Je poursuis donc mon ouvrage, toujours avec honte, et la série de chroniques intitulée « Mieux vaut tard que jamais ».
Voilà quelques lunes que les derniers projets d’Olivier Ker Ourio prennent la poussière sous mon coude paresseux, alors que tout cela vaut bien d’en parler, d’en reparler en l’occurrence.
Et pour l’occasion, non pas un duo, mais deux duos de Ker Ourio ! Avouez, rien que pour la rime, cela mérite de poursuivre la lecture, non ?
A tout seigneur, tout honneur, faisons un bref retour sur le parcours d’un des rares harmonicistes de la scène jazz.
Olivier Ker Ourio grandit à la Réunion, où il découvre l’harmonica au Conservatoire National de la région. Apprès quelques collaborations sur l’île et des études d’informatique, il s’installe à Paris en 1992 pour se consacrer totalement à la musique. Reconnu comme un des meilleurs harmonicistes chromatiques de jazz et comparé à la référence de tous les temps, Toots Thielemans, il a joué avec Sylvain Luc, Michel Legrand, Didier Lockwood, Danyel Waro, Emmanuel Bex, notamment.
Mais là, c’est le compositeur expressif, au jeu poétique et chaleureux que je vous propose de découvrir, ou de redécouvrir, au travers de ses deux derniers opus.
Olivier Ker Ourio – Quentin Dujardin duo – Serendipity

Sérendipité ! Après syncrétisme, voilà le mot que je ne pensais jamais caser dans une bafouille de ce genre. « Serendipity », projet duo enregistré avec le guitariste belge Quentin Dujardin dont la rencontre a peut-être été fortuite ? Je vous éclaire, sur ce mot surtout utilisé en sciences qui est le fait de faire par hasard une découverte inattendue qui s’avère ensuite fructueuse !
Tout est dit ! Ecoutez ce « Serendipity », sorti en 2024 et cette découverte inattendue vous comblera j’en suis sûr. Le duo harmonica-guitare ça sent un peu le camp de scouts, comme ça, a priori. C’est sans compter sur la richesse de la palette sonore que Ker Ourio et Quentin Dujardin, (qui a collaboré avec Toots Thielemans, belge lui aussi) sont capables d’exprimer ces deux instruments acoustiques.
Certains morceaux ont quand même une petite odeur de feu de camp, mais plutôt façon western comme le standard « Goodbye pork pie hat » ou « Blues for m&m ». Il flotte une fragrance que les contemporains du film « 37,2 le matin » auront apprécié dans la B.O. de Gabriel Yared, qui fait la part belle à l’harmonica et à la guitare, paumés du côté de Gruissan ! Mais le voyage ne s’arrête pas là : « Song for Paco » c’est l’Andalousie dans les oreilles, « Madagascar » et ses rythmiques entêtantes, « Ave Maria »… qui nous conduit presque au paradis. Le chanteur David Linx (encore un belge) est venu pousser quelques mots sur « Shy away » alors que Quentin Dujardin joue un titre solo « Jundiai » parmi les 10 plages du CD. On s’abandonne volontiers à la rêverie sur la dizaine de petites pièces et, au hasard de l’écoute, il s’agit bien d’une découverte fructueuse !
Par Vince
Inouïe distribution
Olivier Ker Ourio – Manuel Rocheman duo

Avec « Affinities », sorti en mars 2025, c’est Manuel Rocheman qui donne la réplique à l’harmoniciste. Pianiste de jazz et compositeur (pas belge), Manuel est tombé très tôt dans la marmite musicale, avec grand-mère professeur de piano, une mère violoncelliste et un père guitariste.
Disciple de Martial Solal, il est lauréat du Prix Django-Reinhardt en 1998. Son parcours croise une pléiade de noms qui comptent dans le jazz français comme Michel Legrand, François Moutin, Louis Moutin, Erik Truffaz, Sylvain Beuf, Laurent Cugny, Christophe Wallemme, Simon Goubert, Jean-Marie Ecay mais il enregistre aussi avec des pointures internationales (George Mraz, Al Foster, Ricardo Del Fra, Antonio Sanchez).
Sa virtuosité et son sens aigu de l’harmonie et de l’impro rappellent Oscar Peterson, Bill Evans, Keith Jarrett voire Chick Corea. Vous pourrez l’entendre sur les 8 pistes où chacun d’eux prend naturellement l’espace, sans démonstration, sans antagonisme ; le piano n’est pas seulement un support harmonique et rythmique, c’est une véritable conversation qui se noue avec l’harmonica et qui donne un dialogue d’une grande richesse. Le matériel est minimaliste mais le matériau mélodique est riche : une composition de Ker Ourio et une de Rocheman et huit reprises, de Dave Brubeck (In your own sweet way), de Michel Legrand (What are youd oing the rest of your life), de Wayne Shorter, de Henri Mancini et aussi de Paul Simon et Serge Gainsbourg (La javanaise). On le sait le jazz n’a pas de frontières et malgré ce choix de compositeurs éclectiques, il s’agit bien d’un projet très jazz, contrasté, spontané, riche, où les envolées lyriques sont nombreuses.
Et pour cause, il s’agit d’un enregistrement live capté à Lyon et Aix en Provence où toute l’impulsion de l’instant reste à tout jamais garvé sur le disque. D’ailleurs ce CD « Affinities » est un peu un heureux hasard car ce (presque) bootleg n’avait pas vocation à être publié, et là encore n’est-ce pas une découverte inattendue qui s’avère fructueuse ? Sérendipité quand tu nous tiens !
Si tout comme moi, vous étiez passé un peu à côté, de ces deux sorties… mieux vaut tard que jamais ! Mais… ne passez pas à côté du concert de ce duo programmé le samedi 13 septembre au festival les nuits d’Hure en sud Gironde.
https://www.lesnuitsdhure.fr/programme-2025/
Par Vince
Continuo Jazz
https://www.facebook.com/Olivier.Ker.Ourio.Officiel
https://continuomusique1.bandcamp.com/album/affinities
















