Santi Debriano & Andrea Bachfeld / ASHANTI

Andrea Bachfeld : Flûte / TK Blue : Sax Alto / Tommy Morimoto : Sax Ténor / Ray Sero : Sax Baryton / Emile Turner : Trompette / Adrian Alvarado : Guitare / Mamiko Watanabe : Piano / RobbyAmeen :Batterie / SantiDebriano : Contrebasse, Compositions, Arrangements
Contrebassiste peu connu en France, Santi Debriano a pourtant bonne et légitime réputation dans les clubs de New-York. Né à Panama il y a presque 70 ans, vite débarqué à Brooklyn, Il démarre sa carrière dans les ’70 auprès d’Archie Shepp. Séjourne à Paris où il rencontre le pianiste Kirk Lightsey qu’il ne perdra jamais de vue, et accompagne Sam Rivers. Début copieux ! De retour à N.-Y., il est invité par L.Coryell, P.Sanders, C.Taylor, C.Valdes, R.Weston, F.Hubbard, H.Jones, E.Jones… (Beau palmarès, qui nous parle ! ) avant de commencer en ’87, une carrière de leader, et de solide compositeur, avec des formations fusion, jazz, world (Panaméen oblige), localement (N-Y) réputées.
Et nous voici plongés dans cette sale vieille période Covid-confinée où il restait à faire contre mauvaise fortune ce que l’on pouvait. Il en profite pour réfléchir et faire murir un ambitieux projet. Il convoque des musiciens, organise des jam’s dans sa cave qui devient un atelier permanent, voire un athanor alchimique. De ces impro collectives, il retient 8 musiciens pour le nonette multi-hetnique présenté ici. Un équilibre de 5 souffleurs pour une section de 4 rythmiques-harmoniques.
« Bembe » vient d’un rituel (Yoruba-Santeria) collectif de transe incluant musique, spiritualité, danse et art de vivre. « Ashanti » est le nom d’une tribu togolaise où le pseudonyme Santi est fréquent. A 1ère écoute, on ne perçoit rien de spécialement ‘wold’ dans cette musique, si ce n’est le caractère spécifique de chacun des composants y participant
On est tout d’abord séduit par la rondeur solide et sensuelle de la contrebasse qui se réinvente à chaque mesure menant des thèmes originaux avec de vraies mélodies, dont certaines n’en finissent plus de trotter dans la tête bien après la fin du disque…
La guitare acoustique, cordes nylon, aux mains du brésilien, charme et envoûte de sa limpidité virile héritée des favelas et du flamenco. Il chante la mélodie, la retournant dans tous les sens, en symbiose avec la contrebasse, cernés par les arrangements veloutés qui ne sont pas sans évoquer le travail d’A.Shepp dans ses grandes œuvres orchestrales.
Puis, c’est la tendresse virevoltante de la flûte, sur un rythme plus éxotique, qui nous entraîne dans des régions ensoleillées et sauvages, pleines de mystère attirants, telle la flûtiste dans le tableau du Douanier-Rousseau… Un chorus de l’alto qui surfe sur les vagues d’un océan où on aime à nager avec lui… Et l’omniprésence de la contrebasse joyeuse maintenant la cohésion permanente du groupe appliqué, mais dont le talent de chacun veut nous faire montre d’une liberté naturelle qui réjouit le cœur et les oreilles.
L’âme de J.Coltrane veille sur le 3ème titre, en 6/8, dédié au devenir des esprits des défunts dans les rituels ‘vaudou’. Le baryton est langoureux, la guitare étincelante et profonde, le piano flotte en arpèges, en apesanteur sur le Styx… accords d’une douceur ténébreuse…
Vient l’ évidente évocation de Mingus, travail sophistiqué d’une composition complexe, tempi casse-gueule, contrepoints précis, vrai exploit d’acrobatie pour tous !
‘Till then’ de B.Hutcherson. Encore du soleil, par pleines brassées. Piano, flûte, alto, bar., contrebasse, s’enchaînent en chahutant sur une plage de poussière d’étoiles…
La trompette brille sur un thème funky-jazz, la batterie éclaboussant de swing et groove par sa vitalité qui rebondit sur l’ensemble.
Un bon vieux ‘Boogaloo’ qui réveille les gambettes… et les papilles ! Le batteur se régale, nous aussi. Suit une pièce pleine de vie où les musiciens semblent se lâcher en livrant leur spontanéité, dans un espace ouvert… une fois accepté les limites d’une compo exigeante.
‘Mr Monk’, pièce maîtresse, en forme d’hommage à… La pianiste est habitée de l’esprit foldingue du légendaire ancêtre. Sur fond de blues vif, les 3 sax’s y vont de leur évocation, avec citations réelles ou suggérées, tout ça dans une gaieté non feinte d’où apparaît le sourire lumineux de Mr T.Monk.
Enfin, en signe de présentation, et d’au revoir, un solo de Santi Debriano, émotion d’un clin d’œil destiné à un autre maître, de la contrebasse, déjà cité dans ces lignes, sur ce coup-là, vous devinez… !?
Merci, et à bientôt Mr Santi debriano !
Chez : JOJORECORDS
Par : Alain Fleche