Kidd Jordan et Hamid Drake – A night in november – Live in New Orleans

Kidd Jordan : Sax Alto et Ténor
Hamid Drake : Batterie

Enregistré les 20 et 21 novembre 2011, Benjamin Lyons produit le 7ème opus pour son label Valid.
On se souvient des circonstances de l’évènement : Benjamin est pote avec Kidd, qu’il a entendu jouer
avec Andrew Cyrille. Il connaît aussi Hamid qui est un familier de Kidd avec qui il joue de temps à autre,
mais jamais encore en duo. Les 2 sont en ville, un studio est disponible… et voila !
Livré dans une double pochette (carton), Rob Cambre signe des commentaires pertinents, sur la rencontre
présente et sur l’état du jazz improvisé à cette époque, en voici de larges extraits, librement interprétés :
Cela fait 15 and que Kidd n’a pas publié de disque. Le matériel sur les différentes musiques improvisées a
explosé depuis la fin des ‘90, principalement grâce au faibles coûts des équipements d’enregistrement, des
productions de cd, mais aussi à l’évidence de la nécessité de la pratique de l’improvisation spontanée. De
fait, des musiciens peuvent, en se rencontrant pour la 1èrer fois, enregistrer un album ‘qui vaut le détour’
dans l’après-midi, tant le niveau de compétence individuel et la qualité de communication des principaux
acteurs est élevé. Ainsi, on découvre les multi-facettes de nombreux musiciens proposant des tonnes de
documents pour la postérité et l’édification des jeunes suiveurs. Sauf que bien souvent, cette approche se
résume à l’équivalant des ‘Blowing sessions’ du Be-Bop : une musique savamment exécutée par des pro’s
ou semi pro’s qui font du mieux de leur art, mais juste à l’occasion de passage surprise, de moments
uniques d’expression musicale sublime demandant une écoute attentive et répétée pour tirer tous le jus de
ces performances éphémères.
Kidd en est à son 12ème disque, celui-ci est à part car il n’a jamais disposé d’autant d’espace, jouant seul
avec l’élégant ‘druming’ de Hamid qui lui offre ici un merveilleux cadre. Kidd préfère généralement jouer
avec des instruments harmoniques pour s’extérioriser, selon sa pratique personnelle des rapports entre les
notes, il joue rarement sans piano et contrebasse. Kidd peut jouer en multi-phonie, en suraiguë, et autres
techniques extrêmes, mais son truc c’est le travail sur les notes et comment entrer en relation-
communication-intimité avec les autres. Hamid est le partenaire idéal pour un duo, avec son approche ‘à
la Ed Blackwell’ très mélodique, accordant avec précision sa batterie. Hamid travaille beaucoup les
‘tablas’, la musique indienne et les ragas, cela s’entend dans leurs échanges, surtout dans ses réponses aux
phrasés de Kidd.
Les duo sax-batterie sont toujours créatifs, explorant toutes les combinaisons possibles entre les 2
instruments. On se souvient de ‘Interstellar Space’ de John Coltrane et Rashied Ali, qui met la barre très
haute, Ali remet el couvert avec Frank Lowe en ‘72, puis il y eu bien d’autres duo sur ce schéma : Evan
Parker/Paul Lytton, Peter Brözmann/Han Bennnink, David Murray/Milfort Graves… et plus. Hamid est
rompu à cet exercice, notamment entendu avec Joe McPhee, Fred Anderson, Frank Gratkowski (sur Valid
Records)…
On sent l’ombre de Fred Anderson planer sur cette session, c’est le ‘mentor’ de Hamid et le camarade de
jeu de Kidd. Les 2 se sont rencontrés chez Fred, ont joué dans son groupe toutes les années ‘90. Ils reprennent de
ses compositions dans leur album commun suivant, en quartet avec contrebassiste et tromboniste. Certains
prétendent que Hamid a acquit son puissant mais tendre accompagnement, mis en évidence ici, sous la
coupe de Fred. On entend bien aussi ici, dans le jeu de Kidd, la façon obsessionnelle qu’emploie Fred de
ruminer ses phrases, même s’il est impossible de les confondre, leurs disques en commun en atteste (Two
days in april, par ex.)
Outre la musique exceptionnelle, les qualités de cette session sont les réglages (enregistré par Mark
Bingham) et l’environnement. La plupart des cd’s de ce genre sont issus de concerts ou en capture studio,
mais dont la durée et le choix des morceaux est décidé par la maison de disques. Ici, la musique est jouée
en studio mais avec du public, qualité du matos studio et intensité de la présence des musiciens face aux
auditeurs attentifs. Pas de prises multiples ni sélectionnées, ni coupées, ce qu’on entend est la musique
jouée en temps réel.
Le ‘Piety Street Studio’ possède une charmante grande pièce aux hauts plafonds et un large espace avec
plus de 90 sièges. Il faisait bon cet automne à Nola et le quartier était en ébullition par des installations et
performances où Hamid apparaissait.

A défaut d’être originaux, les titres sont explicites : ‘alto and drums’, ‘drums’, ‘tenor and drums’, ‘tenor’.
Étonnamment le concert ouvre avec l’alto, Kidd ne l’emploie plus depuis des années, c’était juste son 1er
sax. Pendant de plus de 40 minutes il travaille chaque phrases avec des permutations de notes, des
ponctuations sonores comme un langage fait d’interjections et cris divers. Puis son ténor assurera le
splendide boulot que l’on connaît, pendant que Hamid alterne les tapis moelleux où il fait bon s’étaler et
rythmes énergiques qui poussent aux derniers retranchements.
Constants échanges musicaux foisonnant d’idées qui se bousculent, reprises au vol ou appelant de
nouveaux développements, la qualité du son est optimale, claire et précise. Les rapports entre les 2 sont
plus que sympathiques ou tendres mais franchement fusionnels, cela n’empêche pas des échanges forts,
violents, féroces lorsque nécessaire ! La joie de jouer ensemble est évidente, ça s’entend !
Que rajouter ? Un très beau disque de musiciens au top de leur art, heureux de discuter ensemble avec
beaucoup de choses à se dire… ça dorlote, ça réveille, ça booste, ça s’innerve, ça éclate, ça feu d’artifice,
pas une seconde d’ennui, l’attention est intense… et récompensée.

Dépêchez-vous d’écouter ça. Que du bonheur !

Chez : Valid Records
Par : Alain Fleche

https://kiddjordanhamiddrake.bandcamp.com/album/a-night-in-november