organisation de ce très beau concert, merci à Stefano Battaglia pour la beauté de sa musique, la justesse de son hommage et la profondeur de ses messages, et à Stefania Graziano-Glockner d’avoir mené à bien ces journées consacrées à l’immense Pier Paolo Pasolini !

Par Dom Imonk, texte et photos.

http://notre-italie.org

Interview de Stefano Battaglia par Stefania Graziano-Glockner :

http://simposio-italiano.org/lurgence-expressive-et-la-quete-du-sublime-pour-le-pianiste-italien-stefano-battaglia/

Galerie de photos :

Stefania Glockner Graziano, présidente de l’association Notre Italie, et Stefano Battaglia.