Monty Alexander au Rocher de Palmer, le 18 novembre 2025

Monty Alexander : piano
Luke Sellick : contrebasse
Jason Brown : batterie
Le piano de Monty Alexander frétille, trémolos délicats pour que la musique papille, tangue, va sans dire que la batterie de Jason Brown roule, glisse pendant que la contrebasse de Luke Sellick gronde joyeusement. Les doigts de Monty dansent avec sa légèreté, son corps d’ailleurs, pas d’âge, rien qu’une gouleyante jeunesse, les doigts cherchent pourtant l’essentiel, ce qui vibrera le mieux.
En plus, c’est impeccable, juste au service du jazz, à son plaisir. Ça swingue à fond mais avec une extraordinaire agilité, le piano s’en soulève…
Et la jouissance des trois musiciens est joyeusement visible. Les accords tour à tour plaqués et sémillants sautant sur le clavier ; le doigté du contrebassiste lui aussi s’envole. La puissance de la batterie est au service de sa rapidité.
Monty saisit le tempo, le happe, le surprend, le démultiplie. Du bonheur à l’état pur. C’est une fête, un enchantement. Les notes et les accords brillent comme des diamants, des perles ce qu’on veut mais de la lumière, de la douceur, du brio, des éclats. Croyez-le, les trois dansent ensemble, les instruments frémissent de joie, être ainsi caressés…animés. C’est un choix, une philosophie, une libération, un D-Day. Etre positif, répètent-ils !
Les harmoniques sont épurées, filant au principal, grandissant la musique, et les petites cascades de notes reviennent pour faire ressortir la trame plus proche d’un somptueux océan au roulis délicat et harmonieux. Ils reprennent les standards, de I’ll never smile again à Smile passant par un medley de Bob Marley, Worksong, Oh When the saints go marching’in, en les déroulant comme un papyrus aux couleurs délicieuses. Tout est rond. Et l’accord, parfait entre ces trois-là !
La musique est faite pour rebondir et s’évaporer, eau bouillante et transparente, courants indisciplinés, ils jouent très près les uns des autres et on n’est pas surpris !
Monty laisse à peine le thème se poser qu’il l’emporte, en chatouille le tempo, tout à fait accompagné par ses deux acolytes… La contrebasse de Luke Sellick swingue finement, juste ponctuée par la batterie de Jason Brown, parfois en mode percussion sensible. Des passages boogy, reggae pour le fun, la fraîcheur de Monty indiscutable par petits soubresauts grésillants. Monty se retourne souvent, regarde ses compères jouer, absorbe leur jeu et s’y glisse. Et bien sûr, tout ça est subtil.
L’été 42 prend des couleurs de lever de soleil inexploitées, les balais de la batterie jouissent discrètement, les accents caribéens apparaissent et repartent dans la pénombre, mélange des genres effleurés, mêlés finement que le tempo s’épanouisse toujours, un peu, beaucoup, presqu’à la douce folie. Et je peux vous dire qu’ils s’amusent, et que nous, nous nous délectons.
Quelques notes de la Marseillaise ébauchées, Histoire de… Elégance et tendresse intimement liées, et les accords de Monty chantent… à l’infini. Pour le galop des doigts de Monty Alexander sur le clavier, imaginez des petits chevaux graciles cavalcadant sur une écume, en arrêt soudain parce que le tempo en a besoin de ces silences, ces suspensions, si les accélérations désirent défiler. Parfois, Monty semble écouter ce que les accords lui disent, lui proposent et là, naît une créativité ininterrompue. Le pianiste déploie les thèmes, les épuise, c’est -à-dire en explore toutes les combinaisons, rayonnements imaginables, inimaginables, à l’affût des silences qui ouvriront une autre piste, une autre variation avec un respect infini. Il en appuie sur une note au-delà du clavier, c’est bien çà…
Le bruissement de ces notes est un baume. Voyez-vous, tout brille, éclairé par cette lumineuse jeunesse. Et pour le Smile de Chaplin, un numéro de claquettes aériennes dans les balais de la batterie. Merci.
Par Anne Maurellet, photos Alain Pelletier
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