Jérome Sabbagh quartet à La Grande Poste – Bordeaux le 3 octobre 2023 :
Un timbre Vintage.

Quand on pénètre dans la Grande Poste à Bordeaux, on est séduit par la singularité du lieu. C’est une belle salle avec un large balcon à l’étage, l’architecture est de style art déco. Ce lieu revendiqué par les propriétaires comme « improbable » est très chaleureux. Le dôme abrite un espace multiculturel où se côtoient artistes, musiciens et créateurs.
Le 3 Octobre, c’était ambiance Club de jazz : Une douce lumière enveloppait des petites tables dressées pour diner ou prendre un verre et sur scène, les instruments n’attendaient plus que les musiciens pour les faire vibrer. C’est un quatuor de jazzmen new yorkais dirigé par Jérome Sabbagh qui allait s’en charger. Français installé depuis 1995 à New York, le saxophoniste a participé activement à nourrir le jazz de son originalité et de son imaginaire. Il s’est inscrit dans un courant innovant dans ses compositions en donnant la part belle à la guitare électrique au sein de son quatuor formé avec Ben Monder à la guitare, Joe martin à la contrebasse et Ted Poor à la batterie : Les albums North, Pogo et The Turn ont des inspirations à la fois jazzy et pop/rock. Il peut revendiquer une belle carrière marquée par des rencontres importantes avec notamment le pianiste Laurent coq et les batteurs Paul Motian et Daniel Humair. Tout récemment, Jérome Sabbagh a pu réaliser un rêve d’enfant en rencontrant une des légendes vivantes du piano jazz : Le grand Kenny Barron. De leur collaboration musicale est né un album : Vintage sorti en septembre 2023 avec pour compléter le quatuor, deux autres pointures : Jonathan Blake à la batterie et Joe Martin à la contrebasse. Il renoue ici avec un jazz plus classique où il s’exprime avec lyrisme.
C’est autour de cette œuvre que s’articule la tournée européenne débutée ce soir à Bordeaux. Jérome Sabbagh a fait son entrée avec son saxophone ténor patiné par le temps : un Conn Chu-berry 1927. Pour l’accompagner : Danny Grissett au piano, Joe Martin à la contrebasse et Kayvon Gordon à la batterie. Ce sont d’excellents musiciens qui se connaissent bien et qui ont un énorme plaisir à jouer ensemble. Jérome Sabbagh, fidèle en amitiés musicales, travaille avec Danny Grissett et Joe Martin depuis de nombreuses années.

Le concert a débuté avec le titre éponyme de l’album, une composition du saxophoniste qui imprime au ténor un timbre rond et chaud et qui valorise les qualités de soliste et d’accompagnateur du pianiste. Sous les doigts de Danny Grissett, les notes glissent avec une grande fluidité. Ensuite, Lone Jack composé récemment pour un ami qui a grandi dans le Missouri a résonné comme un blues de la grande époque, convoquant des images de rocking chair se balançant sur un perron écrasé de soleil. Le saxophoniste très inspiré y interprète une chanson sans paroles, comme un chanteur ! Le quatuor a également joué 2 autres titres extraits de Vintage, composés par Jérome Sabbagh : Elson’s Energy, morceau plus enlevé, influencé par la musique brésilienne où le ténor démontre sa grande dextérité à voyager entre les différentes grilles d’accords. L’ombre de Stan Getz a plané un instant sur la salle. Slay the Giant est construit sur un rythme plus lent, voire langoureux. La rythmique de la batterie soutient un beau chorus de Joe Martin à la contrebasse. Sur Lunar Cycle composé en hommage au saxophoniste Sam Rivers, le saxophone et le piano se répondent dans un jeu rapide et enlevé. Il y a beaucoup d’intensité dans ce dialogue musical avant que l’énergique solo de Kayvon Gordon à la batterie ne vienne brillamment perturber cet échange. Jérome Sabbagh a composé Unbowed (insouciant) pendant le Covid. Le titre est un joli contrepied à cette période angoissante. C’est un morceau au ton plus grave. La voix du saxophone se fait plus mate, le piano moins lumineux et la mélancolie du thème reste dans l’oreille.
La soirée s’est conclue sur un rappel : Rooftops. Ce titre tonique et mélodique où Joe Martin interprète un époustouflant chorus figure dans l’album Pogo avec Ben wonder à la guitare en lieu et place de Danny Grissett et illustre la cohérence de l’œuvre de Jérome Sabbagh.
En bref, une très belle soirée ! La richesse des mélodies est propice aux improvisations et la diversité stylistique des compositions réconcilie tradition et modernité. A l’image de Jérome Sabbagh qui, dans sa trajectoire musicale, ne s’est jamais laissé enfermer dans un répertoire.
La set list du concert :
Vintage
Lone Jack
Elson’s energy
Slay the giant
Heart
The break song
Lunar cycle
Unbowed
Danny’s tune (seul morceau qui n’est pas de Jérome Sabbagh et qui n’a pas encore de titre)
Rooftops.
Par Christine Moreau, photos Solange Lemoine.
Liens :
La chronique du disque Vintage par Philippe Desmond dans La gazette bleue
Galerie photos par Solange Lemoine











