Michael Mayo au Rocher de Palmer, le 06 mars 2025

Vocaliste voltigeur. C’est ainsi que Michael Mayo est présenté dans le programme du Rocher de Palmer. Difficile de trouver mieux pour qualifier cet étonnant chanteur et compositeur californien qui a toujours baigné dans le monde de la musique et a pu côtoyer les plus grands puisque son père Scott Mayo était le saxophoniste de Earth Wind and Fire et sa mère Valérie Pinkston a été la choriste de Beyoncé, Diana Ross, Whitney Houston…
Après de brillantes études musicales au Thelonious Monk Institute of Jazz, Michael Mayo a publié en 2021 un premier album salué par la critique, Bones, dans lequel il dévoilait un univers très personnel, une musique complexe mais empreinte de sensibilité. En 2024, il publiait Fly, confirmation de son excellente technique vocale et de sa modernité.
Au sein d’une scène jazz vocale qui, ces dernières années, a vu éclore des talents essentiellement féminins, le phénomène Michael Mayo n’est pas passé inaperçu. Sa virtuosité lui a permis de se produire avec des pointures comme Herbie Hancock, son mentor ou Vincent Peirani, son incroyable aisance technique évoque Al Jarreau, Grégory Porter et surtout Bobby McFerrin.
Au Rocher, devant un parterre de fans venus parfois de loin pour l’écouter, c’est entouré d’un solide line up composé d’ Andrew Freedman aux claviers, de Kyle Miles à la basse électrique et de Robin Baytas à la batterie que le jeune prodige est entré sur scène. Le quartet a interprété des compositions personnelles et des standards aux arrangements souvent décoiffants. La tournée mondiale marathon entreprise pour présenter Fly réjouit Michael Mayo tant il aime communiquer avec le public, détendu, souriant, très loquace, heureux de partager avec sérénité une musique brasseuse d’influences.
Son show irradie d’une créativité qui ne semble pas avoir de limites. Le chanteur surdoué nous renvoie à l’origine même du jazz, nourri d’improvisations. Il forge sa singularité polyrythmique en saisissant l’essence du hip hop, de la néo soul, du RnB dans des rythmes gorgés de groove. Son approche toute en souplesse lui permet de varier les registres avec une belle agilité et de passer du scat aux percussions vocales. Ses textes évoquent la quête de la liberté, la volonté de se connaître parfaitement pour mieux s’accomplir.
Le concert a débuté avec l’une de ses compositions Bag of bones qui s’interroge sur la vie et la mort et qui oscille entre joie et mélancolie. La dynamique de la rythmique accompagne cette chanson où Michael Mayo prend son envol.
Dans un autre registre, son timbre profond s‘est épanoui pleinement sur une reprise tonique de Just Friends de Charlie Parker, le morceau est remodelé en écrin à vocalises, paré de chorus chatoyants au piano, d’élans créatifs à la batterie. Michael Mayo scatte, improvise en jouant sur les nuances pour revenir à la mélodie avec délicatesse.
Il nous a offert une belle interprétation de I wish. Malgré son apparente décontraction les paroles pointent l’anxiété, sa voix danse sur le tandem basse/batterie et balance d’un registre à l’autre grâce à son étonnante flexibilité rythmique.
La relecture très contemporaine de la chanson d’Ella Fitzgerald I didn’t know what time it was a été un point fort du concert : Michael Mayo s’enregistre sur un looper afin de superposer plusieurs boucles vocales. Beat boxer percutant ou chanteur a capella, sa voix se dédouble, devient la ligne de basse, nos oreilles sont fascinées par cette architecture vocale qui repose sur sa maitrise parfaite des harmonies. Il devient un formidable orchestre à lui seul, sa fantaisie est sublimée par sa tessiture hors norme, voltigeur capable de passer du grave à l’aigu avec un naturel désarmant.
Sur son « tube » You And you, le rythme syncopé accompagne un phrasé proche du slam. Cette chanson primordiale aux paroles introspectives est un plaidoyer pour inviter chacun à assumer pleinement qui il est vraiment.
En hommage à Miles Davis, il a proposé une relecture originale d’un de ses standards, Four. Sa grande musicalité lui permet d’imaginer des lignes vocales très pures qui mettent en lumière une incarnation personnelle du scat, de chants sans paroles. Les musiciens apportent de la profondeur et habillent le morceau de belles coulées de notes claires au piano, d’un chorus inspiré de basse. Quant à lui, ses longues échappées ré -enchantent la mélodie. Instrument sublime, sa voix se substitue à la trompette en sollicitant les sons de manière subtile.
Puis, sur une émouvante ballade piano /voix, en crooner accompli, il nous a proposé un beau moment intimiste magnifiant à nouveau son exceptionnelle technique vocale.
Ce vibrant voyage musical s’est conclu après deux rappels et un public debout pour ovationner une figure importante de l’avant garde du jazz actuel. Nous avons applaudi un explorateur vocal qui investit avec élégance et raffinement des espaces sonores sophistiqués mais accessibles en tissant des liens magiques entre hier et demain.
Par Christine Moreau, photos Géraldine Gilleron
Set list:
Bag of Bones,
Just Friends,
I wish,
About your love,
I didn’t know what time it was,
You and You,
Four, Ballad,
Frenzy,
20/20.
Tournée mondiale :
https://www.michaelmayomusic.com/tour
FOUR :
https://www.youtube.com/watch?v=qAlPI_rKvE0
Galerie photos :











