Shauli Einav Quartet – Living Organs

Shauli Einav été découvert en 1998 par le légendaire Arnie Lawrence. Originaire d’Israël, le talentueux saxophoniste a parcouru le monde en jouant avec les plus grands tels Aaron Goldberg, Avishai Cohen ou encore Jonathan Blake, Walt Weiskopf. Après un passage à New York et Paris, il s’est installé au Luxembourg en 2019. Musicien talentueux et complet, il compose avec audace, ne s’installe jamais dans le confort d’une mélodie prévisible. Shauli Einav a déjà à son actif six albums dans lesquels il a privilégié une instrumentation uniquement acoustique basée sur le swing.

 Le titre de ce nouvel opus a été choisi pour symboliser la connexion de tous dans le monde dans l’espoir qu’advienne une harmonie commune. Musicalement, cela évoque également une œuvre élaborée autour de l’orgue qui favoriserait une approche plus moderne du jazz. Il a composé un quartet de haut vol avec le pianiste et organiste Laurent Coulondre. On ne le présente plus, son talent a été unanimement reconnu et récompensé par de nombreux prix, dont celui de meilleur artiste instrumental aux victoires du jazz en 2020. En plus de mener une carrière exceptionnelle, il multiplie les collaborations avec les plus grands. Eran Har Even, guitariste et bassiste installé à Amsterdam depuis 2006 est devenu un véritable pilier de la scène jazz néerlandaise et Paul Wiltgen, le batteur luxembourgeois membre de longue date du trio Reis-Demuth-Wiltgen a un talent qui déborde largement de la dynamique scène luxembourgeoise.

On entre dans cet univers musical en tenant entre les mains une magnifique pochette lumineuse, éblouissante, aux couleurs mordorées et chatoyantes où Shauli Einav se tient debout avec son ténor dans un décor qui regorge d’instruments de musique. Elle est l’œuvre du talentueux Guillaume Saix qui a su créer une ambiance chaleureuse et intemporelle. Avec Living Organs, Shauli Einav explore des paysages sonores électroniques et acoustiques en mettant l’accent sur le groove. La conception du projet est définie par le compositeur lui-même sur la pochette intérieure du CD : « Dans ce groupe, chaque partie est vitale et a un rôle individuel tout à fait unique. J’ai l’impression que nous sommes quatre solistes jouant ensemble, et grâce à ça, je regorge d’idées plus que jamais. » Il assume et revendique ici ses influences éclectiques qui s’inspirent du jazz mais pas que : Charlie Parker, Iron Maiden, Jamiroquai, Queen, David Bowie, des références musicales des années 90 d’où émergent un jazz original et une écriture riche à la recherche de mélodies et d’harmonies singulières.

Premier titre, A la yustor surprend par l’accroche puissante du saxophone ténor qui sonne plus comme une fin qu’un commencement ; l’oreille prise à rebours, se fait attentive à ce feu d’artifice sonore, les chorus s’enchainent dans des constructions limpides et exigeantes. Screech est remarquable par la qualité du dialogue qu’il propose entre le saxophone soprano et la guitare avant un magnifique et très enlevé chorus de Laurent Coulondre au piano.

Into my dream débute avec un ahurissant solo au ténor, la complexité de l’écriture invite à pénétrer dans une trame musicale aérienne. Les 3 autres musiciens assurent brillamment la rythmique en glissant des notes placées, posées, indispensables pour retrouver le thème. Et si le rêve de Shauli Einav était de trouver le son parfait sous les graves de son ténor ?

New life, légère comme une ballade optimiste est bientôt assombrie par un changement de rythme incarné par le son beaucoup plus grave et rock de la guitare électrique. On cherche à se raccrocher à un air que l’on connait, on fait fausse route et après un vagabondage musical, les musiciens reviennent à la mélodie, ça finit sur les chapeaux de roue dans un style très rock. Shauli Einav rend ici hommage à son adolescence en se plaçant au carrefour du jazz et du rock, avec la volonté affichée de créer un pont entre générations.

 Changement d’atmosphère avec Astro, qui d’emblée s’inscrit dans une ambiance futuriste, on est au début de quelque chose, le morceau est chargé de mystère et devient plus lumineux quand la guitare relaie le son luxuriant du saxophone alto et la mélancolie finit par pointer, les sons adviennent plus minéraux, transcendés par la finesse du jeu de Paul Wiltgen.

Autre titre puissant, West 4 permet à chacun de démontrer sa virtuosité : en soliste inspiré, Shauli Einav signe ici un titre superbe qui met à l’honneur son talent et la richesse du dialogue qu’il entretient avec ses partenaires.

 A signaler le vibrant chorus de Laurent Coulondre à l’orgue sur le très rythmé Joe’s shade dans un alliage d’énergie et de finesse.

 Chaque morceau est unique et reflète la musique intérieure de Shauli Einav à travers une infinie palette de sons. Il foisonne d’idées et parfois, le travail sur les dissonances rappelle l’influence d’Eric Dolphy. Il est aussi créatif au soprano, au ténor, à l’alto et à la flûte ! Pour conclure, laissons-le à nouveau s’exprimer : « Les choses que vous entendez à l’âge de huit ou neuf ans collent à vous. Donc, pour cet album, j’ai juste écrit la musique que je voulais entendre. Le plus important pour moi est toujours d’être honnête envers moi-même. »

Par Christine Moreau

Label Outside in music

Tracklist : Compositions de Shauli Einav.

A la yustor

Vyana

Screech

Into my dream

New life

Astro

West 4

Joe’s shade

Hypnagogia

Sortie de l’album le 17 Novembre 2023.

https://www.shaulieinav.com/shows